Tarification flexible
Publication de la réponse au Journal Officiel du 26 mars 2019, page 2835
Question de :
M. Vincent Thiébaut
Bas-Rhin (9e circonscription) - La République en Marche
M. Vincent Thiébaut attire l'attention de M. le ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, sur la nécessité d'analyser les coûts et avantages que présente la méthode de tarification flexible - ou yield management - appliquée par la SNCF pour fixer ses tarifs voyageurs, en prenant notamment en compte les objectifs d'une mobilité ferroviaire dont le prix permet l'accessibilité pour le plus grand nombre, et de l'incitation à une mobilité décarbonée en application des engagements de la France contre le changement climatique. La méthode dite de yield management est une méthode de tarification flexible, destinée à maximiser le taux d'occupation du train (ou de l'avion, ou de l'hôtel, etc., selon le domaine dans lequel on l'applique), grâce à des variations de tarifs en temps réel en fonction notamment de la demande. Cette méthode est appliquée par la SNCF, de manière partielle depuis 1993 (lors de l'abandon de l'ancienne tarification kilométrique), et pleinement depuis 2007. Elle est mise en œuvre par des analystes dont le travail est dédié à ce sujet, au sein du Centre d'optimisation commerciale de la SNCF. On peut penser qu'elle ne constitue pas le système le mieux adapté au regard des objectifs du service public de transport ferroviaire de voyageurs. Cette méthode répond en effet à l'objectif suivant : remplir les trains, et maximiser le prix payé pour chaque place achetée, afin d'augmenter les rentrées d'argent pour la SNCF. L'objectif assumé de cette méthode est de faire payer les billets mis en vente le plus cher possible sans dissuader les clients. Cet objectif, compréhensible pour une entreprise à but lucratif, ne paraît pas suffisant pour guider la méthode de tarification appliquée au sein d'une structure de service public. Son application semble contre-productive vis-à-vis des objectifs de service public suivants : permettre aux citoyens de se déplacer en train, à un prix accessible pour tous ; encourager les citoyens à utiliser le train plutôt que l'avion ou la voiture, toutes les fois où la distance et la destination le permettent, pour répondre à l'urgence climatique. En ce qui concerne le premier de ces deux objectifs, on constate au quotidien que le train est souvent inaccessible pour les personnes à revenus modestes. Même les personnes à revenus moyens hésitent à le prendre aux périodes de pointe tant les prix sont élevés. Les billets disponibles à de petits prix ne le sont qu'à condition de réserver extrêmement en avance, ou à des horaires ou pour des destinations peu demandées. En conséquence, renvoyer les personnes à revenus modestes ou moyens aux petits prix offerts par la SNCF revient à leur demander de ne pas prendre le train aux heures de pointe, ni sur les lignes les plus demandées, ou de se tenir aux aguets afin d'acheter les rares places disponibles à prix réduits à l'ouverture des ventes. À titre d'illustration, en raison des conditions de vente de ces places à prix réduits, des usagers sont réduits à guetter l'ouverture des ventes annoncée par la SNCF afin de réserver leur billet le jour de l'ouverture à minuit pile, conscients que le lendemain matin il sera déjà trop tard pour bénéficier de prix favorables. Demander aux usagers de réserver leur billet très en avance est par ailleurs en désaccord avec l'évolution des habitudes des usagers. Les habitudes actuelles de mobilité rendent nécessaire, s'il l'on souhaite proposer aux usagers un service public ferroviaire moderne et attrayant, de pouvoir acheter ou modifier son trajet tardivement sans payer pour autant le prix fort. En ce qui concerne le second objectif évoqué, il n'est pas rare qu'un aller-retour en avion soit moins cher qu'un aller-retour en train, pour aller par exemple dans le sud de la France depuis Paris, ou dans un pays voisin proche. C'est incohérent au regard de la lutte contre le changement climatique, immense défi auquel il nous revient de répondre aujourd'hui. Enfin, de nombreux citoyens trouvent ce système de tarification opaque: ils sont agacés par les prix des billets imprévisibles, souvent très élevés, et voient dans la tarification appliquée un manque de transparence. En conséquence, il lui demande si une réflexion pourrait être engagée afin d'étudier si les avantages de la tarification flexible sont réellement suffisants pour contrebalancer les inconvénients exposés ci-dessus, et dans le cas contraire, si un dialogue pourrait être engagé avec la SNCF en vue de l'inciter à envisager une nouvelle politique tarifaire incitant davantage les citoyens à prendre le train.
Réponse publiée le 26 mars 2019
Le yield management est aujourd'hui mis en place par la SNCF pour la vente des billets TGV. Pour ces liaisons, qui ne relèvent pas d'une autorité organisatrice, la SNCF dispose en effet d'une liberté de fixer ses tarifs. La liberté de gestion commerciale et tarifaire octoroyée à la SNCF a ainsi permis, par exemple, le déploiement d'une offre TGV à prix réduits (TGV low cost OUIGO), avec des tarifs d'accès aux services grandes vitesse très accessibles. Devant le succès croissant de cette nouvelle offre, SNCF Mobilités n'a cessé d'accorder une part de plus en plus significative à ce modèle dans sa stratégie commerciale et prévoit d'accorder une part de plus en plus significative à ce modèle dans sa stratégie commerciale et prévoit, à l'horizon 2020, que le trafic OUIGO représente environ 25 % des trafic grande vitesse. Le Gouvernement est naturellement particulièrement attentif à ce que des tarifs attractifs et compétitifs rendent le train accessible au plus grand nombre, y compris en période de plus forte demande. Un bilan tarifaire est d'ailleurs dressé chaque année par la SNCF Mobilités, permetant à l'État d'assurer un suivi des prix pratiqués par l'opérateur sur les services TGV et trains d'équilibre du territoire (TET). Il apparaît notamment que le prix moyen d'un voyage a diminué, entre 2012 et 2017, de 5,9 % sur les services TGV et de 5 % sur les services TET. Loin de réduire l'usage des trains par les Français et d'augmenter les prix des billets, le yield management aura ainsi permis d'attirer vers le train des passagers qui auraient voyagé sinon sur d'autres modes ou à un prix plus élévé. Pour les autres relations, c'est l'autorité organisatrice qui fixe la politique commerciale. Ainsi, pour les TER (Transport express régional), le principe de liberté tarifaire des régions a été introduit par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire et mis en œuvre par le décret n° 2016-327. Depuis 2016, dans le cadre des conventions d'exploitation qui les lient à SNCF Mobilités, les régions sont ainsi libres de définir la tarification des services TER qu'elles organisent. À ce jour, aucune région n'a choisi de tarification flexible, les prix des billets restant définis selon un barème kilométrique. En ce qui concerne les TET dont l'État est l'autorité organisatrice, face à une concurrence modale qui s'est accrue, SNCF Mobilités, suivant les préconisations de la commission parlementaire « TET d'avenir », a densifié la tarification flexible sur le réseau des TET afin d'inverser la chute de fréquentation de ces trains. En adaptant le prix de vente des billets aux taux de remplissage des trains, cette politique de yield management, qui a été étendue aux lignes sans réservation obligatoire au printemps 2017, a permis de reconquérir la clientèle en proposant davantage de petits prix.
Auteur : M. Vincent Thiébaut
Type de question : Question écrite
Rubrique : Transports ferroviaires
Ministère interrogé : Transition écologique et solidaire
Ministère répondant : Transports
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 14 janvier 2019
Dates :
Question publiée le 13 novembre 2018
Réponse publiée le 26 mars 2019