15ème législature

Question N° 1375
de Mme Stella Dupont (La République en Marche - Maine-et-Loire )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > réfugiés et apatrides

Titre > Conditions de vie des personnes migrantes sur le littoral nord

Question publiée au JO le : 30/03/2021
Réponse publiée au JO le : 07/04/2021 page : 3622

Texte de la question

Mme Stella Dupont interroge M. le ministre de l'intérieur sur les conditions de vie des personnes migrantes sur le littoral nord. Elle se déplaçait à Calais et Grande-Synthe au mois de février 2020 afin de mieux appréhender les problématiques et les conditions de vie des personnes exilées qui y sont installées, dans l'espoir de passer, dans une semaine, dans un mois ou dans un an, de l'autre côté de la Manche. Hasard du calendrier, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) rendait un rapport sur le sujet ce même jour. Ses constatations s'inscrivent dans la même lignée. Mme la députée était déjà venue à Calais et connaissait les conditions de vie difficiles, la politique mise en place pour éviter les « points de fixation », les évacuations quasi-journalières... Sa découverte des conditions de vie à Grande-Synthe l'a surprise, pour ne pas dire choquée. Loin d'elle l'idée de penser que les personnes présentes à Calais vivent dans des conditions décentes. Elle y a cependant noté un accès à un minimum de services déployés par l'État. À Grande-Synthe, aucun accès aux sanitaires et aux douches n'est possible. Le camp du Puythouck ne dispose que d'un point d'accès à l'eau potable, qui était gelé à l'arrivée de Mme la députée. De même, aucune association n'est mandatée par l'État pour distribuer des repas, les associations humanitaires devant seules, et avec les « moyens du bord », faire face à la demande. Enfin, si les problématiques d'hébergement sont similaires sur les deux territoires (refus d'un grand nombre des personnes présentes de rejoindre des centres d'accueil éloignés de la côte), elle a pu visiter à Calais les deux hangars ouverts dans le cadre du plan Grand froid. Visant à mettre à l'abri en urgence les personnes qui le souhaitent, ces dispositifs garantissent aux bénéficiaires une localisation proche de la côte. Cette solution intermédiaire lui semble adaptée et nécessaire pour éviter une catastrophe crainte par tous au regard des conditions météorologiques particulièrement rudes ces derniers jours. C'est pourquoi elle interroge M. le ministre sur la possibilité d'ouvrir un centre d'hébergement d'urgence à Grande-Synthe, proche de la côté, et ce dans les plus brefs délais. Elle lui demande également dans quelle mesure l'État prévoit de déployer des services « basiques » d'accès à l'hygiène et à l'alimentation sur le territoire de Grande-Synthe. Enfin, alors qu'elle connaît l'implication particulière de M. le ministre pour trouver une solution pérenne à la situation complexe du littoral nord, elle souhaiterait avoir connaissance des actions qui seront déployées le plus rapidement possible pour répondre aux besoins vitaux de la population se trouvant dans les campements.

Texte de la réponse

CONDITIONS DE VIE DES PERSONNES MIGRANTES SUR LE LITTORAL NORD


M. le président. La parole est à Mme Stella Dupont, pour exposer sa question, n°  1375, relative aux conditions de vie des personnes migrantes sur le littoral nord.

Mme Stella Dupont. Madame la ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur, je souhaite vous interpeller au sujet des conditions de vie des personnes migrantes présentes sur le littoral nord. J'associe à ma question mes collègues Bénédicte Pételle et Jacqueline Maquet. Au mois de février dernier, je me suis rendue à Calais et à Grande-Synthe afin de mieux appréhender la question. Les personnes se sont installées le long du littoral dans l'espoir de passer de l'autre côté de la Manche dans une semaine, dans un mois, dans un an.

J'étais déjà allée à Calais et je connaissais les conditions de vie difficiles : les évacuations quasi-journalières, la politique mise en place pour éviter ce que l'on appelle les points de fixation. Mais la découverte des conditions de vie à Grande-Synthe m'a surprise, pour ne pas dire choquée. Loin de moi l'idée de penser que les personnes présentes à Calais vivent dans des conditions décentes ; j'y ai cependant noté l'accès à un minimum de services déployés par l'État. À Grande-Synthe, en revanche, aucun accès aux sanitaires ni aux douches n'est possible. Le camp du Puythouck ne dispose que d'un point d'accès à l'eau potable, lequel était gelé lors de mon passage. De même, aucune association n'était à cette date mandatée par l'État pour distribuer des repas, les associations humanitaires devant seules, et avec les moyens du bord, répondre à la demande. Enfin, si les problématiques d'hébergement sont similaires sur les deux territoires, à savoir le refus des personnes présentes de rejoindre un centre d'accueil éloigné de la côte, j'ai pu noter l'existence d'hébergements d'urgence dans le cadre du plan grand froid à Calais. Ce dispositif visant à mettre d'urgence à l'abri les personnes qui le souhaitent lors des périodes météorologiques particulièrement rudes garantit aux bénéficiaires une localisation proche de la Manche. Au-delà de l'urgence, il me semblerait intéressant de déployer des hébergements le long de la côte par le biais de petites structures à la localisation dispersée : seule cette solution permettrait de conjuguer un accueil digne avec la maîtrise de la situation.

