15ème législature

Question N° 1344
de M. Christian Jacob (Les Républicains - Seine-et-Marne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > énergie et carburants

Titre > prix des carburants

Question publiée au JO le : 07/11/2018
Réponse publiée au JO le : 07/11/2018 page : 11334

Texte de la question

Texte de la réponse

PRIX DES CARBURANTS


M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour le groupe Les Républicains.

M. Christian Jacob. Monsieur le Premier ministre, vous avez été maire d'une grande ville, d'une ville populaire, où l'on sait ce que travailler veut dire. Je suis convaincu que vous y conservez des attaches, ce qui vous permet de vous tenir informé sans filtre de ce que les Français ressentent. Au Havre, il doit y avoir des gens qui roulent au gazole, peut-être même des gens qui vont travailler en utilisant des voitures à moteur diesel. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

M. Meyer Habib. Très bien !

M. Sébastien Jumel. Il y en a même qui fument des clopes !

M. Christian Jacob. Nous aurions aimé vous entendre, monsieur le Premier ministre, condamner les propos imbéciles du porte-parole du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) Même François Bayrou a dit que ces propos lui avaient inspiré de la honte !

Il est urgent que vous preniez la mesure de ce qui se passe et que vous fassiez face aux réalités. Épargnez-nous l'argument d'une trajectoire de la taxe carbone décidée il y a dix ans. Cessez de soutenir que vous menez une politique incitative en faveur des automobilistes. Tout le monde n'a pas la possibilité d'avoir accès aux transports en commun ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Tout le monde n'a pas la possibilité de se payer une voiture électrique ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.)

La vérité, c'est qu'en surtaxant les carburants, vous faites marcher la pompe à fric ! (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR.) Dans cette affaire, l'État prélève dix fois plus qu'il ne reverse.

Nous avons entendu ce matin le Président de la République annoncer qu'il allait « bouger un peu ». Je vous le dis, monsieur le Premier ministre : l'heure n'est plus aux gesticulations ou à l'invention de je ne sais quelle usine à gaz. La seule mesure compréhensible et efficace pour nos concitoyens, c'est de baisser les taxes ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.- M. Thierry Benoit applaudit également.)

Monsieur le Premier ministre, allez-vous, oui ou non, revenir sur les augmentations massives des taxes sur l'essence et sur le gazole que vous avez décidées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Fabien Di Filippo. Rends l'argent !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Jacob, je vous remercie d'avoir fait allusion à la belle ville du Havre.

M. Pierre Cordier. Belle – et endettée !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . C'est toujours avec plaisir que je l'entends évoquer dans cet hémicycle.

M. Éric Straumann. Il faut dire que la chambre régionale des comptes nous y incite !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . J'observe d'ailleurs que beaucoup de personnes qui citent aujourd'hui Le Havre en exemple oubliaient de la mentionner il y a encore quelque temps. Je vous remercie donc très sincèrement de contribuer à sa notoriété, cela me fait vraiment plaisir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Il est vrai que Le Havre est une ville populaire, où, comme partout en France, les gens, pour aller travailler, utilisent parfois un véhicule individuel.

M. Fabrice Brun. Parfois !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. En effet : parfois, ils peuvent ne pas l'utiliser, et parfois, ils doivent l'utiliser. Cela arrive partout en France, dans les villes comme dans les campagnes – peut-être est-ce plus fréquent dans le monde rural, où la densité des transports en commun est beaucoup plus faible.

M. Jean-Pierre Vigier. Certainement !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous avons fait le choix, monsieur le président Jacob, d'appliquer une fiscalité écologique.

M. Marc Le Fur. C'est un prétexte !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous avons fait le choix de décarboner, dans la mesure du possible, l'économie, et plus rapidement encore les transports. Cela ne se fera pas en un jour, nous le savons parfaitement ; ce sera long et difficile. Les élus locaux le savent aussi, d'ailleurs. Ils ont compris qu'il fallait qu'ils développent les transports en commun...

M. Fabien Roussel. Baissez la TVA !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . ...dès qu'ils le pouvaient, parce que cela permet de limiter la pollution de l'air et que cela offre une qualité de vie bien supérieure.

M. Daniel Fasquelle. Ne racontez pas d'histoires !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Ils le font donc partout. Vous savez bien, monsieur Jacob, puisque vous êtes très attentif au développement local, que, dans toutes les villes, on essaie de développer les transports en commun, parfois en construisant des tramways, parfois en développant les services de bus.

