Question orale n° 1357 :
Titre de séjour à la majorité des MNA

15e Législature

Question de : Mme Sylvie Tolmont
Sarthe (4e circonscription) - Socialistes et apparentés

Mme Sylvie Tolmont attire l'attention de M. le Premier ministre sur la situation de nombreux mineurs non accompagnés (MNA) en formation ou en apprentissage rencontrant des difficultés, une fois la majorité atteinte, pour obtenir un titre de séjour. La presse nationale s'est récemment fait l'écho du combat de M. Stéphane Ravaclay, boulanger de Besançon, lequel a entamé une grève de la faim pour s'opposer à la menace d'expulsion dont faisait l'objet son apprenti de 18 ans, Laye Fodé Traoré. Ce dossier n'est malheureusement pas un « cas particulier » contrairement à ce qu'avait pu indiquer Mme la ministre du travail. Mme la députée en veut pour preuve plusieurs situations similaires, au sein de son territoire, de refus de délivrance d'un titre de séjour, notamment motivé par le caractère prétendument apocryphe des éléments d'identité présentés. Certains de ces jeunes font montre d'un tel sérieux et d'une telle implication auprès des maîtres de stage que ces derniers leur délivrent parfois une promesse d'embauche. Au-delà de leur engagement professionnel, certains font preuve d'un engagement altruiste et sont investis sur le plan associatif, et notamment sportif. Malheureusement, au grand désespoir des professeurs et des associations qui se sont engagés auprès d'eux, de nombreux refus sont formulés. Cette situation est injuste compte tenu de l'engagement de ces jeunes. Elle est également incompréhensible par rapport aux ressources publiques injectées pour assurer leur formation et leur suivi. Elle est, enfin, contre-productive en ce qu'elle concerne des jeunes formés dans des filières d'accueil en tension et que les employeurs souhaitent embaucher (tel le domaine de la restauration ou du bâtiment). C’est pourquoi elle souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement en vue de permettre à ces jeunes de s'intégrer professionnellement.

Réponse en séance, et publiée le 24 mars 2021

TITRE DE SÉJOUR DES MINEURS NON ACCOMPAGNÉS
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont, pour exposer sa question, n°  1357, relative au titre de séjour des mineurs non accompagnés.

Mme Sylvie Tolmont. Je souhaite évoquer la situation de nombreux mineurs non accompagnés qui, inscrits en formation ou en apprentissage, rencontrent des difficultés pour obtenir un titre de séjour une fois leur majorité atteinte. La presse nationale s'est récemment fait l'écho du combat de M. Stéphane Ravacley, boulanger à Besançon, lequel avait entamé une grève de la faim pour s'opposer à la menace d'expulsion dont faisait l'objet son apprenti de 18 ans, M. Laye Fodé Traoré.

Contrairement à ce que Mme la ministre du travail avait pu indiquer, il ne s'agit malheureusement pas d'un cas particulier. J'ai plutôt le sentiment que ce type de situation se multiplie dangereusement. Dans mon territoire, la Sarthe, j'en veux pour preuve plusieurs exemples similaires de refus de délivrance d'un titre de séjour, notamment motivé par le caractère prétendument apocryphe des éléments d'identité présentés par le demandeur.

Nombre des jeunes concernés font pourtant montre d'un sérieux et d'une grande implication auprès de leurs maîtres d'apprentissage ou de stage, à tel point que ces derniers leur délivrent souvent une promesse d'embauche. Au-delà de leur investissement professionnel, certains font également preuve d'un engagement altruiste et interviennent sur le plan associatif, notamment sportif.

Malheureusement, malgré le soutien de leurs professeurs et des associations engagées auprès d'eux, ils essuient de nombreux refus, parfois peu argumentés. Cette situation, injuste compte tenu de l'engagement de ces jeunes, est également incompréhensible eu égard aux ressources publiques injectées pour assurer leur formation ou leur suivi ; enfin, elle est contreproductive car elle concerne des jeunes formés dans des filières en tension au sein desquelles les employeurs souhaitent recruter, qu'il s'agisse par exemple de la restauration, nonobstant la situation de crise actuelle, ou du bâtiment. C'est pourquoi j'aimerais que vous me fassiez part de vos intentions en vue de permettre à ces jeunes de s'intégrer professionnellement et socialement.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles. Je vais vous faire part de nos intentions et des mesures que nous avons déjà commencé à mettre en œuvre. Certains jeunes, reconnus mineurs au moment de leur évaluation, sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance et se voient refuser le droit au séjour au moment de leur majorité parce qu'ils ne sont pas en mesure de justifier d'un état civil ou de leur nationalité. Cela suscite souvent de fortes interrogations et incompréhensions en créant des situations personnelles dramatiques. Vous avez cité le combat de Stéphane Ravacley, à Besançon, avec lequel j'avais échangé au téléphone au moment des faits, mais j'ai eu l'occasion lors de mes déplacements d'être confronté à d'autres situations similaires ailleurs sur le territoire.

