Conditions de travail déplorables dans les blocs opératoires du CHU de Rouen
Question de :
M. Hubert Wulfranc
Seine-Maritime (3e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. Hubert Wulfranc alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation du centre hospitalier universitaire de Rouen, dont l'ensemble des blocs opératoires a été transféré au bâtiment « Le Robec » inauguré il y a quelques mois. L'ensemble des organisations syndicales des agents du CHU de Rouen, ainsi que le CHSCT de l'hôpital Charles Nicolle, dénoncent des conditions de travail déplorables au sein de cet équipement ainsi qu'une série de dysfonctionnements liés notamment aux suppressions de postes ayant accompagné le transfert précipité des services dans ce bâtiment dont les capacités de stockage de matériel par ailleurs sous dimensionnées. Alors que les services du Robec fonctionnent actuellement à 60 % de leur capacité théoriques, les organisations syndicales et le CHSCT de l'établissement dénoncent pêle-mêle, des maquettes organisationnelles inexistantes ou inexactes, du personnel insuffisamment formé pour utiliser le nouveau matériel ou encore, pour intervenir dans un autre domaine médical en bloc opératoire, une explosion des heures supplémentaires, des arrêts de travail pour troubles physiques ou psychologiques, des demandes de changements de services et des départs vers le secteur privé de la santé, des incidents en bloc opératoire liés à des problèmes de matériel, un haut niveau de tension entre les agents et leur hiérarchie, une direction du CHU dans le déni des difficultés qui renvoie à des problèmes organisationnels... Aussi, il lui demande s'il entend se saisir directement de ce dossier pour apporter des réponses à même d'améliorer significativement les conditions de travail au sein de cet équipement majeur du CHU de Rouen.
Réponse en séance, et publiée le 24 mars 2021
CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE ROUEN
M. le président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour exposer sa question, n° 1334, relative au centre hospitalier universitaire de Rouen.
M. Hubert Wulfranc. Le CHU de Rouen s'est doté d'un nouveau bâtiment, le « Robec », regroupant l'ensemble des blocs opératoires de l'hôpital Charles-Nicolle. Selon l'intersyndicale, le bon fonctionnement des services transférés dans ce bâtiment en octobre 2020 serait compromis, alors que l'équipement affiche un taux d'activité de 60 %, hors effets du covid-19. Les dysfonctionnements sont dus à l'inadaptation de locaux construits sans que les personnels aient pu exprimer leurs besoins – notamment en matière de capacités de stockage –, à une insuffisance chronique de personnels et au manque de formation de certains agents hospitaliers, en particulier des infirmiers, dont les missions ont été élargies après leur transfert.
Prétextant d'une mutualisation des moyens, la direction du CHU a profité de l'opération pour redéployer quarante postes – notamment des postes d'aides-soignants – vers d'autres services de l'hôpital comme le service de brancardage ou de stérilisation d'équipements et d'ustensiles. Le travail qui était effectué par ces aides-soignants est maintenant réalisé, à effectif constant, par des IBODE – infirmiers de bloc opératoire – ou des IADE – infirmiers anesthésistes.
Les organisations syndicales font état d'une nette dégradation des conditions de travail, raison pour laquelle tous les personnels des blocs opératoires du Robec ont fait usage de leur droit de retrait, le 4 novembre dernier. Ils dénoncent des maquettes organisationnelles inexistantes ou aléatoires, une charge de travail importante, une mauvaise organisation dans la gestion des matériels ayant des conséquences sur les interventions chirurgicales, des heures supplémentaires qui explosent, ou encore l'absence de formation préalable pour des agents appelés à intervenir dans une spécialité chirurgicale qu'ils ne maîtrisent pas pleinement.
En présence de l'inspection du travail – qui a sommé la direction d'agir –, une motion a été adoptée le 2 février par le CHSCT – comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Elle demande le recrutement d'aides-soignants, de logisticiens d'étages et d'IBODE, une formation sérieuse pour les agents utilisant le nouveau matériel et l'emploi des agents de bloc opératoire uniquement pour des opérations pour lesquelles ils sont formés. Les représentants du personnel y rappellent que la direction est responsable des conditions de travail et des risques psychosociaux provoqués par la situation.
