15ème législature

Question N° 133
de M. Laurent Furst (Les Républicains - Bas-Rhin )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Action et comptes publics
Ministère attributaire > Action et comptes publics

Rubrique > fonctionnaires et agents publics

Titre > Traitements et primes des hauts fonctionnaires du ministère des finances

Question publiée au JO le : 13/02/2018
Réponse publiée au JO le : 21/02/2018 page : 1294

Texte de la question

M. Laurent Furst interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur le référé publié par la Cour des comptes le 20 décembre 2017 qui lui était destiné ainsi qu'au ministre de l'économie et des finances. La Cour des comptes y résume l'analyse qu'elle a faite des rémunérations de 750 postes d'encadrement supérieur des ministères financiers, au sein des directions générales des finances publiques d'une part, des douanes et des droits indirects d'autre part. Il en ressort qu'une part des très généreuses indemnités versées est constituée de primes qui n'ont pas de fondement légal. Cette situation, au sein même du ministère de l'économie et des finances, interroge. D'autant plus que, dans le même temps, l'exigence d'exemplarité exigée par le Gouvernement des parlementaires n'a pas pu être dupliquée pour la haute administration, malgré les demandes répétées de l'opposition parlementaire. Il souhaite donc savoir si, au-delà de l'incontournable régularisation de cette situation, les sommes indûment versées seront remboursées. L'exemplarité est à ce prix.

Texte de la réponse

RÉMUNÉRATIONS AU SEIN DES MINISTÈRES FINANCIERS


M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour exposer sa question, n°  133, relative aux rémunérations au sein des ministères financiers.

M. Laurent Furst. Monsieur le secrétaire d'État, le premier président de la Cour des comptes a adressé aux ministres Le Maire et Darmanin, des recommandations inhérentes aux rémunérations de l'encadrement supérieur des ministères économiques et financiers. Avant d'entrer dans le vif du sujet, l'honnêteté me pousse à dire que la note souligne que dans quelques domaines, des améliorations ont été observées. Cela dit, nous sommes face à certaines pratiques anciennes qui perdurent.

Le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'entrer dans les détails ; aussi, je lirai deux titres du rapport. Le titre du paragraphe 2.1 est ainsi libellé : « Le niveau élevé de la rémunération des administrateurs généraux des finances publiques est difficile à justifier ». Nous parlons d'une moyenne de salaires de 202 000 euros, allant jusqu'à 256 000 euros. Si, à titre personnel, je ne suis pas choqué de voir les talents correctement rémunérés, je soulignerais que le risque professionnel de ces hauts fonctionnaires est proche de zéro.

M. Thibault Bazin. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Laurent Furst. Le deuxième élément est bien plus grave, je cite le titre du paragraphe 1 : « La persistance de pratiques irrégulières en matière indemnitaire ». Certaines primes seraient versées sans base légale, d'autres par le recours irrégulier à l'allocation complémentaire de fonction.

Bercy est une administration de qualité, mais sincèrement, tout cela fait désordre. Cela fait désordre, car ces très hauts fonctionnaires aux salaires en or sont ceux-là mêmes qui appliquent la rigueur à toute notre société ; ils devraient être irréprochables. Cela fait désordre, car cela donne le sentiment d'une caste qui s'autorise beaucoup. Cela fait désordre au moment où nos prisons, nos maisons de retraite, notre armée manquent cruellement de moyens. Je dirais enfin qu'il est de l'intérêt du Président, ancien ministre de l'économie, et du Premier ministre, tous deux issus de la haute fonction publique, de faire en sorte que cette question soit réglée sans délai.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne doute pas que la réponse du Gouvernement soit rassurante pour l'avenir, même si le niveau général de rémunération restera extravagant pour quelques centaines de hauts fonctionnaires. Ma question concerne les points suivants : lorsque des primes sont versées sans base légale, ont-elles vocation à être remboursées ? La responsabilité juridique de l'ordonnateur et du comptable ne devrait-elle pas être engagée ? N'y a-t-il pas eu, dans cette affaire, un manquement aux règles élémentaires de la comptabilité publique ?

M. Thibault Bazin. Très bonne question !

M. Pierre Cordier. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le député, dans son rapport, rendu en octobre dernier, relatif à la rémunération de l'encadrement supérieur des ministères économiques et financiers, la Cour des comptes recommande de mettre un terme aux irrégularités qui subsistent dans le versement de certaines indemnités et à la surrémunération des administrateurs généraux des finances publiques, AGFIP.

S'agissant des irrégularités, il convient de rappeler que les ministères économiques et financiers sont engagés, depuis le début des années 2000, dans un mouvement général de remise en ordre juridique des primes, ce chantier étant aujourd'hui quasiment achevé. Les dernières difficultés qui subsistent, et qui sont relevées à juste titre par la Cour des comptes, sont liées soit à des dispositifs transitoires en voie d'extinction, soit à des mesures ayant vocation à perdurer. Dans le premier cas, le ministre de l'action et des comptes publics a décidé d'avancer l'extinction de ces dispositifs, nés lors de réorganisations importantes et concernant moins d'une dizaine de cadres – sept, plus précisément –, au 1er janvier 2019 au lieu de 2023, comme prévu initialement. Dans le second cas, les indemnités concernées recevront toutes un fondement juridique. C'est un dossier sur lequel travaille actuellement le directeur de la DGFIP.

S'agissant de la rémunération des AGFIP, il faut rappeler qu'elle correspond à une responsabilité managériale très forte, les directions locales pouvant compter plusieurs milliers d'agents. Néanmoins, la Cour des comptes a raison d'appeler à une plus grande cohérence des rémunérations de l'encadrement supérieur, qui passe par une réduction des rémunérations les plus élevées. Ces baisses de rémunération ont déjà commencé à être appliquées, avant même la publication du rapport de la Cour des comptes. Ainsi, entre 2013 – première année complète de mise en place des rémunérations des AGFIP – et 2017, la rémunération brute allouée aux AGFIP a baissé de 10 millions d'euros, soit une baisse de 19,4 %, alors que dans le même temps les effectifs ont baissé de 14 %. De nouvelles mesures vont permettre de répondre aux observations de la Cour : la suppression du grade le plus élevé des AGFIP, la classe exceptionnelle, conduira notamment à la suppression de trente-trois des quarante-deux plus hautes rémunérations du ministère. Enfin, n'oublions pas que les questions posées par la Cour des comptes sur la politique des rémunérations s'inscrivent dans une réflexion plus générale qui vise à augmenter la part variable en fonction du mérite et de la performance des cadres dirigeants de l'État. Ces évolutions seront construites dans les années à venir.

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst.

M. Laurent Furst. Monsieur le secrétaire d'État, je ne fais aucun reproche à l'équipe ministérielle qui dirige actuellement Bercy. Cela dit, je craignais cette réponse. Vous avez vous-même évoqué les irrégularités ; ma question portait non sur la politique de régularisation progressive que vous suivez, mais sur le contrôle des irrégularités passées. Lorsque des primes particulièrement importantes sont versées sans être basées sur un texte, doit-il y avoir sanction, oui ou non ?

M. Thibault Bazin. Oui !

M. Laurent Furst. Certes, la question est difficile et complexe ; elle met en cause les plus hauts fonctionnaires de l'État, en tout cas les mieux payés. Malheureusement, comme je le craignais, vous n'avez pas répondu à cette question que les Français sont en droit de se poser.

M. Pierre Cordier. Très bien !

M. Thibault Bazin. À quand les sanctions ?