TRAFIC DE DROGUE EN SEINE-SAINT-DENIS
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour exposer sa question, n° 1424, relative au trafic de drogue en Seine-Saint-Denis.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le ministère de l'intérieur recense 3 952 lieux de vente de stupéfiants en France, mais il y en a évidemment bien d'autres ; on en compterait 276 dans mon département, la Seine-Saint-Denis, soit environ 7 % du total – mais en réalité, de nombreux habitants, apeurés par les trafiquants, n'osent même plus s'en plaindre.
Le 25 janvier, dans le cadre d'une opération policière d'envergure, plus de 200 fonctionnaires de police sont intervenus à Saint-Ouen pour essayer d'assécher un trafic. C'est là, en effet, que la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) s'installera probablement dans quelques mois ; on veut donc protéger les policiers y travailleront. De même, en 2008 et en 2010, à Sevran, commune qui a défrayé la chronique, le ministère de l'intérieur a conduit de très importantes interventions visant à réduire le trafic, voire à l'assécher.
Ces deux nœuds de trafic sont desservis par une même ligne, celle du RER B, et se déplacent progressivement. D'où ma crainte, que je souhaite faire entendre au ministère de l'intérieur : entre les gares de RER de Saint-Ouen et de Sevran se trouve celle du Bourget, proche de la cité du Nord située dans la commune de Drancy, dont j'ai été le maire ; cette gare deviendra la deuxième desserte de transports en commun la plus fréquentée en Seine-Saint-Denis, et la troisième en Île-de-France. Or le trafic de drogue y est installé depuis des décennies. Nous n'avons pas la chance d'accueillir des fonctionnaires de la DGSI, ni de défrayer la chronique à la télévision ! Rien n'est donc fait de façon efficace – en tout cas, aucune volonté politique ne va en ce sens – pour assécher, là aussi, le trafic de drogue. Pire, une grande partie du trafic qui a quitté Sevran s'est déplacée dans la cité du Nord, au pied de la gare RER du Bourget. En tant que député, je tiens à en interpeller le Gouvernement : la lutte contre la drogue doit être la même partout, plutôt que de se concentrer là où s'installent des hauts fonctionnaires du ministère de l'intérieur, comme à Saint-Ouen, ou dans les cités où les caméras de télévision se déplacent ; cette lutte doit intervenir là où les gens vivent et où, tous les jours, ils assistent à des trafics qu'ils ne supportent plus.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. La sécurité en Seine-Saint-Denis fait l'objet d'une grande attention de la part du Gouvernement. Depuis le début du quinquennat, 311 policiers supplémentaires y ont été recrutés pour assurer la sécurité de nos concitoyens et lutter contre le trafic de stupéfiants. Cet effort répond à l'engagement du Président de la République de recruter 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires, et le ministre de l'intérieur s'emploie, en ce moment même, à déployer ces effectifs sur le territoire, pour intervenir sur la voie publique et contribuer à la lutte contre la drogue.
En outre, M. Gérald Darmanin a lancé une action forte de lutte contre les trafics de drogue aux deux bouts de la chaîne, du consommateur jusqu'au lieu de
deal. S'agissant des consommateurs, 5 437 personnes avaient été verbalisées en Seine-Saint-Denis au 29 avril, depuis la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle en septembre 2020. S'agissant des points de deal, entre le 1er janvier et le 16 avril 2021, 148 policiers ont été engagés dans 37 opérations de démantèlement, ayant conduit au contrôle de 159 individus et à l'interpellation de 16 personnes. Par ailleurs, un portail de signalement, moncommissariat.fr, a été créé en mars 2021 pour permettre aux citoyens de signaler les lieux de trafic.
Enfin, une attention particulière a été consacrée à la cité du Nord à Drancy : l'activité des services de police a permis d'interpeller six à neuf individus par mois pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Cela ne constitue pas une évolution notable des indicateurs dans ce secteur, mais le ministère de l'intérieur y est vigilant.
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Merci, madame la ministre, de nous avoir communiqué, au nom du Gouvernement, la réponse du ministère de l'intérieur. Puisqu'on lira sans doute notre échange dans ce ministère – et peut-être même à la direction générale de la sécurité intérieure, qui s'installera à Saint-Ouen –, j'insiste sur le fait qu'il n'y a pas eu d'activité policière nouvelle à Drancy – vous l'avez d'ailleurs indiqué vous-même. Seul le commissariat de Drancy, pourtant mal doté en effectifs et en moyens de lutte contre le trafic de drogue, est responsable des interpellations dont vous avez fait état. Je tiens d'ailleurs à l'en remercier. À Saint-Ouen, au contraire, 200 fonctionnaires de police sont venus « nettoyer le terrain » pour préparer l'atterrissage de la direction générale de la sécurité intérieure !
Je ne demande pas 200 fonctionnaires ; je demande simplement que la préfecture de police et le ministère de l'intérieur prennent conscience que l'État ne peut pas, tout à la fois, avoir une ambition forte – et légitime – pour la gare RER B du Bourget, qui concentrera quatre à cinq lignes de transport d'ici à deux ou trois ans, et s'abstenir de lutter pour que les habitants et les milliers de personnes qui fréquenteront quotidiennement ces lieux ne soient ni des nouveaux clients, ni des nouvelles victimes du trafic de drogue. Puisque la direction générale de la sécurité intérieure s'installe en Seine-Saint-Denis, elle doit prendre conscience que les problèmes ne se posent pas seulement au pied de ses bureaux mais aussi à côté, et que des efforts tout aussi importants doivent y être déployés, surtout sur des nœuds de transport majeurs qui attireront des dizaines de milliers de personnes jour après jour, enrichissant les trafiquants s'ils ne sont pas arrêtés d'ici là.