En l'absence de réponse crédible, l'intersyndicale a organisé une nouvelle journée de grève, le 18 mars. La direction continue de se réfugier dans le déni et refuse tout dialogue social. Ma question est donc simple : le ministre de la santé prendra-t-il toute disposition utile – en lien avec l'agence régionale de santé, la direction et les élus du personnel au CHSCT de l'hôpital – pour résoudre au plus vite ces dysfonctionnements constatés dans l'unité du Robec au CHU de Rouen ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Même si vous connaissez les différents éléments de ce dossier, je commencerai par dresser l'historique des décisions qui ont été prises. Le regroupement des activités chirurgicales du CHU de Rouen au sein de ce bâtiment unique, le Robec, que vous estimez quelque peu précipité, est un projet ancien, initié il y a plus de dix ans. Il a été préparé avec l'ensemble des équipes soignantes et a fait l'objet de larges concertations avec les instances et les représentants du personnel. L'ouverture de ce bâtiment était très attendue : l'organisation antérieure, qui était éclatée en plusieurs blocs de spécialités, avait montré ses limites, notamment pour le travail et le fonctionnement des équipes au quotidien.
L'un des objectifs du projet « Robec » était précisément de répondre à cet impératif d'amélioration des conditions de travail. Il représente un investissement de 144 millions d'euros, avec un soutien financier de l'État de 29 millions d'euros. Au total, plus de 25 000 interventions y sont effectuées par an. L'emménagement dans le nouveau bâtiment était prévu au mois d'août 2020, mais la mobilisation de l'ensemble des équipes du CHU de Rouen dans la gestion de la crise du covid-19 n'a pas permis de dégager le temps nécessaire pour respecter cette échéance initiale. Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement constant de toute la communauté hospitalière du CHU qui, à nouveau, a fortement été mise à contribution, et qui l'est encore.
Pour assurer l'impératif de rattrapage des opérations chirurgicales reportées lors du premier confinement et limiter les pertes de chance pour les patients, l'emménagement dans le nouveau bâtiment a été organisé fin octobre 2020, après une large consultation. Cette nouvelle organisation, qui permet de regrouper toutes les équipes des blocs opératoires au sein du bâtiment le Robec, a été mise en œuvre en maintenant le même nombre d'infirmiers et d'aides-soignants. Le dimensionnement par salle d'intervention demeure également inchangé et la direction a veillé à accompagner l'ensemble des professionnels pour que chacun s'approprie son nouvel environnement de travail – elle continuera à le faire, j'en suis convaincu.
Il est certain que le contexte de crise sanitaire dans lequel s'est déroulé l'emménagement a accentué les défis organisationnels posés aux équipes soignantes : quelques jours seulement après la mise en service du bâtiment, les besoins de la crise ont ainsi conduit à la transformation d'un étage en service de réanimation temporaire.
En dépit de la mobilisation de chacun dans ce contexte particulier, un droit de retrait a été déposé le 4 novembre 2020 par les professionnels de santé, sur la base d'une demande de sécurisation de leurs conditions de travail et des prises en charge des patients. Pour répondre à ces préoccupations légitimes du personnel et faciliter cette période de transition, la direction du CHU a immédiatement élaboré un plan d'action en collaboration avec les équipes concernées. Ses principaux axes et les mesures correctrices mises en œuvre ont été présentés au CHSCT du 6 novembre 2020. Le plan s'accompagne de moyens supplémentaires, dont un renfort d'aides-soignants.
Dans cette période éprouvante, nous partageons évidemment tous l'objectif de garantir aux professionnels et aux patients les meilleures conditions de prise en charge. Ce nouveau plateau technique pour le CHU de Rouen constitue une amélioration évidente pour le territoire. Son ouverture atteste de la préoccupation constante de développer un savoir-faire face à l'épidémie du covid-19, tout en veillant au maintien de toutes les activités prioritaires sur le territoire.
Auteur : M. Hubert Wulfranc
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2021