Rubrique > agroalimentaire
Titre > Création d'une autorité unique de contrôle sanitaire sur la chaîne alimentaire
M. Dominique Potier alerte M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'urgence de créer une autorité unique de contrôle sur la chaîne alimentaire, dans le cadre d'une approche globale des risques intégrant enjeux sanitaires et lutte contre les pratiques frauduleuses ou trompeuses. Au début du mois de décembre 2017, la révélation de la mise sur le marché de laits infantiles contaminés par des salmonelles par l'entreprise Lactalis a mis en évidence des dysfonctionnements dans le dispositif de sécurisation sanitaire de la chaîne alimentaire. Des propositions visant à améliorer le fonctionnement des autorités compétentes, voire à mettre en place une autorité unique de contrôle, ont ensuite été formulées dans un rapport d'information du Sénat (n° 403 du 5 avril 2018) ainsi que par la commission d'enquête mise en place par l'Assemblée nationale et présidée par le député Christian Hutin (n° 1179 du 19 juillet 2018). Ces propositions rejoignent par ailleurs les dispositions prévues par le règlement européen du 15 mars 2017, qui fixe le cadre des contrôles officiels sur l'ensemble de la chaîne alimentaire, et dont l'entrée en application est prévue pour le 14 décembre 2019. L'article 1er de ce règlement précise que les contrôles officiels doivent prendre en compte une approche globale des risques, associant aux enjeux de sécurité et de salubrité ceux qui visent à garantir, par des pratiques commerciales loyales, la protection et l'information des consommateurs. En effet, pour des raisons liées à la mondialisation des échanges, à la complexification des circuits commerciaux et à une pression toujours plus forte sur les prix, ces deux enjeux sont devenus étroitement liés. Un problème sanitaire peut révéler l'existence d'une fraude (ce fut le cas des œufs contaminés au fipronil à l'été 2017), de la même façon qu'une fraude peut soulever des questions sur la sécurité de la chaîne alimentaire (comme dans le cas du scandale de la viande de cheval en 2013). L'affaire Lactalis a mis au jour un éclatement des compétences et une dilution des responsabilités entre la direction générale de l'alimentation (DGAL), qui dépend du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, et la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), rattachée quant à elle au ministère de l'économie et des finances. Ainsi, les établissements fabriquant des poudres de lait infantile sont soumis à un agrément sanitaire délivré par les services de la DGAL, mais la DGCCRF dispose d'une compétence spécifique dans le secteur de l'alimentation infantile. Afin de mettre un terme à cette situation, à la fois inefficace et peu lisible pour les citoyens, la première étape pour la mise en place d'une police unifiée consisterait à regrouper sous une même autorité l'ensemble des missions de surveillance et de contrôle liées à la sécurité sanitaire de la chaîne alimentaire. Néanmoins, cette option, limitée aux enjeux sanitaires, impliquerait le maintien d'une seconde autorité de contrôle, chargée elle de la lutte contre les pratiques frauduleuses ou trompeuses. Dans cette hypothèse, le nouveau règlement européen précise que l'État membre doit désigner une autorité unique de coordination. Cette fonction d'autorité unique pourrait ressembler à celle, si l'on compare avec la lutte contre le terrorisme, attribuée à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) en tant que chef de file du nouveau plan d'action contre le terrorisme. De manière plus ambitieuse, une seconde option pourrait donc conduire à regrouper sous une même autorité l'ensemble des services assurant des missions de contrôle officiel sur la chaîne alimentaire, qu'il s'agisse des enjeux sanitaires ou de ceux liés à la lutte contre les pratiques frauduleuses ou trompeuses. Cette réforme de l'organisation administrative des contrôles pourrait se concevoir sous différentes formes : premièrement, un ministère reconnu leader avec une direction générale de ce même ministère rassemblant l'ensemble des compétences actuellement réparties entre la DGAL et la DGCCRF ; deuxièmement, une direction interministérielle, rattachée au Premier ministre, regroupant les compétences et les moyens des deux ministères ; troisièmement, un établissement public placé sous la tutelle des différents ministères concernés. Il y a tout juste vingt ans, les crises sanitaires du sang contaminé et de la vache folle avaient conduit à l'adoption, sur une initiative parlementaire, de la loi du 1er juillet 1998, qui avait permis de structurer le dispositif public d'évaluation des risques. Le moment est venu aujourd'hui de renforcer la gouvernance de la gestion des risques sur la chaîne alimentaire. C'est la raison pour laquelle il lui demande donc de renforcer aujourd'hui la gouvernance de la gestion des risques en créant une autorité unique de contrôle sanitaire sur la chaîne alimentaire.