Il reste que nous avons fait le choix de décarboner, dans la mesure du possible, l'économie et d'aller encore plus vite pour ce qui concerne les transports.

M. Éric Straumann. Le Gouvernement en sortira cabossé !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Comment allons-nous procéder ? D'abord, Mme la ministre chargée des transports va bientôt vous présenter une loi d'orientation des mobilités, qui prévoit un effort d'investissement considérable en vue de favoriser le renouvellement des réseaux existants, ainsi que le développement des transports en commun, y compris dans les zones peu denses. C'est, logiquement, au cœur de notre politique.

Ensuite, oui, monsieur Jacob, nous allons jouer sur le prix du carbone et faire en sorte que l'usage du diesel en France se réduise.

M. Christian Jacob. Dans ce cas, pourquoi taxez-vous l'essence ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il se trouve que l'on a fait le choix, en France, de favoriser le diesel, en lui appliquant une fiscalité bien plus avantageuse que celle sur l'essence. Vous le savez parfaitement, puisque c'est le résultat de quarante années d'action publique et que vous y avez donc, comme beaucoup d'autres – et moi aussi, d'une certaine façon – contribué. Vous savez aussi que ce choix s'avère, quarante ans après, probablement contestable.

M. Frédéric Reiss. Probablement…

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Le diesel pose des problèmes de pollution de l'air. En outre, notre dépendance envers le pétrole et les pays qui le produisent n'est pas saine. Notre objectif est donc de provoquer, il est vrai, une augmentation du prix des carburants, mais en faisant en sorte que cette augmentation soit prévisible, progressive et accompagnée.

M. Fabien Di Filippo. Foutaises !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Avant de développer ce point, permettez-moi, monsieur le président Jacob, de signaler que si le prix des carburants, qu'il s'agisse du gazole ou de l'essence, a augmenté, c'est pour des raisons qui sont en partie seulement liées à la hausse des taxes ;... (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

M. Pierre-Henri Dumont. Dans le prix d'un litre, 60 % de taxes !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . ...cette augmentation est en réalité très majoritairement due à l'évolution du prix des matières premières, laquelle dépend de facteurs dont ni vous, ni moi, ni personne dans cette assemblée ne peut maîtriser les termes. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

M. Christian Jacob. Baissez les taxes !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il faut donc accompagner l'augmentation du prix des carburants – et c'est ce que nous faisons.

M. Pierre-Henri Dumont. En augmentant les taxes ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous avons commencé à le faire avec la prime à la conversion et avec les mesures que nous allons appliquer pour que changer de système de chauffage en passant du fioul à d'autres modes d'énergie revienne moins cher. Cela permettra de libérer les consommateurs de la dépendance au pétrole...

M. Aurélien Pradié. Libérez les Français de François de Rugy !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . ...et, surtout, de lutter efficacement contre la pollution de l'air et le réchauffement climatique.

Le Président de la République l'a indiqué ce matin : nous allons continuer dans cette voie, en accompagnant, dans la mesure du possible, ceux qui sont les plus affectés par l'augmentation des prix et qui ne peuvent pas bénéficier soit des transports en commun, soit des mécanismes d'accompagnement que nous avons prévus.

Monsieur le président Jacob, je vous le dis clairement : nous ne renoncerons pas.

M. Vincent Descoeur. C'est une erreur !

M. Éric Straumann. Vous allez vous crasher !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous ne renoncerons pas à notre ambition, qui est d'apporter des solutions crédibles au dérèglement climatique.

Je sais bien qu'au fond de vous-même – ou plutôt non, je ne sais pas ce qui se passe au fond de vous-même et c'est très bien ainsi ! (Rires.)

M. Aurélien Pradié. Commencez par vous sonder vous-même ! Et sondez M. Griveaux : vous verrez, c'est le vide abyssal !

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Je suis en tout cas convaincu que, comme moi, vous savez que le dérèglement climatique et la décarbonation de l'économie sont des sujets compliqués. Et comme vous aimez votre pays, comme vous avez le sens du temps et celui de l'État,…

M. Éric Straumann. Précisément : donnez du temps !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . … je suis certain que vous savez que nous ne pourrons décarboner l'économie qu'au moyen de mesures, certes progressives, mais résolues,…

M. Fabien Di Filippo. Mais pas punitives !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . …et avec beaucoup de fermeté. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)