ÉQUIPEMENT DES VÉHICULES DE PATROUILLE EN BOÎTIERS E85
M. le président. La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme, pour exposer sa question, n° 1408, relative à l'équipement des véhicules de patrouille en boîtiers E85.
Mme Aude Bono-Vandorme. La troisième loi de finances rectificative a permis de débloquer une enveloppe de 75 millions d'euros pour engager le renouvellement du parc automobile des policiers et des gendarmes. En 2020, 1 263 véhicules électriques et 1 335 Peugeot 5008 ont déjà été livrés. Cette action permet à nos forces de sécurité de travailler dans de bien meilleures conditions. Il y avait urgence, comme j'ai pu le constater au sein d'une brigade de gendarmerie de ma circonscription, à Montcornet : la vétusté de leurs véhicules faisait vraiment peine à voir !
Récemment invitée à la remise des clés de leurs nouveaux équipements, j'ai noté que le choix s'était porté sur des voitures à essence. Pour avoir été rapporteure pour avis des crédits de la mission « Gendarmerie nationale » pendant trois ans, je connais l'importance de la part dédiée à l'achat du carburant et j'avais proposé, dès 2018, d'équiper les véhicules de patrouille en boîtiers E85.
Le carburant E85 présente en effet de nombreux avantages, aussi bien sur le plan budgétaire – il coûte 65 centimes d'euros le litre contre 1,46 euro pour le E10, soit plus du double – que sur le plan de la transition écologique – il émet 60 % de gaz à effet de serre en moins que l'essence fossile. Il m'avait alors été répondu que la proposition était à l'étude – mais trois ans après, toujours rien !
Rappelons que la France est le premier producteur européen d'éthanol, à hauteur de 12 millions d'hectolitres par an. En 2020, 350 millions de litres de E85 ont été consommés dans le pays. Cette offre de carburant, qui se généralise toujours plus, offre un débouché supplémentaire aux producteurs betteraviers de nos régions. L'installation d'un boîtier permettant d'utiliser du E85 s'élève à environ 1 000 euros : ce coût serait amorti au bout de trois mois seulement pour les véhicules de police et de gendarmerie, qui circulent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans les territoires ruraux. N'est-ce pas le moment de les équiper, ou, tout au moins, d'expérimenter cette possibilité dans le département de l'Aisne ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Le renouvellement du parc automobile des forces de sécurité intérieure est une priorité pour le ministère de l'intérieur et il est déjà en cours dans un quart du parc. Ce renouvellement massif s'effectue dans le plus grand respect des normes environnementales : comme vous l'aurez certainement remarqué, l'accent a été mis sur les commandes de véhicules électriques, avec les équipements afférents. L'effet de volume de ces commandes, aux caractéristiques énergétiques plus favorables, améliorera significativement l'impact environnemental d'un parc vieillissant et soumis à une utilisation intensive.
S'agissant de l'équipement des véhicules en boîtiers E85 – dans la gendarmerie notamment – pour rouler au bioéthanol, cette solution présenterait certes des avantages mais aussi plusieurs inconvénients. Tout d'abord, sachant que la part du diesel dans la flotte de la gendarmerie était supérieure à 80 % en 2018, l'intérêt du E85 serait limité. Ensuite, le nombre réduit de points de distribution de E85 peut représenter une contrainte forte pour l'action opérationnelle des unités. Il est vrai que 25 % des stations-services en distribuent, mais elles ne sont pas réparties de manière homogène sur le territoire, et se situent souvent en agglomération. Enfin, les véhicules roulant au bioéthanol ont une autonomie réduite de 20 % par rapport à leurs équivalents fonctionnant à l'essence.
Le nombre important d'acquisitions de véhicules à essence, ces derniers mois, entraîne mécaniquement une réduction du nombre de véhicules diesel : c'est un argument pour relancer le débat sur l'utilisation des boîtiers E85. Cependant, cette avancée ne résout pas le problème du nombre limité de points de distribution. De plus, rien ne prouve, à ce stade, que la modification technologique de véhicules récents, non équipés de boîtiers E85 d'origine, ne les rendrait pas inéligibles à la garantie constructeur. Outre la densification indispensable des points de distribution de E85, l'homologation encore récente de cette technologie nécessite donc une parfaite connaissance des effets induits par l'utilisation de ce carburant. Le ministère de l'intérieur suit avec une attention particulière ce dossier qui, le moment venu, constituera un atout supplémentaire dans la composition de ses flottes.
M. le président. La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme.
Mme Aude Bono-Vandorme. Je vous remercie pour ces réponses encourageantes. Le nombre de stations-services distribuant du E85 est en forte augmentation : l'avenir est donc favorable pour ce carburant et pour les betteraviers. Par ailleurs, la flotte roulant au diesel est en nette diminution ; le moment est donc opportun pour s'intéresser à l'implantation des boîtiers E85. Vous qui défendez la recherche, madame la ministre, vous reconnaîtrez que l'avenir est à la valorisation de notre potentiel de production d'éthanol – ce qui nous permettrait, de surcroît, d'acquérir une certaine souveraineté. Je compte sur vous.