15ème législature

Question N° 1418
de Mme Jennifer De Temmerman (Libertés et Territoires - Nord )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > énergie et carburants

Titre > Inclusion du gaz fossile dans le registre européen des investissements durables

Question publiée au JO le : 27/04/2021
Réponse publiée au JO le : 09/06/2021 page : 4683

Texte de la question

Mme Jennifer De Temmerman interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la position de la France concernant l'inclusion du gaz fossile dans le registre européen des investissements « durables ». Une lettre co-signée par le Président de la République et six autres chefs d'État et de gouvernement a été envoyée à la Commission européenne pour porter l'inclusion du nucléaire dans le registre européen des investissements « durables », appelé taxonomie. Dans le même temps, ces pays alliés poussent fortement pour inclure le gaz fossile dans ce même registre, avec succès puisque la Commission vient de formuler une proposition allant dans ce sens et qui pourrait encourager le développement massif des centrales à gaz en Europe. Or, comme l'indiquait le président de la Banque européenne d'investissement, cette énergie est nocive pour le climat et l'Europe devra donc bientôt s'en passer. Elle est aussi de moins en moins compétitive face aux alternatives durables et entretient la dépendance énergétique de l'Europe. Pourtant, alors que des pays comme l'Espagne, le Danemark ou l'Irlande se soulèvent contre cette classification du gaz fossile en investissement vert, la France reste silencieuse. Pour clarifier cette situation, elle souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette question cruciale, notamment pour les ambitions européennes et le développement de la finance verte.

Texte de la réponse

CLASSIFICATION DU GAZ FOSSILE


M. le président. La parole est à Mme Jennifer De Temmerman, pour exposer sa question, n°  1418, relative à l'inclusion du gaz fossile dans le registre européen des investissements durables.

Mme Jennifer De Temmerman. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance et concerne la politique de la France concernant l'inclusion du gaz fossile dans le registre européen des investissements durables. Une lettre co-signée par le Président de la République et six autres chefs d'État et de gouvernement a été envoyée à la Commission européenne pour soutenir l'inclusion du nucléaire dans le registre européen des investissements durables, ou « taxonomie ». Dans le même temps, ces pays alliés poussent fortement pour inclure le gaz fossile dans ce même registre – avec succès, semble-t-il, puisque la Commission vient de formuler une proposition en ce sens, qui pourrait encourager le développement massif des centrales à gaz en Europe.

Or, comme l'indiquait le président de la Banque européenne d'investissement, cette énergie est nocive pour le climat et l'Europe devra donc bientôt s'en passer. Elle est aussi de moins en moins compétitive face aux solutions alternatives durables et entretient la dépendance énergétique de l'Europe. Pourtant, alors que partout en Europe, des pays comme l'Espagne, le Danemark ou l'Irlande se soulèvent contre cette classification du gaz fossile en investissement vert, la France reste silencieuse. Pour clarifier cette situation, je souhaite connaître la position du Gouvernement sur cette question cruciale notamment pour les ambitions européennes et le développement de la finance verte.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.

M. Cédric O, secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques. Le développement d'une finance durable est un outil crucial pour assurer la transition de l'économie vers la neutralité carbone en visant à aligner les flux de capitaux sur une trajectoire compatible avec les objectifs de température définis par l'accord de Paris. La taxonomie européenne, que vous évoquez, est en effet de la colonne vertébrale de l'action de l'Union européenne en matière de verdissement du système financier. Son utilisation est obligatoire pour les acteurs des marchés financiers et les entreprises. Elle constitue tant un inventaire des technologies existantes ou à développer pour assurer l'objectif de neutralité carbone qu'un outil de transition à destination du marché.

La Commission européenne a publié, le 21 avril 2021, le premier acte délégué du règlement sur la taxonomie. Ce texte contient, comme vous l'avez évoqué, les critères d'éligibilité selon des objectifs climatiques d'atténuation et d'adaptation, en couvrant les secteurs actuellement responsables de près de 80 % des émissions de gaz à effet de serre. L'établissement des critères pour certaines activités nécessite toutefois des travaux complémentaires. C'est le cas de l'énergie nucléaire, de l'agriculture, de certains équipements industriels et du gaz naturel, qui ne sont donc pas inclus dans ce premier texte. La Commission s'est engagée à ce qu'un acte délégué complémentaire couvre ces activités aussitôt que l'expertise nécessaire sera disponible sur ces questions.

La France est très attachée au principe qui fonde la crédibilité de la taxonomie : la neutralité technologique, c'est-à-dire l'absence d'exclusion a priori de certaines technologies sur des bases autres que scientifiques, afin d'assurer l'adaptabilité de l'outil à de potentielles ruptures technologiques futures, et le caractère scientifique des critères retenus. Ainsi, la France défend, comme vous le soulignez, l'inclusion de l'énergie nucléaire, source d'énergie bas carbone qui a fait l'objet d'un rapport récent des scientifiques du centre commun de recherche de la Commission européenne concluant à l'absence d'effets significatifs sur la santé humaine et l'environnement.

De la même manière, dans le règlement sur la taxonomie, le gaz naturel ne peut être exclu a priori mais doit faire l'objet de critères scientifiquement établis, cohérents avec les objectifs européens et la trajectoire climatique à 1,5 degré. Il existe en effet des pistes technologiques pour réduire les émissions de CO2 des centrales à gaz naturel par capture de carbone ou usage de combustible bas carbone, comme le biogaz, qui ne doivent pas être pénalisées a priori.

La France a défendu et continuera de défendre un seuil ambitieux pour le gaz naturel dans la taxonomie, compatible avec ses engagements climatiques et l'égalité de traitement entre sources de production d'énergie. Nous attendons la proposition de la Commission pour ce nouvel acte délégué, que nous espérons la plus ambitieuse possible.

Je rappelle par ailleurs que deux autres actes délégués consacrés aux critères sont les objectifs environnementaux, comme la protection de la biodiversité, ainsi qu'aux obligations d'utilisation et de publication de l'alignement des entreprises – banques, assureurs et gérants de portefeuille – sur la taxonomie, sont également nécessaires d'ici fin 2021 pour l'entrée en application du texte et son succès en tant qu'outil de pilotage de la transition. Nous serons attentifs à leurs ambitions environnementales et à leur capacité à maintenir la législation européenne au meilleur standard mondial en matière de finance durable.

M. le président. La parole est à Mme Jennifer De Temmerman.

Mme Jennifer De Temmerman. Merci, monsieur le secrétaire d'État, pour votre réponse, bien que, sur un sujet aussi important et même s'il est encore assez tôt ce mardi matin, j'eusse préféré – ne le prenez pas mal ! – l'entendre de la bouche de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance. Je comprends donc que la France ne prendra pas ouvertement position contre le gaz fossile, allant ainsi à l'encontre de tous les discours tenus au niveau européen en faveur de la transition écologique et alors que nous allons voter cet après-midi la loi climat, notamment son article 4 A bis relatif au greenwashing. J'en prends acte.