Respect de la RSE par les groupes industriels
Question de :
M. Frédéric Barbier
Doubs (4e circonscription) - La République en Marche
M. Frédéric Barbier attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargée de l'industrie, sur l'opération d'optimisation de coûts à laquelle se livrent actuellement de grands groupes industriels à l'image d'Aperam, filiale du groupe Arcelormittal. Implantée notamment à Pont-de-Roide-Vermondans (Doubs) dans la circonscription de M. le député, Aperam figure parmi les principaux producteurs européens d'aciers inoxydables de précision. Les salariés de l'usine présentent un savoir-faire exceptionnel et spécifique, largement reconnu dans le secteur de l'acier. Pourtant, l'entreprise s'apprête à délocaliser une partie de ses activités de Gueugnon en Belgique, et à transférer une activité importante de Pont-de-Roide sur son site de Gueugnon. Ainsi 80 emplois sur 240 seront supprimés à Pont-de-Roide, remettant en cause la pérennité de ce site. La direction de l'entreprise justifie ses projets de restructuration par la nécessité d'être plus compétitive sur les marchés européens face à ses concurrents asiatiques, et en particulier indonésiens. L'État a pris des mesures fortes lors de la crise des gilets jaunes, en augmentant par exemple la prime d'activité. Il continue d'être au rendez-vous pour soutenir les entreprises face aux conséquences de la crise sanitaire sans précédent que le pays traverse, en lançant un plan de relance d'une ampleur inédite et en renforçant la prise en charge de chômage partiel. Aussi, alors que l'État cherche par tous les moyens à sécuriser l'emploi, comment accepter que de grands groupes qui se portent bien, poursuivent une logique d'optimisation des coûts en sacrifiant des emplois ? Le projet de Pont-de-Roide, qui ne présente aucun nouvel investissement lié à de futurs développements, s'inscrit dans cette logique. C'est pourquoi, au regard de l'action de l'État en faveur des entreprises, qui plus est dans un territoire comme le Nord-Franche-Comté, l'un des plus industrialisés de France, déjà particulièrement impacté par les restructurations, tel que GE à Belfort, il l'interroge donc sur les moyens de faire respecter la responsabilité sociale des entreprises (RSE), concernant de tels projets.
Réponse en séance, et publiée le 24 mars 2021
RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES
M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier, pour exposer sa question, n° 1337, relative à la responsabilité sociale des entreprises.
M. Frédéric Barbier. Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite appeler votre attention sur les opérations d'optimisation des coûts auxquelles se livrent actuellement de grands groupes industriels comme Aperam. Implantée notamment à Pont-de-Roide-Vermondans, dans ma circonscription, cette filiale d'ArcelorMittal figure parmi les principaux producteurs européens d'aciers inoxydables de précision. Le savoir-faire exceptionnel, spécifique, des salariés de cette usine est largement reconnu au sein de leur secteur industriel : pour avoir travaillé quelques années dans le pays de Montbéliard, vous le savez aussi bien que moi.
Pourtant, l'entreprise s'apprête, après avoir délocalisé en Belgique une partie des activités de son site de Gueugnon, à transférer à son tour sur celui-ci une bonne part de l'activité de Pont-de-Roide. Notre usine perdrait ainsi quatre-vingts emplois sur 240 : c'est d'autant plus incompréhensible qu'elle possède un carnet de commandes bien rempli. La direction justifie ces restructurations par la nécessité d'accroître la compétitivité d'Aperam sur les marchés européens face à ses concurrents asiatiques, en particulier indonésiens. L'entreprise est un cas d'école : à ce jour, elle privilégie l'optimisation et n'investit guère en vue de développer son site de Pont-de-Roide-Vermondans. Il pourrait cependant en être autrement, grâce au plan de relance et si l'on suscitait sa diversification : l'hydrogène, par exemple, lui offrirait de belles perspectives d'avenir.
