Transfert des enfants malades des outre-mer en France continentale
Question de :
Mme Karine Lebon
Réunion (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
Mme Karine Lebon interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la prise en charge des membres de la famille proche (particulièrement la fratrie pour laquelle aucun dispositif n'est prévu) des enfants malades des outre-mer transférés en France continentale pour subir un traitement médical qui peut durer plusieurs mois.
Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2021
TRANSFERT DES ENFANTS MALADES DES OUTRE-MER EN FRANCE CONTINENTALE
M. le président. La parole est à Mme Karine Lebon, pour exposer sa question, n° 1401, relative au transfert des enfants malades des outre-mer en France continentale.
Mme Karine Lebon. J'ai abordé le problème des enfants réunionnais malades transférés dans l'hexagone pour bénéficier de soins adaptés lors de l'examen de la proposition de loi visant à l'accompagnement des enfants porteurs de pathologie chronique ou de cancer. Je souhaite aujourd'hui revenir sur ce sujet douloureux, le format de cette proposition de loi ne permettant pas d'appréhender ce dossier dans sa globalité.
L'évacuation sanitaire d'un enfant malade au point de partir se faire soigner si loin devient très vite un enchevêtrement d'obstacles déferlant sur toute une famille. La caisse générale de sécurité sociale (CGSS) prend en charge le billet d'un seul parent, en plus de celui de l'enfant, mais précisons que si l'évacuation nécessite la présence d'un médecin ou d'une infirmière, c'est le billet du personnel médical qui est financé au détriment de celui du parent accompagnateur. Il est vrai que les collectivités financent également un autre billet et quelques frais annexes. Mais, l'enfant arrivé en métropole, la famille doit faire face, en plus de la maladie, aux problèmes financiers : le coût d'un logement supplémentaire n'est pas complètement compensé alors que le parent accompagnateur, qui a dû quitter son emploi, se retrouve dans une situation précaire. Plus de frais et moins de ressources financières. Comprenez qu'en plus, cet enfant quitte tout ce qu'il appelle sien – une région, un climat, une culture, son autre parent, une fratrie, des amis – pour se retrouver dans un endroit où il n'a aucun repère, sans la perspective d'un retour imminent ou, malheureusement, d'un retour tout court.
C'est dans cet état d'esprit et dans ce scénario chaotique qu'un enfant et une famille s'apprêtent à combattre une maladie grave. Le bouleversement est tel que la Ligue contre le cancer parle d'une double peine pour les enfants des outre-mer atteints de cancer soignés dans l'hexagone. Afin d'optimiser les chances de guérison, « [la] Ligue demande qu’une prise en charge personnalisée soit proposée à chaque enfant ou adolescent afin que son projet de vie (scolarité, formation, loisirs…) et ses besoins (présence ou communication avec la famille, les proches, les amis, la fratrie, retour au domicile) soient respectés. Pour que ces enfants ne subissent pas une double peine, la Ligue souhaite que les remboursements des frais liés à leur éloignement géographique pendant les traitements soient autorisés au-delà des normes administratives, mais en tenant compte des volontés de l’enfant et de son projet de vie. »
Comprenez, madame la ministre déléguée, que mon premier souhait est, bien évidemment, que le système hospitalier de La Réunion soit capable de traiter toutes les pathologies, mais il nous faut composer avec la situation actuelle. Nous attendons maintenant une prise en charge de nos petits malades conforme aux préconisations de la Ligue contre le cancer, et qui intègre, par exemple, une compensation financière pour le parent qui arrête de travailler et si possible, pour les longs séjours, l'accompagnement de toute la fratrie – pour laquelle aucun dispositif n'est actuellement prévu.
Comment comptez-vous continuer cette réflexion que nous élaborons aujourd'hui pour permettre à nos enfants d'être soignés dans les mêmes conditions que tous les enfants de France ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.
Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Madame Lebon, au-delà de la réponse que je vous fournirai, qui rappelle la réglementation en vigueur, sachez que le sujet que vous évoquez nous touche tous, en tant que parents et grands-parents ; rien ne serait pire que de penser que j'y suis insensible.
Assurer l'accès aux soins pour l'ensemble des citoyens de notre pays, dans toute sa diversité géographique et compte tenu de l'hétérogénéité des infrastructures, est notre souci constant. L'égal accès à l'offre de soins dite de recours pour les habitants ultramarins est une priorité commune du ministère des solidarités et de la santé et du ministère de l'outre-mer, reprise dans la stratégie nationale de santé 2018-2022. C'est dans ce cadre qu'on a créé des dispositifs permettant la prise en charge par l'assurance maladie de transports de patients des collectivités ultramarines vers la métropole, quand l'état de santé le requiert.
L'accompagnement des patients ainsi transférés vers la France continentale revêt bien sûr une dimension particulière lorsqu'il s'agit d'enfants mineurs. La réglementation en vigueur prévoit déjà la prise en charge par l'assurance maladie des frais de transport d'un accompagnant pour les patients âgés de moins de 16 ans et dont l'état nécessite l'assistance d'un tiers. Cette prise en charge assure aux patients mineurs un accompagnement lorsqu'un déplacement vers la métropole est nécessaire pour bénéficier d'un traitement médical adapté. L'action sociale des caisses d'assurance maladie complète cette prestation. Elles peuvent prendre en charge les frais de transport au-delà du montant prévu par la prestation légale, pour financer le déplacement des ayants droit du patient et plus généralement d'un accompagnant, lorsque le patient ne peut se déplacer seul – cas assez fréquent en raison du jeune âge de ces malades.
En revanche, les frais de transport engagés par la famille proche du patient sont davantage soutenus par un accompagnement développé et des initiatives privées. Le secteur associatif est structuré en ce sens, avec le soutien d'acteurs publics. Si des frais de transport ne font pas l'objet d'une prestation de l'assurance maladie, automatiquement prise en charge, plusieurs dispositifs sont néanmoins mobilisables pour garantir l'accompagnement nécessaire des patients mineurs tout au long de leur parcours de soins.
M. le président. Madame Lebon, il vous reste trente secondes pour réagir, si vous le souhaitez.
Mme Karine Lebon. Je me doute bien, madame la ministre déléguée, que vous n'êtes pas insensible à cette situation. Je souhaiterais quand même revenir sur un cas en particulier : la situation de Kerane, 12 ans, atteint d'une tumeur au cerveau incurable, que j'ai rencontré en mars. Ses parents n'avaient jamais quitté La Réunion et se sont retrouvés complètement perdus à l'arrivée à Paris. C'est pour ces personnes-là que je me bats aujourd'hui et que je souhaite que d'autres dispositifs soient développés.
Auteur : Mme Karine Lebon
Type de question : Question orale
Rubrique : Outre-mer
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 avril 2021