Elle est pour quand cette loi Grand âge ?
Question de :
M. François Ruffin
Somme (1re circonscription) - La France insoumise
M. François Ruffin interroge Mme la ministre déléguée auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargée de l'autonomie, sur les mesures que le Gouvernement compte prendre pour améliorer les conditions de travail et de rémunération des auxiliaires de vie sociale. Par ailleurs, il lui demande, après une multitude de reports, quand le projet de loi Grand âge va être proposé.
Réponse en séance, et publiée le 24 mars 2021
LOI GRAND ÂGE
M. le président. La parole est à M. François Ruffin, pour exposer sa question, n° 1333, relative à la loi Grand âge.
M. François Ruffin. « Hier matin j'arrive chez la dame, elle était tombée et s'était fracturée le crâne. J'appelle les bureaux, mais il n'y a personne pour me répondre, personne d'astreinte. Est-ce que vous trouvez ça normal ? J'ai appelé les pompiers, la famille, je me suis débrouillée, mais est-ce que vous trouvez ça normal ? » Samedi après-midi, c'est à Flixecourt, dans mon coin, qu'une auxiliaire de vie se plaignait de sa solitude, et le lendemain, à Villeurbanne, c'était encore une pluie de témoignages sur les horaires, les salaires, les congés. « Les cadres eux-mêmes s'épuisent, raconte Aline. Quand j'étais responsable de secteur, la plus grosse difficulté, c'était de trouver des gens pour faire le travail. À tel point que je suis allée quelquefois m'occuper de personnes âgées durant les week-ends sans avoir aucune compétence, sans en avoir le droit, mais je ne pouvais pas laisser les personnes dans leur lit, pas lavées, sans avoir mangé. »
C'est l'asphyxie dans l'aide à domicile. Quatre fédérations du secteur ont alerté le Gouvernement et les Français : elles nous disent que, bientôt, on ne pourra plus choisir de rester à domicile et qu'il leur est déjà impossible, faute de personnels, d'honorer toutes les demandes d'accompagnement des personnes âgées.
Cela fait trois ans que je sonne l'alarme et que je réclame un vrai statut et de vrais revenus pour les auxiliaires de vie. Depuis trois ans, sur les bancs du Gouvernement, on me renvoie à la loi sur le grand âge. Cet automne encore, lors de l'examen du budget, Olivier Véran déclarait que la future loi Grand âge et autonomie permettrait de revaloriser encore davantage ces métiers. Mais cela fait trois ans que nous ne voyons rien venir…
Je vais retracer l'historique de cette affaire, parce que la situation en deviendrait presque comique. En mai 2018, après une marée blanche, le Président de la République Emmanuel Macron promet en personne un plan Grand âge et une loi votée avant la fin de l'année 2019. Un an et demi plus tard, à la fin 2019, pas de loi, mais Agnès Buzyn se donne « d'ici à 2020 pour réussir ». Début 2020, nouveau report : le projet de loi sera présenté à l'été ; puis en juin, c'est à nouveau promis, juré, la loi sera prête d'ici à la fin de l'année… Fin 2020, Emmanuel Macron s'engage pour une loi dès le début 2021. Nous voici au printemps 2021 et j'ai regardé le calendrier parlementaire : aucune loi Grand âge à l'horizon. Cinq reports, c'est un record ! Comme vous l'ont dit les directeurs d'établissements, stop au blabla, on veut une loi ! Pour quand est-elle prévue ? Avez-vous une nouvelle promesse à nous faire ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles, pour répondre à une question partagée par beaucoup de députés.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Monsieur Ruffin, depuis les premières déclarations que vous mentionnez et qui remontent à 2018, il ne vous aura pas échappé qu'une crise sanitaire est intervenue, rendant délicate l'avancée d'un certain nombre de projets, et pas seulement celui concernant la question du grand âge et de l'autonomie. Par ailleurs, vous pouvez convenir qu'au-delà de la loi, plusieurs mesures ont été adoptées au profit de l'aide à domicile ; je vais prendre un peu de temps pour y revenir.
