15ème législature

Question N° 1369
de Mme Valérie Rabault (Socialistes et apparentés - Tarn-et-Garonne )
Question au gouvernement
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Premier ministre

Rubrique > énergie et carburants

Titre > fiscalité énergétique

Question publiée au JO le : 08/11/2018
Réponse publiée au JO le : 08/11/2018 page : 11420

Texte de la question

Texte de la réponse

FISCALITÉ ÉNERGÉTIQUE


M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault, pour le groupe Socialistes et apparentés.

Mme Valérie Rabault. Je vous remercie, monsieur le président, de l'hommage que vous avez rendu ce matin à Jaurès et Clémenceau. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LaREM, MODEM et UDI-Agir ainsi que sur plusieurs bancs des groupes GDR et LR.) Je regrette les propos tenus dans le même temps par le Président de la République au sujet de Pétain. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOC et sur les bancs du groupe FI. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

M. David Habib. Exactement !

Mme Valérie Rabault. Monsieur le Premier ministre, vous et votre majorité affirmez vouloir « taxer plus la pollution que le travail ». Nous pouvons approuver cet objectif. Là où nous ne pouvons pas vous suivre, c'est lorsqu'au nom de cet objectif, en fait, vous taxez les Français parce qu'ils travaillent.

Selon l'INSEE, la France compte entre 15 et 17 millions d'actifs vivant en dehors des sept plus grandes métropoles. Ces derniers doivent utiliser leur voiture pour aller travailler parce qu'ils n'ont pas accès, ou très peu, à des transports en commun. Monsieur le Premier ministre, je parle bien de 15 à 17 millions d'actifs – c'est énorme. Depuis le 1er janvier 2018, ceux-ci subissent les hausses de la fiscalité énergétique que votre majorité a votée.

Pour se rendre compte de l'ampleur de ces hausses, le groupe Socialistes et apparentés a mis en ligne un simulateur que vous pouvez consulter à l'adresse : lessocialistes.fr/simulateur. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI-Agir.)

Monsieur le Premier ministre, j'ai trois questions très claires à vous poser qui correspondent aux trois propositions concrètes que vous fait le groupe Socialistes et apparentés.

Acceptez-vous, oui ou non, un moratoire sur la nouvelle hausse votée par votre majorité, moratoire qui permettrait le vrai bilan sur le pouvoir d'achat que vous demande le parti socialiste – dont je salue le premier secrétaire ? (« Olé ! » sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir. – Sourires.)

Acceptez-vous, oui ou non, d'inclure le carburant dans les dépenses pouvant être réglées par le chèque énergie qui bénéficie à 3,7 millions de Français ? L'an dernier, votre majorité a refusé cette suggestion. Nous vous proposons de doubler le montant du chèque énergie pour un coût annuel de 300 millions d'euros.

Acceptez-vous, oui ou non, d'étendre le bénéfice du chèque énergie incluant le carburant à ceux des 17 millions d'actifs qui prennent leur véhicule pour aller travailler...

M. le président. Il faut conclure.

Mme Valérie Rabault. ...parce qu'ils n'ont pas d'autre choix et dont le salaire est inférieur à 1 500 euros par mois ? Nous chiffrons le coût de cette proposition à 600 millions d'euros. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Edouard Philippe, Premier ministre. Madame la députée, au cours du quinquennat précédent – vous étiez, me semble-t-il, rapporteure générale du budget –, la majorité avait décidé d'instaurer une trajectoire carbone qui consistait à augmenter progressivement le prix du carbone et du pétrole.

Mme Valérie Rabault. Vous ne l'avez pas votée !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Je ne l'ai pas votée, en effet (Exclamations sur les bancs du groupe SOC),...

Mme Danièle Obono. Quel aveu !

M. Edouard Philippe, Premier ministre . ...contrairement à vous. Il s'agissait d'accroître progressivement et de façon irréversible les taxes pesant sur le pétrole, l'essence et le diesel afin, d'une certaine façon, de dissuader d'utiliser ces énergies. Peut-être étiez-vous au fond de vous-même mal à l'aise avec cette proposition, mais vous l'avez votée.

M. Thibault Bazin. Et vous, qui ne l'avez pas votée, pourquoi la mettez-vous en œuvre ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Il y a quelques mois, vous nous avez reproché de ne pas être assez ambitieux dans la lutte contre le dérèglement climatique. La trajectoire carbone que vous aviez adoptée visait précisément à apporter une réponse dans ce domaine. La présente majorité, ayant compris l'enjeu que représente le dérèglement climatique, a souhaité le combattre résolument. (Exclamations sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe SOC.) Elle s'est inscrite dans la logique de la loi que vous aviez adoptée en ajoutant – c'est vrai – certains éléments et en renchérissant encore le prix du carbone.

Vous considérez aujourd'hui que cette mesure serait injuste parce que, loin d'être la compensation d'une diminution du coût du travail, elle viendrait frapper ceux qui travaillent. Elle vient frapper tout le monde, madame la députée. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC.)Je serais curieux de vous entendre formuler une proposition visant à annuler la hausse pour les actifs et à la maintenir pour tous ceux qui ne le sont pas, notamment les retraités. J'espère que vous comprenez ce qu'implique la proposition que vous êtes en train de formuler ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

Par ailleurs, nous sommes déterminés à mettre en œuvre les instruments qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale et le Sénat, par cette majorité. Nous voulons accompagner les Français dans la transition énergétique. C'est ce que nous faisons par le biais de nombreux outils – vous les connaissez : la prime à la conversion, dont nous avons considérablement augmenté le montant et étendu assiette ; la prime au remplacement des chaudières au fioul, qui peut représenter jusqu'à un tiers du prix – ce n'est pas rien.

M. Guillaume Garot. Et les deux tiers restants ?

M. Edouard Philippe, Premier ministre . Nous le ferons de manière encore plus résolue grâce à la future loi d'orientation sur les mobilités, en favorisant les transports en commun et en leur consacrant de plus en plus d'investissements.

Si nous souhaitons accompagner les Français dans cette transition, nous ne voulons rien céder de notre détermination à être à la hauteur de ses enjeux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.) Le Président de la République nous a invités à approfondir et à améliorer l'accompagnement des Français qui sont confrontés à cette transition et qu'il faut en effet aider. J'aurai l'occasion, dans les jours qui viennent, de formuler des propositions en ce sens.

Pour terminer, je le dis comme je le pense, dans ce débat, j'entends les remarques des Français, leurs inquiétudes, les difficultés qu'ils rencontrent, et même la colère qu'ils expriment. Mais je note aussi que de nombreux responsables politiques qui étaient tout récemment – pendant la campagne pour l'élection présidentielle, par exemple – très déterminés à lutter contre l'utilisation du diesel et à instaurer une trajectoire carbone (Exclamations sur les bancs du groupe SOC) sont aujourd'hui moins présents dans le débat. C'est la raison pour laquelle, madame la députée, je pense que votre simulateur est bien plutôt une simulation. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM et MODEM.)