Question orale n° 1406 :
Violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur

15e Législature

Question de : M. Guillaume Gouffier Valente
Val-de-Marne (6e circonscription) - La République en Marche

M. Guillaume Gouffier-Cha interroge Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation sur la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ayant lieu dans l'enseignement supérieur en France. Le 8 mars 2018, Mme la ministre a annoncé un plan d'envergure pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur, avec le lancement d'une campagne de communication, la mise en place d'une cellule d'accueil et d'écoute dans chaque université, et la formation et la sensibilisation de l'ensemble des agents des Crous à l'égalité entre les femmes et les hommes d'ici 2020. Malgré la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur » force est de constater que la question des violences sexuelles et sexistes sur les campus est toujours d'actualité. Certes, des cellules d'accueil et d'écoute et des référents ont été mises en place sur les campus, mais les retours des étudiantes sont très critiques quant à l'efficacité de ces dispositifs. Le hashtag « #sciencesporcs » apparu sur les réseaux sociaux début février 2021 a montré que les agissements sont toujours nombreux, qu'ils sont très ancrés dans le temps et que les administrations ne sont toujours pas au niveau pour apporter une réponse appropriée. Il est toujours difficile pour les étudiantes de parler, car elles craignent des répercussions sur leur carrière, avant même que celle-ci n'ait commencé. Selon l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur, une étudiante sur vingt a été victime de viol et une sur dix d'agression sexuelle. L'université est malheureusement un milieu propice pour ces violences, en raison notamment de l'alcool ou des effets de groupe lors des soirées d'intégration. Les victimes ne sont pas toujours correctement renseignées, accompagnées ni prises en charge. Aussi, il y aurait des disparités considérables entre les établissements publics et privés. Selon l'Observatoire des VSS, le personnel en charge de ces cellules et les référentes ne seraient pas suffisamment formés ni outillés à la prise en charge des victimes des violences. Par ailleurs, les procédures disciplinaires au sein des établissements d'enseignement supérieur sont souvent confuses et également différenciées entre établissements publics et privés. Il souhaite donc savoir quel est le bilan des dispositions qui ont été mises en place en 2018. La campagne de communication a été diffusée selon quelles modalités ? Est-ce que des cellules d'accueil et d'écoute sont bien mis en place dans chaque campus ? Qu'en est-il dans les établissements privés ? Comment sont sélectionnés et formés les référents ? Enfin, il lui demande quelles sont les actions envisagées suite aux révélations sur l'omerta qui entoure les violences sexuelles et sexistes au sein des directions des établissements d'enseignement supérieur, pour qu'enfin la honte change de camp.

Réponse en séance, et publiée le 9 juin 2021

VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES DANS L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour exposer sa question, n°  1406, relative aux violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Le 8 mars 2018, vous avez annoncé, madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, un plan d'envergure pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur, avec le lancement d'une campagne de communication, l'instauration d'une cellule d'accueil et d'écoute dans chaque université, la formation et la sensibilisation de l'ensemble des agents des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à l'égalité entre les femmes et les hommes, d'ici à 2020.

Malgré la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles dans l'enseignement supérieur », force est de constater que cette question reste d'actualité sur les campus. Certes, des cellules d'accueil et d'écoute avec référents ont été installées dans les universités mais les étudiantes sont très critiques quant à l'efficacité de ces dispositifs. Le mot-dièse #SciencesPorcs, apparu sur les réseaux sociaux début février, a démontré que les agissements sont encore nombreux, qu'ils sont ancrés dans le temps et que les administrations ne sont toujours pas au niveau pour apporter une réponse appropriée. Les étudiantes éprouvent encore des difficultés à parler car elles craignent des répercussions sur leur carrière, avant même que celle-ci ait commencé.

Selon l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur, une étudiante sur vingt a été victime de viol et une sur dix victime d'agression sexuelle. L'université est malheureusement un milieu propice à ces violences, en raison notamment de l'alcool et des effets de groupe lors des soirées d'intégration. Les victimes ne sont pas toujours correctement renseignées, accompagnées ni prises en charge. Par ailleurs, des disparités considérables existeraient entre les établissements publics et privés.

