15ème législature

Question N° 1416
de M. Éric Ciotti (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Premier ministre
Ministère attributaire > Cohésion des territoires et relations avec les collectivités territoriales

Rubrique > catastrophes naturelles

Titre > Accompagnement financier de l'État dans les Alpes-Maritimes

Question publiée au JO le : 27/04/2021
Réponse publiée au JO le : 09/06/2021 page : 4708
Date de changement d'attribution: 04/05/2021

Texte de la question

M. Éric Ciotti attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'accompagnement financier de l'État pour la reconstruction des vallées des Alpes-Maritimes. En effet, alors que plus de 6 mois se sont écoulés depuis la catastrophe climatique, les engagements financiers pris par l'État n'ont pas été honorés. À Breil-sur-Roya, le Président de la République avait promis que l'État apporterait « plusieurs centaines de millions d'euros » pour reconstruire « très vite » les vallées des Alpes-Maritimes dévastées. Or, mi-avril 2021, 26 millions d'euros seulement ont été attribués à l'ensemble des collectivités territoriales des Alpes-Maritimes par l'État, dont 8,8 millions d'euros pour le conseil départemental. Cette somme apparaît largement insuffisante au regard de l'importance des besoins de reconstruction. À l'inverse, le département, la Métropole Nice Côte d'Azur et les communes ont engagé immédiatement tous les moyens financiers dont elles disposent pour contribuer à la reconstruction des vallées. Pour la seule collectivité départementale, l'investissement financier s'établit à 75 millions d'euros, d'ores et déjà engagés, sur un total estimé de 381 millions. Compte tenu de la gravité de la situation, il est indispensable que le Gouvernement prenne immédiatement toutes les mesures nécessaires pour mettre en œuvre les engagements financiers du Président de la République. Aussi, il lui demande de préciser d'une part le montant des sommes qui seront versées et d'autre part le calendrier de ces versements. L'Union européenne, par la voix de la Présidente de la Commission européenne, a également fait savoir qu'elle serait au rendez-vous de la solidarité en mobilisant plus de 60 millions d'euros issus du fonds européens de solidarité. Il lui demande de quelle manière ces crédits vont être exclusivement mis à la disposition des besoins des collectivités territoriales. Par ailleurs, la mobilisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », constitue l'unique et faible compensation à la perte irréversible d'un bien exposé au risque, acquis après une vie de labeur. Or les sinistrés attendent toujours de connaître si le « fonds Barnier » interviendra sur leur bien exposé dans le cadre d'une procédure d'acquisition ou de démolition. Il lui demande dès lors à quelle date aboutiront les procédures attachées à ce fonds de prévention des risques naturels majeurs. Enfin, nombre de zones porteuses de risque devant être abandonnées à la nature au sein des villages sinistrés des Alpes-Maritimes sont constituées de terrains constructibles non bâtis. Le « fonds Barnier » ne prévoit qu'une estimation de la valeur des biens bâtis, les terrains constructibles étant exclus. Il lui demande quelles mesures d'élargissement aux conditions d'éligibilité au fonds ont été prises pour que les terrains non bâtis bénéficient d'une indemnité de réemploi eu égard au potentiel de constructibilité qu'ils généraient avant l'existence du risque.

Texte de la réponse

ACCOMPAGNEMENT FINANCIER DE L'ÉTAT POUR LA RECONSTRUCTION DES VALLÉES DANS LES ALPES-MARITIMES


M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti, pour exposer sa question, n°  1416, relative à l'accompagnement financier de l'État pour la reconstruction des vallées dans les Alpes-Maritimes.

M. Éric Ciotti. Comment le Gouvernement va-t-il aider le département des Alpes-Maritimes à surmonter la terrible catastrophe qu'il a subie le 2 octobre dernier et qui continue, après sept mois, à affecter durement des milliers d'hommes et de femmes de nos vallées de la Roya, de la Vésubie, de la Tinée et du Var ? Au cours de cette catastrophe, qui a tué seize personnes dont deux sapeurs-pompiers, des hommes et des femmes ont tout perdu : leur domicile, leur entreprise et parfois, comme dans mon village de Saint-Martin-Vésubie, leur caveau familial.

Dès les premières minutes, j'ai été aux côtés de ces hommes et ces femmes de mon canton, de mes vallées, où je me suis rendu quarante-deux fois depuis les inondations. Aujourd'hui, je voudrais me faire leur porte-parole pour exprimer l'inquiétude qui les étreint tous, notamment les maires, face à l'absence ou au moins à la lenteur de réponse de l'État.

Une évaluation fait état de plus d'1 milliard d'euros de dégâts, dont quasiment 400 millions d'euros pour la seule collectivité départementale. Sous l'autorité de son président Charles-Ange Ginésy, le conseil départemental des Alpes-Maritimes a d'ores et déjà engagé pour 100 millions d'euros de travaux depuis sept mois.

Dans ce contexte, nous attendions un geste fort de l'État. Lorsqu'il s'était exprimé le 7 octobre à Breil-sur-Roya, le Président de la République avait évoqué plusieurs centaines de millions d'euros d'aide de l'État. À ce jour, seulement 26 millions d'euros ont été débloqués. La faiblesse et la lenteur de l'engagement de l'État commencent à pénaliser fortement les communes et les populations.