Au regard de ces éléments, j'appelle l'État à déployer des services suffisants d'accès à l'hygiène et à l'alimentation sur le littoral nord, et à Grande-Synthe en particulier. Plus globalement, le déploiement d'hébergements dispersés adaptés aux besoins des personnes sur le littoral est nécessaire pour casser les logiques actuelles menant au développement de réseaux de passeurs. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous m'indiquer quelles actions seront menées pour répondre le plus rapidement possible aux besoins vitaux de la population se trouvant dans ces campements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté. Madame Dupont, je salue votre engagement de longue date sur ce sujet difficile. Dans le Pas-de-Calais, l'État a mis en place ces dernières années un dispositif à caractère humanitaire destiné à la population migrante afin de lui permettre un accès à l'eau, aux sanitaires et aux soins essentiels. Ce dispositif comprend une capacité d'hébergement de 315 places pour les demandeurs d'asile, auxquelles il faut ajouter 340 places d'accueil créées pendant la crise sanitaire et les dispositifs d'hébergement d'urgence qui ont bénéficié à 1 158 personnes vulnérables en 2020. À l'occasion de son déplacement à Calais en janvier 2018, le Président de la République a voulu renforcer le dispositif par la mise en place d'une prestation d'aide alimentaire, soit près de 1 800 repas distribués quotidiennement. En 2021, l'État va consacrer 14,7 millions d'euros de crédits à la prise en charge humanitaire, soit 60 millions depuis 2017.

Dans le Nord, le dispositif de prise en charge a été amélioré depuis l'an dernier : entre janvier 2020 et février 2021, le nombre total de places de mises à l'abri dans le département a été porté de 555 à 976. Le résultat de cette action offensive est que les capacités d'hébergement n'ont jamais été saturées et, depuis le 1er janvier 2021, 2 736 personnes présentes à Grande-Synthe se sont vu proposer une mise à l'abri. En ce qui concerne les soins de santé, un dispositif médical permanent est prévu via la protection civile, laquelle intervient en complément d'acteurs sociaux comme la Croix-Rouge ou Médecins du monde, dont je salue l'action, pour assurer la permanence d'accès aux soins de Dunkerque en gérant le transport depuis Grande-Synthe. L'aide alimentaire reposait jusqu'à présent sur les associations locales, avec le soutien du centre communal d'action sociale, tandis que l'État prenait à sa charge l'intégralité des dispositifs, mais le consensus local qui prévalait jusqu'à présent n'est plus réuni. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé au préfet du Nord de mettre en place une offre d'aide alimentaire destinée aux migrants présents à Grande-Synthe, laquelle sera financée par l'État dans les mêmes conditions qu'à Calais.

Je vous confirme néanmoins que l'orientation retenue est de ne pas créer de nouveau lieu d'hébergement sur le littoral, et plus spécifiquement à Grande-Synthe. Les demandeurs d'asile ont vocation à être accompagnés et orientés vers les centres d'accueil et d'examen des situations. Le nouveau schéma national d'accueil des demandeurs d'asile et des réfugiés, appliqué depuis le début de l'année, prévoit que ceux-ci peuvent faire l'objet d'une orientation sur l'ensemble du territoire national, dans les meilleures conditions d'accompagnement et d'humanité qui font l'honneur de la République.

M. le président. La parole est à Mme Stella Dupont.

Mme Stella Dupont. Merci pour ces éléments de réponse. Je me permets d'insister, car l'absence d'hébergements de proximité, et donc l'existence de campements, renforce les trafics. Je pense qu'il faut au contraire renforcer les maraudes et la présence sur le terrain. La désinformation des migrants est très importante et l'OFII – Office français de l'intégration et de l'immigration – a un rôle à jouer. Il y a matière à muscler l'intervention de l'État sur le territoire pour renforcer la dignité de l'accueil de ces personnes.