15ème législature

Question N° 1332
de M. Bastien Lachaud (La France insoumise - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > entreprises

Titre > Situation de Lapeyre

Question publiée au JO le : 16/03/2021
Réponse publiée au JO le : 24/03/2021 page : 2937

Texte de la question

M. Bastien Lachaud interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation de l'entreprise Lapeyre. Lapeyre. Un nom que tous les Français connaissent. Le nom d'une entreprise fondée en 1931. Une entreprise synonyme de 90 ans de savoir-faire et d'excellence dans le domaine de la menuiserie et de l'aménagement. Une entreprise qui emploie aujourd'hui près de 3 500 salariés, dans 10 usines, 126 magasins, sur tout le territoire national, à son siège, dans la circonscription de M. le député, à Aubervilliers. Une entreprise qui risque aujourd'hui de disparaître. Suite à des erreurs stratégiques qui ont mis Lapeyre en difficulté, Saint-Gobain, propriétaire de l'entreprise, a choisi de la vendre. Il privilégie aujourd'hui l'offre de Mutares, un fonds d'investissement allemand, côté à la bourse de Francfort. Cette vente se fait dans des conditions d'opacité inacceptable. Saint-Gobain a d'ailleurs été condamné en justice pour défaut d'information. Les représentants des salariés sont tenus dans le flou. Et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup ! Ce loup, c'est Mutares, connu pour ses opérations de rachat à finalité spéculative. Pixmania, Artmadis ou GrosBill en ont fait les frais par le passé. Victimes d'un repreneur qui n'a pas de projet d'entreprise, qui ne cherche qu'à siphonner les comptes, licencier, vendre le patrimoine immobilier, pour engranger des fonds à court terme, engraisser ses dirigeants et gaver ses actionnaires. Avant de laisser ses victimes exsangues. C'est le scénario qui risque de se reproduire pour Lapeyre. Les syndicats ont découvert l'existence d'un business plan prévoyant près de 1 000 licenciements, la fermeture de 4 usines, de nombreux magasins, dès 2023 ! Et Mutares va continuer et se nourrir sur la bête, jusqu'à la liquidation. Une honte. Il faut arrêter la casse sociale avant qu'il ne soit trop tard ! Des salariés se sont regroupés au sein du « collectif Lapeyre », et ont élaboré un projet crédible de sauvegarde de l'entreprise et de l'emploi. Ils tirent depuis des mois la sonnette d'alarme, jusqu'au Président de la République. M. le député a écrit au ministre de l'économie. Pas de réponse. Pas de soutien. Pas d'action. Alors, jusqu'à quand M. le ministre va-t-il laisser faire la vente à la découpe du patrimoine industriel français ? Il lui demande ce qu'il va faire pour sauver Lapeyre.

Texte de la réponse

SITUATION DE LAPEYRE


M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud, pour exposer sa question, n°  1332, relative à la situation de Lapeyre.

M. Bastien Lachaud. Lapeyre : un nom que tous nos concitoyens connaissent, celui d'une entreprise fondée en 1931, synonyme de quatre-vingt-dix ans de savoir-faire et d'excellence dans le domaine de la menuiserie et de l'aménagement.

Le siège de cette entreprise, qui emploie aujourd'hui près de 3 500 salariés dans dix usines et 126 magasins répartis sur tout le territoire national, se situe à Aubervilliers, dans ma circonscription.

Aujourd'hui, cette entreprise risque de disparaître. À la suite d'erreurs stratégiques qui l'ont mise en difficulté, Saint-Gobain, son propriétaire, a choisi de la vendre. À cette fin, il privilégie à ce jour l'offre de Mutares, un fonds d'investissement allemand coté à la bourse de Francfort. Cette vente se déroule dans des conditions d'opacité inacceptables – Saint-Gobain a d'ailleurs été condamné en justice pour défaut d'information. En effet, les représentants des salariés sont tenus dans le flou. Et quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup !

Ce loup, c'est Mutares, connu pour ses opérations de rachat à finalité spéculative : Pixmania, Artmadis ou encore Grosbill en ont déjà fait les frais par le passé, victimes d'un repreneur sans aucun projet d'entreprise, qui ne cherche qu'à siphonner les comptes, licencier et vendre le patrimoine immobilier, pour engranger des fonds à court terme, engraisser ses dirigeants et gaver ses actionnaires, laissant ses victimes exsangues.

