15ème législature

Question N° 1341
de Mme Anne Brugnera (La République en Marche - Rhône )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > propriété intellectuelle

Titre > Preuve de l'originalité de l'œuvre - rapport CSPLA

Question publiée au JO le : 16/03/2021
Réponse publiée au JO le : 24/03/2021 page : 2949

Texte de la question

Mme Anne Brugnera interroge Mme la ministre de la culture sur les suites envisagées par le Gouvernement au rapport remis par le CSPLA sur la preuve de l'originalité de l'œuvre. En effet, nombre d'auteurs sont mobilisés pour faire évoluer l'état de la jurisprudence appliquée dans les cours françaises relative à la protection du droit d'auteur. En effet, le droit français est clair : nul ne peut reproduire sans son autorisation tout ou partie de l'œuvre d'un autre. Pourtant, certains auteurs se sont vu refuser ce droit via des jurisprudences demandant à l'auteur de faire la preuve de l'originalité de son œuvre. Le rapport dénonce bien cette situation. Le CSPLA propose deux pistes de travail pour y remédier : l'une est législative, l'autre est jurisprudentielle. Mme la députée souhaiterait connaître les suites que le Gouvernement entend donner à ce rapport qui nécessite une action de l'État. Elle tient aussi à alerter Mme la ministre sur le fait que, parmi les préconisations rendues publiques, celle du rajout de l'originalité de l'œuvre en modifiant l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle inquiète fortement les auteurs car cette notion reste floue et pourrait être source de difficultés face aux juges lors du futur procès, notamment pour la motiver. Elle lui demande si elle peut leur assurer que les suites éventuellement données à ce rapport feront l'objet d'un travail de concertation et de dialogue avec toutes les parties prenantes et plus spécialement les auteurs.

Texte de la réponse

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE D'UNE ŒUVRE


M. le président. La parole est à Mme Anne Brugnera, pour exposer sa question, n°  1341, relative à la propriété intellectuelle d'une œuvre.

Mme Anne Brugnera. Elle s'adresse à Mme la ministre de la culture, à qui je souhaite un prompt rétablissement. Le 18 décembre 2020, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique – CSPLA – lui remettait un rapport sur la preuve de l'originalité de l'œuvre, commandé en 2018. Depuis quelque temps, en effet, les cours de justice françaises demandent de plus en plus fréquemment aux auteurs de prouver l'originalité de leur œuvre, alors que cette disposition n'est pas pleinement inscrite dans notre droit : les juges se réfèrent, en la matière, à une jurisprudence.

De nombreux auteurs, réunis en associations et en collectifs, se sont mobilisés pour faire évoluer cette jurisprudence qui les inquiète. En effet, notre droit est clair : nul ne peut reproduire tout ou partie de l'œuvre d'un autre sans son autorisation. Pourtant, certains auteurs se sont vu refuser ce principe qui protège leurs droits d'auteur, du fait d'une jurisprudence demandant à l'artiste plagié d'apporter lui-même la preuve de l'originalité de son œuvre. Le rapport du CSPLA dénonce cette situation, et propose deux pistes de travail pour y remédier : l'une est législative, l'autre est jurisprudentielle. Je souhaite interroger le Gouvernement sur les suites que le ministère de la culture envisage de donner à ce rapport, qui énonce clairement les difficultés rencontrées par les auteurs.

Je profite de cette question pour alerter le Gouvernement : parmi ses préconisations – qui ont été rendues publiques –, le CSPLA suggère d'ajouter la mention de l'originalité de l'œuvre dans le code de la propriété intellectuelle, en modifiant son article L. 112-1. Cette proposition inquiète fortement les auteurs : en effet, la notion d'originalité de l'œuvre, qui reste floue, pourrait être source de difficultés face aux juges lors de futurs procès, notamment lorsqu'il s'agira de la motiver précisément. Pouvez-vous nous assurer que les suites données au rapport du CSPLA feront l'objet d'une concertation et d'un dialogue avec toutes les parties prenantes, plus spécialement avec les auteurs, dont l'inquiétude est forte ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Votre question, madame la députée, traite des suites du rapport sur la preuve de l'originalité de l'œuvre qui a été remis à Mme la ministre de la culture en décembre dernier. Cette dernière m'a chargée de vous répondre – et je me joins aux vœux de prompt rétablissement que vous lui avez adressés.

Le rapport du CSPLA témoigne des difficultés que rencontrent certains auteurs pour apporter la preuve de l'originalité de leurs œuvres dans le cadre de procédures contentieuses. L'obligation faite aux auteurs d'apporter cette preuve, œuvre par œuvre, s'avère en effet redoutable s'agissant de contentieux de masse, portant sur plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d'œuvres, notamment dans le secteur de la photographie. Leur grande difficulté à répondre aux exigences des magistrats sur la preuve de l'originalité se traduit, chez certains auteurs, par une renonciation à agir en justice et donc par un affaiblissement de leur protection. La situation est exploitée de manière opportuniste par les contrefacteurs, qui contestent systématiquement l'originalité des œuvres afin d'empêcher les auteurs de faire valoir leurs droits.

Pour faire face à cette situation, le rapport du CSPLA évoque l'opportunité d'une évolution jurisprudentielle qui allègerait le fardeau de la preuve reposant sur les auteurs. Néanmoins, une telle évolution jurisprudentielle étant par essence incertaine, le rapport envisage également l'hypothèse d'une évolution législative. L'une des pistes évoquées, qui retient toute l'attention de Mme la ministre, consisterait à modifier le code de la propriété intellectuelle, afin que les auteurs ne soient tenus d'établir l'originalité de leurs œuvres que dans les cas où la protection par le droit d'auteur apparaîtrait réellement contestable et serait sérieusement mise en doute par le défendeur. Une telle solution paraît répondre à un juste équilibre, en évitant les contestations d'originalité formées de manière systématique et dilatoire, mais sans éluder pour autant, lorsqu'il y a lieu, un vrai débat sur l'originalité des œuvres. Aussi, Mme la ministre de la culture se rapprochera-t-elle prochainement du ministère de la justice, afin d'apprécier les conditions dans lesquelles cette préconisation pourrait être appliquée, dans le respect du pouvoir souverain d'appréciation des juges au fond. Elle ne manquera pas de vous tenir informés de ces avancées.

M. le président. La parole est à Mme Anne Brugnera.

Mme Anne Brugnera. Au cas où une telle évolution législative était envisagée, je tiens à vous faire part, une fois encore, des inquiétudes des auteurs quant à la notion même d'originalité de l'œuvre. J'espère que le travail sera mené en concertation avec eux, afin que leurs droits soient correctement défendus.