En outre, selon l'Observatoire, le personnel chargé des cellules d'accueil et d'écoute et les référents ne seraient pas suffisamment formés, ni outillés pour la prise en charge des victimes de violences. Enfin, les procédures disciplinaires au sein des établissements d'enseignement supérieur sont souvent confuses et différenciées selon que ceux-ci relèvent du secteur public ou privé.

C'est pourquoi je souhaite connaître le bilan des dispositions instaurées en 2018 et les modalités selon lesquelles la campagne de communication a été diffusée. Des cellules d'accueil et d'écoute existent-elles sur chaque campus ? Qu'en est-il dans les établissements privés ? Comment les référents sont-ils sélectionnés et formés ? Enfin, quelles actions envisagez-vous à la suite des révélations sur l'omerta qui entoure les violences sexuelles et sexistes au sein des directions d'établissements d'enseignement supérieur, pour qu'enfin la honte change définitivement de camp ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le fléau des violences sexistes et sexuelles touche tous les milieux et toutes les catégories socioprofessionnelles, dans toutes les zones géographiques, et l'enseignement supérieur n'y échappe pas. Je voudrais d'abord faire part de mon soutien à toutes les victimes et dire que ces violences n'ont pas leur place dans l'enseignement supérieur ; je n'aurai jamais de mots suffisamment forts pour les condamner.

Vous l'avez rappelé, de nombreuses actions ont été menées. La loi de transformation de la fonction publique de 2019 a prévu l'instauration de dispositifs de signalement et plus de 95 % des universités sont désormais dotées de cellules d'écoute. Un guide a été rendu public l'an dernier pour aider les établissements à mener des enquêtes sur les violences en leur sein et un réseau de formation spécialisée a été créé pour proposer notamment des stratégies de prévention concernant les week-ends d'intégration. Ces mesures ont été déployées dès la rentrée de 2018, parallèlement aux campagnes massives de communication et de sensibilisation car, bien souvent, les actes sont commis en dehors des établissements, ce qui explique d'ailleurs les difficultés de ceux-ci à mettre en place des procédures disciplinaires.

Nous pouvons aussi nous appuyer sur la richesse de la recherche, au travers des enquêtes réalisées, notamment l'enquête Virage – Violences et rapports de genre. S'appuyant sur cette dernière, l'Observatoire national de la vie étudiante a intégré un module spécifiquement dédié aux violences sexistes et sexuelles dans son enquête nationale sur les conditions de vie étudiantes.

Les révélations et témoignages de ces dernières semaines illustrent la nécessité d'aller plus loin encore. C'est pourquoi j'ai confié à l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) deux missions d'inspection portant spécifiquement sur les faits que vous avez rappelés ; elle me remettra ses conclusions avant l'été pour que des mesures soient effectives dès la rentrée de septembre 2021.

Une prise de conscience collective est nécessaire ; la tolérance zéro doit être de mise et toutes les agressions doivent conduire à des sanctions. C'est pourquoi les établissements préparent un plan national d'actions contre toutes ces formes de discriminations, qui portera sur la formation, la professionnalisation des dispositifs de signalement, la communication sur l'existence des dispositifs internes et associatifs pour les étudiants et les personnels et, enfin, la valorisation de toutes les initiatives étudiantes en la matière.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha.

M. Guillaume Gouffier-Cha. Je vous remercie de votre réponse et de votre mobilisation contre ce fléau qui doit disparaître de notre société. À l'heure actuelle, un phénomène de banalisation persiste encore à l'égard de faits qui existent depuis toujours dans l'enseignement supérieur et que nous devons éradiquer définitivement. Je serai vigilant, avec celles et ceux qui suivent ce dossier, quant aux conclusions de l'enquête de l'inspection générale. Je tiens également à vous remercier, ainsi que votre équipe, de nous avoir reçus ; je dois encore rencontrer, dans les jours à venir, l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur pour faire remonter nos propositions.

Données clés

Auteur : M. Guillaume Gouffier Valente

Type de question : Question orale

Rubrique : Enseignement supérieur

Ministère interrogé : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Ministère répondant : Enseignement supérieur, recherche et innovation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 27 avril 2021

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