C'est le scénario qui risque de se reproduire pour Lapeyre. Les syndicats ont découvert l'existence d'un business plan prévoyant près de 1 000 licenciements, ainsi que la fermeture de quatre usines et de nombreux magasins dès 2023. Mutares va donc continuer de se nourrir sur la bête jusqu'à la liquidation : une honte !

Il faut arrêter la casse sociale avant qu'il ne soit trop tard. Des salariés se sont regroupés au sein du collectif Lapeyre et ont élaboré un projet crédible de sauvegarde de l'entreprise et de l'emploi. Depuis des mois, ils tirent la sonnette d'alarme, allant jusqu'à alerter le Président de la République. J'ai moi-même écrit au ministre de l'économie, des finances et de la relance : pas de réponse, pas de soutien, aucune action. Jusqu'à quand allez-vous laisser faire la vente à la découpe du patrimoine industriel français ? Que comptez-vous faire pour sauver Lapeyre ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Vous interpellez le Gouvernement sur le processus de vente de l'entreprise Lapeyre qui, comme vous le soulignez, est connue de bien des professionnels du bâtiment et des Français affectionnant le bricolage.

Lapeyre connaît effectivement des difficultés depuis plusieurs années, ce qui a conduit le groupe Saint-Gobain à décider de vendre l'entreprise. Afin de trouver un repreneur, Saint-Gobain a donc lancé un appel d'offres. Il s'agit d'un processus utilisé très fréquemment par les entreprises et, en dehors des cas particuliers liés à la protection de nos intérêts stratégiques – et vous avez pu constater encore récemment que nous n'hésitons pas à intervenir rapidement et vigoureusement en la matière –, l'État n'a pas à s'immiscer dans une telle décision.

En revanche, nous veillons évidemment à ce que l'opération de vente se déroule dans le respect de notre droit, particulièrement protecteur des salariés. Plusieurs accords de méthode ont été signés avec les représentants des salariés dans le cadre de ce processus de vente, et j'invite bien entendu chacune des parties à les respecter pour garantir le meilleur dialogue et la meilleure coopération possibles.

Je ne commenterai pas, monsieur le député, le scénario noir que vous venez de dresser et qui me semble ne reposer sur aucun élément tangible au regard du peu d'informations dont nous disposons. À ce stade, nous savons que Saint-Gobain garantit au repreneur le financement d'une dotation représentant plus de dix ans de pertes, évaluées sur celles connues l'année dernière. Pour fermer toute possibilité au repreneur de « siphonner », comme vous dites, l'entreprise Lapeyre, cette dotation sera affectée à une fiducie contrôlée par un tiers et l'actionnaire ne pourra récupérer aucun dividende tant que Lapeyre n'aura pas retrouvé l'équilibre.

Par ailleurs, une liquidation de l'entreprise entraînerait automatiquement la perte de l'intégralité de l'apport du fonds du repreneur, ce qui ne serait pas dans son intérêt. Enfin, Saint-Gobain a exigé le maintien du dispositif industriel jusqu'à fin 2022. Je ne sais pas s'il y a un loup, monsieur le député, mais je sais que des engagements ont été pris, sur le respect desquels nous serons particulièrement vigilants.

M. le président. La parole est à M. Bastien Lachaud.

M. Bastien Lachaud. Vous n'apportez aucune réponse, monsieur le secrétaire d'État. Vous confirmez seulement que très peu d'informations sont disponibles – d'ailleurs, la justice a condamné Saint-Gobain sur ce point.

Il faut que les salariés aient accès à l'ensemble des données : le business plan dont je vous ai parlé, les salariés l'ont obtenu par des fuites depuis Saint-Gobain ! Il existe donc une réelle volonté de ne pas mettre en concurrence les différentes offres de reprise. S'il n'y a aucun problème avec le fonds Mutares, pourquoi ne pas rendre publics les éléments de son offre, afin de la comparer aux autres offres ?

Monsieur le secrétaire d'État, votre responsabilité et celle du Gouvernement n'est pas simplement de faire respecter le droit français : vous êtes également responsables de l'outil industriel et de ses salariés. La crise a démontré comme nous étions vulnérables lorsque nous délocalisions à outrance : notre pays a besoin d'industries productives, d'ouvriers et d'usines, mais vous ne faites rien pour les protéger.