Dans le cadre de l'examen des demandes, les préfectures s'appuient souvent sur les rapports de la police aux frontières et sur les autorités consulaires pour délivrer leur refus. Avant tout refus, une phase d'échanges est instaurée entre les services de la préfecture, les conseils départementaux et les ressortissants, qui donne la possibilité aux jeunes majeurs de compléter leur dossier avec de nouveaux documents qui permettraient de lever la suspicion qui aurait pu s'installer.

Considérant que ces situations ne peuvent pas être considérées comme satisfaisantes, le Gouvernement a souhaité prendre une série de mesures et apporter des réponses qui permettent de sécuriser ces procédures le plus en amont possible, car c'est souvent un défaut d'anticipation qui crée les ruptures. L'objectif est de donner des perspectives à ces jeunes dès que possible, afin qu'une épée de Damoclès ne reste pas suspendue au-dessus d'eux.

Afin d'institutionnaliser les phases d'échanges que j'évoquais et qu'elles se déroulent le plus en amont possible, le ministre de l'intérieur a publié une circulaire le 21 septembre 2020 – c'était un engagement de ma part –, invitant les préfectures à mettre en œuvre « un examen anticipé des demandes de titres de séjour des mineurs étrangers confiés au service départemental de l'aide sociale à l'enfance », afin d'éviter toute rupture dans leur parcours d'intégration au moment où ils atteignent leur majorité. La question de la majorité, de l'intégration et de l'autonomie des jeunes de l'aide sociale en France ne doit pas se poser à « 18 ans moins le quart ».

On constate, dans les territoires, que les choses fonctionnent lorsque la préfecture et le département anticipent dès les 17 ans du mineur, et qu'ils prennent place autour d'une table pour évaluer dans quel parcours d'intégration il se situe – ou non –, et donc dans quelles perspectives, même si c'est sans engagement, on peut envisager l'évolution de ce jeune. Dans ces conditions, généralement, les choses se passent mieux et sans rupture une fois la majorité acquise. C'est le sens de la circulaire : il faut que l'ensemble des départements et des préfectures puissent adopter cette démarche d'anticipation.

Les jeunes ressortissants sont invités à solliciter plusieurs mois en amont, avec leur département, l'ensemble des documents pertinents, en particulier auprès des services consulaires, documents qui permettront à la préfecture de s'assurer que les conditions de l'admission au séjour seront réunies.

Brièvement, pour respecter les injonctions du président et le temps qui m'est accordé, sachez que la question de la sécurisation de la phase d'évaluation conditionnera également ce qui se passera au moment de l'accès à la majorité. L'utilisation du fichier d'appui à l'évaluation de la minorité, dont je sais qu'il a pu susciter certains débats, même s'il a aujourd'hui été adopté par une très grande majorité de départements – seulement une dizaine d'entre eux n'y ont pas recours – fait partie de la sécurisation de l'évaluation de la minorité qui rend plus facile, ensuite, l'acceptation de la reconnaissance de la majorité et la possibilité de délivrer un titre de séjour.

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Tolmont.

Mme Sylvie Tolmont. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. Permettez-moi de vous citer un cas concret. Vous savez qu'à leur majorité, les jeunes suivis par l'aide sociale à l'enfance peuvent signer un « contrat jeune majeur » qui leur permet de bénéficier d'un soutien financier. On m'a expliqué que, pour que cette aide leur parvienne, ils devaient transmettre leur relevé d'identité bancaire. Seul problème : pour ouvrir un compte bancaire, il faut disposer de papiers d'identité ! On n'arrive décidément pas à sortir de situations qui sont pourtant totalement catastrophiques.

Données clés

Auteur : Mme Sylvie Tolmont

Type de question : Question orale

Rubrique : Étrangers

Ministère interrogé : Premier ministre

Ministère répondant : Premier ministre

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 mars 2021

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