Votre question me permet de rappeler un chiffre important : plus de 80 % de nos concitoyens désirent mieux vieillir en pouvant rester à leur domicile. Cela suppose un travail d'ampleur pour mieux prévenir la perte d'autonomie, mais aussi et surtout pour susciter, chez les jeunes, des vocations en faveur de ces métiers du soutien à l'autonomie et au grand âge – les métiers du lien, comme vous les appelez. Il est impératif de garantir leur attractivité et c'est l'un des axes majeurs du travail entrepris par Brigitte Bourguignon au sein du Gouvernement. La ministre déléguée chargée de l'autonomie a eu l'occasion de faire le mois dernier, à Bordeaux, un point d'étape concernant le plan d'action sur les métiers du grand âge. Elle en a d'ailleurs rappelé les caractéristiques la semaine dernière, lors de son audition par la commission des affaires sociales de l'Assemblée. Elle a pu, à cette occasion, échanger avec les parlementaires sur plusieurs aspects.
En matière de revalorisation salariale, l'avenant 44 a d'ores et déjà été agréé pour revaloriser le point d'indice des aides à domicile. Ces 33 euros bruts supplémentaires sont une première étape qui, bien sûr, ne saurait suffire, c'est pourquoi des discussions se poursuivent au sujet de l'avenant 43, qui porte sur la refonte des grilles indiciaires. Dans le contexte de la crise sanitaire, la situation financière des collectivités territoriales aurait pu mettre en péril cette augmentation. La considérant comme fondamentale, le Gouvernement a donc proposé au Parlement de voter une mobilisation de 200 millions d'euros par an, prélevés sur la branche autonomie, pour en compléter le financement – sauf erreur de ma part, il me semble, monsieur le député, que vous avez voté cette mesure. Les travaux se poursuivent et cette question reste l'un des chantiers prioritaires de la ministre déléguée.
Vous le savez très bien, l'attractivité de ces métiers ne se cantonne pas à une revalorisation salariale, même si celle-ci est essentielle. En parallèle, nous adaptons les formations de ces professionnels pour anticiper les enjeux de demain, permettre une hausse des qualifications et prévenir les risques professionnels. Enfin, nous développons des réponses pour améliorer la qualité de vie au travail et rompre avec les difficultés que rencontrent ces professionnels au quotidien, étant entendu que ces métiers sont amenés à se démultiplier. Ainsi, grâce aux outils dont nous disposons, l'action du Gouvernement se poursuit indépendamment de la loi Grand âge. Comme cela a déjà pu être évoqué, un projet de loi sur ces questions vous sera présenté dès que le contexte sanitaire le permettra.
M. le président. La parole est à M. François Ruffin.
M. François Ruffin. Ma question était simple : quand disposerons-nous d'un projet de loi ? Vous répondez pendant quatre minutes, mais vous ne faites mention d'aucune date. « Quand la crise sanitaire le permettra » : visiblement, la crise sanitaire permet de faire passer des projets de lois de toutes sortes mais pas celui-là, alors qu'il s'agit d'un point urgent puisque les auxiliaires de vie ont été en première ligne.
Je ne voudrais pas oublier un autre aspect : « La période est difficile pour les jeunes, pendant la crise sanitaire, on leur dit : "on fait tout ça pour les vieux" et, à la sortie, le grand texte qu'on voterait serait encore… pour les vieux ? » Voilà ce qu'a déclaré récemment un ministre de premier plan dans le journal Le Parisien.
Il faut éviter toute guerre des générations. Le projet de loi relatif au grand âge peut également être un projet pour les jeunes. France Stratégie indique que les métiers liés à l'accompagnement des personnes âgées sont des métiers d'avenir et que ce secteur permettra de créer beaucoup d'emplois. Mais dans quelles conditions ? Les jeunes auront-ils droit à des salaires de misère ou auront-ils accès à un statut et à des revenus décents ? La loi Grand âge doit être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée, puisqu'elle s'adresse aussi à la jeunesse.
Auteur : M. François Ruffin
Type de question : Question orale
Rubrique : Dépendance
Ministère interrogé : Autonomie
Ministère répondant : Autonomie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2021