Les moyens de la politique de réduction des risques
Question de :
Mme Danièle Obono
Paris (17e circonscription) - La France insoumise
Mme Danièle Obono interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur les moyens de la politique de réduction des risques liés à l'usage de drogues, et notamment la pérennisation et l'extension des salles de consommation à moindre risque.
Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2021
RISQUES DE L'USAGE DE DROGUES
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono, pour exposer sa question, n° 1399, relative aux risques de l'usage de drogues.
Mme Danièle Obono. Je suis députée d'une circonscription à cheval sur les 18e et 19e arrondissements de Paris, qui concentrent l'essentiel des points de trafic et de consommation de drogue dans l'espace public du territoire. Sur la place Stalingrad, dans les jardins d'Éole ou à la porte de la Chapelle, les scènes de consommation de crack sont quotidiennes. Souvent, plus d'une centaine d'usagers et d'usagères de drogues se rassemblent en ces lieux, entraînant des troubles à la tranquillité publique et au quotidien des riverains et des riveraines. En plongeant dans une grande précarité ces personnes qui vivaient déjà sur le fil, la crise sanitaire a aggravé un problème qui est structurel.
Après des mois d'interpellations des habitants, des habitantes et des élus dont je suis, les exécutifs locaux et nationaux ont commencé à réagir. Le plan crack mené par la Ville de Paris, l'État et l'agence régionale de santé a permis de renforcer les maraudes et d'augmenter l'hébergement temporaire des usagers et des usagères de drogue. Cependant, selon les associations, l'effort reste insuffisant. Outre les difficultés d'accès au droit, aux soins ou à un logement pérenne, c'est la question des conditions de consommation qui revient de manière incessante.
La salle de consommation à moindre risque gérée par l'association Gaïa dans le 10e arrondissement a eu un effet positif pour les usagers et les usagères, en limitant le risque de complications liées à la consommation de stupéfiants tout en réduisant les nuisances dans l'espace public. Néanmoins, à ce jour, la salle n'est ouverte qu'aux injecteurs et aux injectrices, excluant les inhalateurs et inhalatrices qui en sont donc réduits, pour les plus précaires, à consommer dans l'espace public. L'expérimentation commencée en 2016 prendra fin en 2022. Selon l'association Gaïa, au moins six autres salles sont nécessaires en Île-de-France, dont quatre à Paris.
Mes questions sont donc les suivantes. Ce dispositif sera-t-il reconduit et étendu à la hauteur des besoins de notre territoire ? Le cas échéant, quelles mesures pensez-vous prendre pour assurer la pleine coopération de la préfecture de Paris ainsi que du parquet, qui font parfois montre, selon les acteurs et les actrices de terrain, d'une forte réticence à l'égard de ce dispositif, compliquant parfois le travail des associations ? Quels autres moyens d'ampleur comptez-vous mettre en œuvre en matière de logement, d'accompagnement médico-social, d'accès aux soins – notamment psychologiques – pour réduire les risques et les troubles liés à la consommation de drogue ? Le statut des personnels accompagnant les usagers et les usagères au sein des structures dédiées sera-t-il enfin réévalué à la hauteur de l'engagement et des compétences de cette autre catégorie de personnel médico-social oubliée du Ségur ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. En matière de drogues illicites, la politique de santé publique que nous menons vise aussi bien à prévenir la première consommation de stupéfiants qu'à accompagner les usagers et à réduire les effets sur leur santé et, surtout, leur consommation. La réduction des risques et des dommages inscrite dans la loi se traduit par la mobilisation d'un ensemble d'interventions et de dispositifs, au premier rang desquels figurent les structures médico-sociales que sont les centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques des usagers de drogues et les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie. Ces structures permettent de venir en aide à des individus fragiles et très souvent stigmatisés, dont les parcours de vie sont marqués par des épreuves et des ruptures. Vous le savez, cette politique de réduction des risques s'inscrit dans le programme national de mobilisation contre les addictions 2018-2022 et la loi de modernisation de notre système de santé de 2016. Sur cette base légale, les pouvoirs publics financent le soutien au programme de matériel de réduction des risques, la prévention en milieu festif, ainsi que la mise à disposition de naloxone, pour prévenir la surdose d'opioïdes. Plus de 450 millions d'euros, reconductibles d'une année sur l'autre, sont consacrés au fonctionnement des structures. Entre 2019 et 2020, 12,4 millions d'euros supplémentaires ont été fléchés vers ces structures pour renforcer et améliorer la prise en charge et la réduction des risques pour les usagers.
L'expérimentation des salles de consommation à moindre risque a été prévue pour une durée de six ans à compter de l'ouverture de la première salle. Elle a débuté en 2016 à Paris puis à Strasbourg, dans des salles qui proposent aux usagers des soins, un dépistage de pathologies infectieuses, et favorisent l'orientation pour traiter leur dépendance. À leur ouverture, ces salles étaient financées à hauteur d'1 million d'euros ; des crédits supplémentaires ont été mobilisés, notamment pour étendre leurs horaires de fonctionnement. D'autres salles peuvent être autorisées à ouvrir, et des financements sont prévus – 1 million d'euros par salle. À Paris comme à Strasbourg, les 180 usagers quotidiens de chaque salle sont en majorité très précarisés, et une proportion importante d'entre eux étaient inconnus des structures d'addictologie auparavant. Après quatre ans d'existence, le bilan des deux salles, basé sur des résultats intermédiaires, apparaît positif puisqu'elles permettent une prise en charge de populations vulnérables qui ne fréquentaient pas les structures classiques d'accueil. Nous constatons également une diminution de la présence de matériels d'injection sur la voie publique. Les résultats finaux de l'évaluation doivent être remis très prochainement. Ils permettront d'évaluer la pertinence du dispositif en termes de satisfaction des usagers et des riverains, d'amélioration de l'accès aux soins, de dépistage des maladies infectieuses comme le VIH et d'aide à l'insertion sociale. Ces résultats vont permettre d'éclairer l'exécutif ainsi que le Parlement sur l'intérêt de ce dispositif complémentaire que nous entendons poursuivre.
M. le président. La parole est à Mme Danièle Obono.
Mme Danièle Obono. Madame la ministre déléguée, ce que vous avez dit, je le sais déjà. Les habitants et les élus des arrondissements concernés sont confrontés à ces réalités, mais également aux insuffisances. Vos propos ne m'inspirent guère d'espoir : vous n'apportez pas les réponses concrètes attendues par les usagers, mais aussi par les habitants. Je vous rappelle qu'il y a encore quelques jours, des incidents assez graves ont éclaté dans le 19e arrondissement de Paris : des habitants ont tiré des feux d'artifice sur les consommateurs de drogue rassemblés au pied du siège de la Caisse régionale de l'assurance maladie. La situation est donc extrêmement tendue et, pour le moment, votre réponse n'est vraiment pas à la hauteur.
Auteur : Mme Danièle Obono
Type de question : Question orale
Rubrique : Drogue
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 avril 2021