15ème législature

Question N° 1394
de M. Philippe Latombe (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > entreprises

Titre > Comportements monopolistiques d'Apple

Question publiée au JO le : 27/04/2021
Réponse publiée au JO le : 09/06/2021 page : 4682

Texte de la question

M. Philippe Latombe attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur le fonctionnement de la société Apple comme distributeur unique d'applications sur ses terminaux et le marché mobile iOS. En octobre 2020, après seize mois d'enquêtes et un rapport de plus de 400 pages, le sous-comité antitrust de la Chambre des représentants américaine a précisément décrit le monopole d'Apple sur le marché des applications iOS. Selon les parlementaires américains, la société empêche notamment l'émergence d'une quelconque concurrence grâce à la double maîtrise de son système d'exploitation iOS et de son magasin App Store. Ce faisant, la mécanique de la règle édictée par le constructeur sur les achats intégrés, et notamment la fameuse commission de 30 % prélevée sur le prix des applications et également sur les services par abonnement, constituait dès sa conception une distorsion de concurrence. Apple impose également à tous l'utilisation de son système de paiement IAP (in app payment) et a fait du Sherlocking (pratique qui consiste à copier des applications innovantes à son propre bénéfice en intégrant celles-ci comme un nouveau service gratuit de l'iOS) une pratique assumée de son développement économique au détriment de la concurrence. En France comme à l'étranger, Apple cristallise de nombreuses controverses. À commencer bien sûr par l'évasion fiscale qui, malgré de lourdes condamnations, ne semble pas pour autant faire infléchir l'entreprise, qui a décidé de répercuter la taxe GAFA sur ses prestataires en leur interdisant de le faire sur les consommateurs. Trois procédures judiciaires sont ainsi en cours : en France, auprès de l'Autorité de la concurrence, pour abus de position dominante, auprès de la Commission européenne, pour comportement anticoncurrentiel, et auprès de la CNIL pour non-conformité au RGPD. Il souhaiterait avoir connaissance des mesures que compte engager le Gouvernement pour réguler les comportements monopolistiques de la firme Apple.

Texte de la réponse

COMPORTEMENTS MONOPOLISTIQUES D'APPLE


M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe, pour exposer sa question, n°  1394, relative aux comportements monopolistiques d'Apple.

M. Philippe Latombe. J'appelle votre attention, monsieur le secrétaire d'État chargé de la transition numérique, sur le fonctionnement de la société Apple, en tant que distributeur unique d'applications sur ses terminaux et le marché mobile iOS. En octobre 2020, après seize mois d'enquêtes et un rapport de plus de 400 pages, le sous-comité antitrust de la Chambre des représentants des États-Unis a précisément décrit le monopole d'Apple sur le marché des applications iOS. Selon les parlementaires américains, la société empêche notamment l'émergence d'une quelconque concurrence grâce à la double maîtrise de son système d'exploitation iOS et de son magasin App Store.

Les règles édictées par le constructeur sur les achats intégrés, notamment la fameuse commission de 30 % prélevée sur le prix des applications mais également sur les services par abonnement, constituaient dès leur conception une distorsion de concurrence. Apple impose également à tous l'utilisation de son système de paiement – In App payment – et a fait du « sherlocking », pratique qui consiste à copier des applications innovantes à son propre bénéfice en les intégrant sous la forme d'un nouveau service gratuit de l'iOS, un outil assumé de son développement économique au détriment de la concurrence.

En France comme à l'étranger, Apple suscite de nombreuses controverses, à commencer bien sûr par l'évasion fiscale, les lourdes condamnations prononcées en la matière ne semblant pas avoir fait fléchir l'entreprise. Ainsi, elle a décidé de répercuter sur ses prestataires la taxe sur les services numériques, dite taxe GAFA, en leur interdisant de le faire sur les consommateurs.

Trois procédures judiciaires sont en cours : en France, auprès de l'Autorité de la concurrence, pour abus de position dominante ; auprès de la Commission européenne, pour comportement anticoncurrentiel ; auprès de la CNIL – Commission nationale de l'informatique et des libertés – pour non-conformité avec le RGPD – règlement général sur la protection des données.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour réguler les comportements monopolistiques de la firme Apple tant en France qu'en Europe, notamment à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Vous abordez un sujet absolument stratégique pour les années qui viennent. Vous citez l'exemple de la société Apple et posez plusieurs questions qui relèvent de thèmes parfois un peu différents, mais qui renvoient toutes à la question plus globale des très grandes entreprises américaines – certaines entreprises européennes ou orientales pourraient à l'avenir faire partie de cette catégorie – aujourd'hui en situation d'oligopole sur les marchés du numérique.

Pour ce qui est des dossiers que vous évoquez au niveau français, je rappelle que l'année dernière, une décision de l'Autorité de la concurrence a imposé à Apple une amende d'un montant de 1,1 milliard d'euros en raison de son entente avec ses distributeurs, ce qui montre que, lorsqu'elle se saisit de ces sujets, cette instance peut prononcer des amendes d'un niveau très élevé.

Vous avez également évoqué des liens entre le respect de la vie privée et d'éventuels abus de position dominante de la part de la société Apple. Ce sont là des questions éminemment complexes, car nos législations relatives à la protection de la vie privée peuvent, dans certaines acceptions de leur application, avoir tendance à renforcer les acteurs en place – en l'espèce, la société Apple. Statuant en référé sans se prononcer sur le fond, l'Autorité de la concurrence a décidé de ne pas bloquer l'application des nouvelles dispositions adoptées par Apple en termes de communication des identifiants permettant de faire de la publicité, mais je tiens à souligner que, lu dans son intégralité, le texte de l'arrêt montre que l'Autorité de la concurrence, si elle ne se prononce pas sur le fond, poursuit néanmoins l'instruction à ce niveau.

Pour ce qui est des paiements et des commissions prélevées par Apple, je rappelle que la Commission européenne a fait une annonce, encore provisoire, relative à un éventuel abus de position dominante dans le dossier qui l'oppose à l'entreprise Spotify.

Deux autres éléments : pour ce qui est, tout d'abord, de la taxe dite GAFA, la situation est assez simple : Apple et Google l'ont répercutée sur les prix, comme Amazon, me semble-t-il, et il est évident que ces entreprises se moquent du monde ! Ces taxes ne sont évidemment pas destinées à être répercutées sur les clients, puisqu'elles ont pour objet de corriger une certaine déloyauté des pratiques fiscales des entreprises concernées. La situation peut cependant se révéler, en creux, assez intéressante car, si l'augmentation des tarifs proposés à leurs clients ne conduit pas une diminution de leur base clients, cela signifie bien, en théorie économique, que ces entreprises sont en situation d'oligopole ou de monopole, ce qui permettra d'éclairer le décisionnaire européen. C'est en effet au niveau européen qu'il nous faut agir, notamment au moyen de la législation sur les marchés numériques, dite DMA, objectif majeur de la présidence française de l'Union européenne : il s'agit de diminuer l'empreinte de ces entreprises sur notre économie et notre démocratie au moyen de dispositions ex ante – comme on dit en bon français – permettant de superviser les entreprises en situation d'oligopole et de monopole, plutôt que de réparer ex post les problèmes qu'elles posent.

M. le président. La parole est à M. Philippe Latombe.

M. Philippe Latombe. La France devra veiller à ce que l'élaboration de la législation DMA ne fasse pas l'objet de la part d'Apple d'un lobbying trop agressif visant à la dénaturer. Les acteurs de l'écosystème sont très inquiets à ce propos et je rappelle que le régulateur irlandais semble, de l'avis de nombreux experts, très défaillant.