C'est pourquoi je vous lance un cri d'alarme, d'alerte : nous avons besoin de la solidarité de l'État. Celle-ci ne doit pas s'exprimer uniquement en paroles, mais se concrétiser dans les actes et les engagements financiers. Combien ? Quand ? Sous quelle forme ? Nous ne pouvons plus nous contenter de paroles, monsieur le secrétaire d'État.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la ruralité.

M. Joël Giraud, secrétaire d'État chargé de la ruralité. Monsieur le député, vous m'interrogez sur la mobilisation de l'État à la suite des intempéries dramatiques qui ont frappé le département des Alpes-Maritimes en octobre dernier.

En matière d'appui aux collectivités locales, l'État a fait preuve d'une capacité de réaction et d'accompagnement à la hauteur de l'événement. Dès les premières heures et les premiers jours de la crise, l'État a répondu présent. Le Premier ministre est venu sur place, puis le Président de la République a effectué une longue visite au cours de laquelle il a indiqué que la solidarité nationale serait au rendez-vous.

Dès le 14 octobre, un préfet spécifiquement chargé de ce dossier a été nommé par le Président de la République, afin de coordonner l'action des services de l'État sur le terrain et d'appuyer l'ensemble des acteurs concernés. L'État a mobilisé des moyens salués par la population : les renforts en sécurité civile – sapeurs-pompiers, militaires, rotations d'hélicoptères – ont représenté 19 millions d'euros. Avant même la fin de l'année 2020, nous avons aussi accordé quelque 26 millions d'euros de subventions aux collectivités faisant face à des travaux urgents.

Après le temps de l'urgence, vient celui de l'évaluation des dégâts et de leur réparation. Les collectivités, surtout les plus petites ou les plus durement frappées, doivent disposer du temps nécessaire pour monter sereinement leur dossier. Sans attendre, nous avons donc chargé une mission d'évaluer les dégâts subis par les biens non assurables des collectivités. Le travail constructif de la mission a d'ailleurs été unanimement salué par les élus locaux, dont vous faites partie.

Ce type d'évaluation prend nécessairement du temps, a fortiori quand il s'agit d'intempéries d'une telle ampleur. La mission interministérielle vient de rendre ses conclusions au Gouvernement. Nous allons rapidement en tirer les conséquences. Le Président de la République précisera très prochainement le montant et les modalités de l'aide, qui va s'inscrire dans le cadre suivant : d'une part, l'activation d'une dotation de solidarité visant à financer les réparations en tenant compte du montant des dégâts et de ce qu'ils représentent dans les budgets locaux ; d'autre part, la mobilisation des moyens de droit commun comme le fonds Barnier, dont je vous confirme l'intervention sous le pilotage de la ministre de la transition écologique, et le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui remboursera 16 % de toutes les dépenses d'équipement des collectivités.

L'État a aussi sollicité et obtenu de la Commission européenne une aide de près de 60 millions d'euros au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE). Le Parlement européen et le Conseil doivent avaliser cet accord et autoriser le déblocage des crédits correspondants. La répartition de ces crédits sera confiée au préfet des Alpes-Maritimes, en lien étroit avec les collectivités territoriales. Cette répartition des rôles permettra de répondre aux fortes exigences européennes quant à l'emploi des fonds, notamment en termes de délai d'utilisation et de recevabilité des dossiers.

Enfin, nous allons mettre en place un cadre contractuel partagé avec les collectivités, afin d'unir nos forces et de bâtir des vallées de la Roya et de la Vésubie qui soient résilientes. L'engagement pris par le Président de la République sera tenu. L'effort de l'État sera à la hauteur des événements.

M. le président. La parole est à M. Éric Ciotti.

M. Éric Ciotti. Une nouvelle fois, je suis déçu de votre réponse, monsieur le secrétaire d'État. En fait, vous ne répondez rien de nouveau. Tout ce que vous avez dit, nous le savons. Évidemment, je remercie les services de l'État pour leur mobilisation, le préfet qui a été nommé pour sa grande efficacité, les forces de secours – notamment celles de nos collectivités – pour leur coordination. Je salue nos pompiers et les équipes de Force 06.

Cela étant, monsieur le secrétaire d'État, comprenez que votre réponse me mette un peu en colère. On ne peut pas se contenter de rappeler ce qui a été fait. Le recours au fonds Barnier et à une dotation de solidarité relève de l'état des lieux, de l'application de la loi. Je vous le redemande : combien les collectivités vont-elles recevoir ? Le seul département a engagé pour 100 millions d'euros de dépenses et emprunté 200 millions d'euros. Certaines petites communes, qui ont fait des millions d'euros de dépenses, doivent aussi emprunter.

Des annonces ont été faites en faveur des collectivités sur d'autres sujets, mais rien n'a été annoncé pour les sinistrés. Nous ne pouvons plus comprendre cet attentisme, ces hésitations. Nous avons besoin de la solidarité nationale. Sept mois après les inondations, je déplore qu'elle soit aussi faible.<