Alors que l'État est au rendez-vous pour soutenir les entreprises face aux conséquences de la crise sanitaire, entre autres par un plan de relance colossal inédit, ainsi que par le renforcement de la prise en charge du chômage partiel, je vous le demande, monsieur le secrétaire d'État : comment dissuader ces grands groupes bien portants de continuer de détruire des emplois en suivant une logique d'optimisation des coûts ? Et comment les encourager à relever le défi de la relocalisation, de l'innovation, de l'investissement et du développement, répondant en cela aux ambitions de l'État français ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Vous interpellez le Gouvernement sur le projet de restructuration industrielle de l'entreprise Aperam, envisagé à partir de la fin de l'année. Je peux vous assurer que nous suivons avec la plus grande attention l'évolution de la situation sociale sur ses différents sites. Vous l'avez dit : Aperam est l'un des leaders européens en matière d'aciers inoxydables de précision, production stratégique, puisqu'elle alimente d'autres filières industrielles telles que l'automobile et l'électroménager. Cependant l'entreprise subit la concurrence d'acteurs asiatiques très compétitifs, en particulier des Indiens, des Indonésiens et des Taïwanais, sans compter la Turquie, qui achète en Indonésie des brames d'acier, les lamine à chaud et les revend au sein de l'Union européenne. Si les mesures de sauvegarde européennes ont permis de diminuer ces importations d'acier laminé à chaud, elles sont moins efficaces concernant l'acier laminé à froid. La direction générale des entreprises – DGE – travaille donc avec la direction générale du trésor – DGT – à des actions antidumping et antisubventions plus ciblées, qui viseraient notamment l'Indonésie et l'Inde.
Au sein d'Aperam, une réflexion touchant l'outil de production est en cours : le groupe envisage notamment de transférer en trois ans l'activité de Gueugnon, qui concerne des produits non brillants, vers le site belge de Genk, lequel dispose de lignes de finissage plus performantes. Il s'agit en effet de produits dont la valeur ajoutée est moindre. Durant la même période, ce transfert d'activité entraînerait une rediffusion des effectifs : 100 à 120 salariés sur les 700 que compte actuellement le site. Ces départs reposeront uniquement sur le volontariat et donneront lieu à des mesures liées à l'âge : il n'y aura donc pas de plan de sauvegarde de l'emploi – PSE.
Parallèlement, le groupe a manifesté l'intention d'investir dans le site de Gueugnon afin de le recentrer sur son cœur de métier, c'est-à-dire le recuit brillant, de se repositionner sur des produits rentables et de remettre à niveau les outils industriels. Ce plan stratégique de 30 millions d'euros, validé par Aperam, vise à faire de Gueugnon le site européen de référence en matière de recuit brillant. Une partie de l'activité de laminage du site d'Imphy sera récupérée par Gueugnon, plus performant : ce dernier pourrait également se voir transférer une partie des activités de Pont-de-Roide, ainsi que vous l'avez souligné.
Toutefois, je soulignerai l'engagement pris par Aperam de ne pas fermer son usine de Pont-de-Roide et d'en développer l'activité à long terme, notamment en y investissant 3 millions d'euros. Monsieur le député, je vous sais très mobilisé sur le sujet : le Gouvernement sera particulièrement vigilant concernant ce site et les projets d'investissements que proposera Aperam pour en assurer la pérennité.
M. le président. La parole est à M. Frédéric Barbier.
M. Frédéric Barbier. Merci, monsieur le secrétaire d'État, de ces propos rassurants. Quelques collègues députés et moi-même avons alerté Thierry Breton, le commissaire européen au marché intérieur, sur les mesures à prendre aux frontières afin de protéger notre inox. Je mise également sur la filière hydrogène : le pays de Montbéliard, l'un des territoires les plus industrialisés de France, est à l'avant-garde dans ce domaine, et je crois beaucoup en son développement. Je souhaite que nous soyons en mesure d'associer Aperam au plan hydrogène de toutes les façons possible. Si la production d'aciers inoxydables très spécifiques peut faire contribuer cette entreprise au développement de l'hydrogène, il faut que sa place lui soit assurée.
Auteur : M. Frédéric Barbier
Type de question : Question orale
Rubrique : Emploi et activité
Ministère interrogé : Industrie
Ministère répondant : Industrie
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2021