15ème législature

Question N° 1382
de M. Gérard Menuel (Les Républicains - Aube )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Application de la directive OGM sur les NBT

Question publiée au JO le : 30/03/2021
Réponse publiée au JO le : 07/04/2021 page : 3616

Texte de la question

M. Gérard Menuel attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'application de la directive européenne n° 2001/18/CE aux nouvelles techniques d'édition génomique, ou NBT. Depuis un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en 2018, ces nouvelles techniques doivent être considérées au même titre que les OMG transgéniques. Pourtant, depuis l'aube des temps, les humains sélectionnent les plantes et les font évoluer afin de répondre au mieux à leurs besoins. Ainsi, par exemple, les mutagénèses ou la fusion cellulaire ne peuvent être mis sur le même plan que les plantes transgéniques, pour lesquelles la directive de 2001 a été adoptée. Le cadre juridique européen doit ainsi évoluer afin de prendre cette situation en compte. Il souhaite ainsi savoir si le Gouvernement entend soutenir cette modification auprès des instances européennes.

Texte de la réponse

NOUVELLES TECHNIQUES D'ÉDITION GÉNOMIQUE


M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel, pour exposer sa question, n°  1382, relative aux nouvelles techniques d'édition génomique.

M. Gérard Menuel. Les agriculteurs s'interrogent sur leur avenir à court terme. Pour nombre d'entre eux, l’enjeu est déjà de terminer l'année : dans mon département de l'Aube, 30 % d’entre eux sont aujourd'hui dans le rouge. Ils s'inquiètent aussi de la tournure que prend le débat sur la réforme de la politique agricole commune, la PAC.

Notre société oublie un peu vite que leur mission première est de nourrir le monde, et constatons ensemble qu'en France, nos paysans jouent un rôle dans une chaîne alimentaire qui est de grande valeur, que ce soit en termes de qualité, de sécurité, de sûreté, de diversité ou de quantité. Ils ont cependant besoin d'être accompagnés dans la transition environnementale, dans la protection de la biodiversité et dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Face à ces défis, la recherche et l'innovation doivent trouver leur place. Afin de limiter le recours à la phytopharmacie, la recherche variétale est essentielle. Pour lutter contre tous les agresseurs, les NBT – New Breeding Techniques, ou nouvelles techniques d'édition génomique – seront un véritable atout garantissant la durabilité de notre agriculture, d'autant qu'elles n'introduisent pas de matériel génétique exogène. La mutagénèse ou la fusion cellulaire ne peuvent être mises sur le même plan que les plantes transgéniques, ce qui appelle une nécessaire évolution. Je vous cite, monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation : « le cadre juridique européen n'est plus compatible avec le cadre scientifique ».

C’est un sujet important. Il y a ceux qui parlent beaucoup de l'agriculture – et le plus souvent de façon dogmatique – et ceux qui la font et la connaissent bien. Je sais que c'est votre cas. Il faut donner à nos agriculteurs du souffle et des perspectives, et le dossier des NBT est pour cela essentiel. Suivant quel calendrier et sous quelles formes la France entend-elle prendre des initiatives afin de faire évoluer le cadre juridique européen concernant les NBT ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Vous évoquez une question essentielle, celle de la place de la science dans notre agriculture. Vous m'avez souvent entendu le dire, je crois beaucoup à la politique de la raison : la raison a trop souvent été oubliée dans le débat agricole. Il est essentiel de lui redonner une place, notamment dans la période que nous vivons où l'information circule très rapidement et peut parfois être galvaudée.

Le débat qui s'ouvre sur ces nouvelles technologies de recherche variétale appelle à faire preuve de beaucoup de raison. Je crois en ces nouvelles technologies, mais beaucoup de caricatures ont été faites lorsque je me suis exprimé sur ce sujet. Les NBT, ces nouvelles technologies, ne sont pas des OGM – organismes génétiquement modifiés. Du reste, c'est une technologie – qui vise à accélérer la sélection variétale – et non un organisme.

Il y a 10 000 ans, lorsque l'homme s'est sédentarisé, il pratiquait la culture socle, commençant à faire de la sélection variétale. Puis, au XIXe siècle, il a modernisé cette pratique et, année après année, décennie après décennie, il a amélioré les outils de sélection variétale. Les NBT sont un outil de sélection variétale : elles accélèrent l’apparition de la plante en question à un endroit de la planète, sans que nous ayons pour autant la capacité de l'identifier, alors même qu'elle présente des propriétés bénéfiques comme la réduction du stress hydrique ou de la dépendance à certains intrants nécessaires.

Premier élément de réponse, nous devons expliquer de manière apaisée et raisonnée ce que sont ces nouvelles technologies et que ces deux plantes, l'une issue de cette technologie et l’autre qui ne le serait pas, ne peuvent être différenciées sur le plan de l'espèce, précisément parce que ce ne sont pas des OGM et qu'on n'y introduit aucun gène qui ne serait pas un gène de l'espèce.

Deuxième élément, nous devons démontrer les atouts de ces nouvelles technologies, notamment – c'est pour moi un objectif très important – dans la lutte contre le stress hydrique.

Troisième élément, le cadre juridique n'est en effet plus compatible avec le cadre scientifique agronomique, puisque les NBT relèvent du seul règlement européen aujourd'hui adopté, à savoir le règlement relatif aux OGM. Dès la fin du mois, la Commission européenne publiera donc, à la demande des États membres, des recommandations et une évaluation sur ce sujet. Elle entamera ensuite, après consultation des États membres et en association avec eux, le cycle de révision du cadre juridique. Vous le voyez, les échéances sont proches et vous pouvez compter sur mon engagement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Je vous remercie pour la précision de votre réponse, monsieur le ministre. Je suis d’accord avec vous : les NBT ne sont pas des OGM. Nous devons continuer de l’expliquer à l'opinion publique et à plusieurs organisations non gouvernementales qui n'ont pas compris ce que les NBT peuvent apporter à l'agriculture et à l'environnement. Cette technologie qui permet, vous l’avez rappelé, de lutter contre le stress hydrique et de limiter l’usage de la phytopharmacie, est essentielle pour l'avenir. Je note que le Gouvernement entend se montrer offensif sur cette question.