Question orale n° 1427 :
Concours des meilleurs ouvriers de France

15e Législature

Question de : M. Philippe Huppé
Hérault (5e circonscription) - Agir ensemble

M. Philippe Huppé alerte M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises, sur l'inquiétude qu'il partage dans le cadre de la réforme du concours des Meilleurs ouvriers de France (MOF). Le titre de MOF, qui représente l'excellence des savoir-faire que recèle le pays, constitue pour les Français un emblème et une fierté. Le concours pour son obtention en assure auprès des citoyens une grande popularité qui contribue notamment à développer leur choix de consommation vers le « fabriqué en France » ou encore à inspirer de nombreux jeunes gens. Cependant, pour des raisons méconnues, l'organisation générale de ce concours est en cours de réforme engagée par le Comité d'organisation des expositions du travail et du concours (COET). La connaissance du projet de réforme que M. le député a, à ce jour, l'inquiète, au même titre que de nombreux professionnels représentants les métiers d'excellence dans le pays. En effet, il serait prévu, notamment pour la 27e édition du concours, de supprimer la catégorie métiers d'art, ce qui le préoccupe particulièrement car ces savoir-faire contribuent tout particulièrement à l'image de l'excellence à la française. Par ailleurs, l'augmentation démesurée du coût du concours pour les candidats, qui passerait de 200 euros à 5 000 ou 6 000 euros au total, lui paraît encore à ce jour tout à fait incompréhensible, rompant de fait avec l'égalité des chances et ne concourant pas pour autant à apporter davantage d'excellence. En outre, la formation envisagée par le COET pour les candidats entre l'épreuve probatoire et l'épreuve finale lui semble sans justification, le principe même du concours étant de sélectionner l'excellence à l'issue de cette première étape. Il souhaite soulever un autre point fondamental : le COET semble soutenir la volonté de changer le qualificatif de « concours » pour le remplacer par « examen ». Il lui semble tout à fait inopportun de vouloir transformer ce qui, aujourd'hui, est reconnu par les professionnels et les Français en général comme un concours d'excellence. Enfin, ce passage d'un concours à un examen pourrait déboucher sur l'obtention du titre MOF hors concours, par le biais d'une validation d'acquis (VAE). C'est pourquoi il souhaite l’interroger sur la suite que le Gouvernement souhaite donner à ce projet de réforme.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021

CONCOURS DES MEILLEURS OUVRIERS DE FRANCE
M. le président. La parole est à M. Philippe Huppé, pour exposer sa question, n°  1427, relative au concours des meilleurs ouvriers de France.

M. Philippe Huppé. Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, l'excellence des métiers français et sa reconnaissance sont un atout pour la France, tant à l'international que dans l'Hexagone. Cette excellence et la confiance qui l'accompagne sont le produit d'un savoir-faire durement acquis pendant de longues années. Nous avons là une illustration de l'idée toute française selon laquelle les plus capables et les plus travailleurs peuvent être reconnus, notamment à travers le titre de meilleur ouvrier de France (MOF). Or j'ai cru comprendre que le comité d'organisation des expositions du travail et du concours (COET-MOF) lancerait une réforme qui changerait profondément la nature de ce dernier. Je n'en mentionnerai que trois aspects, qui en montrent la philosophie.

Pour commencer, le mot « concours » serait remplacé par celui d'« examen ». Ce serait, me semble-t-il, une grave erreur, car il s'agit bien d'un concours puisqu'il vise à reconnaître les meilleurs. Avec un tel changement, c'est toute la méritocratie française qui serait remise en cause, et ce serait regrettable. En France, même si on vient d'un milieu simple, on peut, grâce à l'acquisition patiente d'un savoir-faire, être reconnu comme le meilleur dans son domaine, comme l'élite du monde des métiers manuels. Cette possibilité est fondamentale ; or l'examen casserait cette idée française de méritocratie.

En outre, les frais d'inscription au concours, qui s'élèvent aujourd'hui à quelque 200 euros, augmenteraient jusqu'à 6 000 euros. Entre 200 et 6 000 euros, la différence est énorme et inadmissible : avec le nouveau montant, la participation au concours serait conditionnée au fait d'être assez fortuné, ce qui, là aussi, va à l'encontre de la méritocratie à la française, c'est-à-dire de l'idée que chacun doit pouvoir briguer le titre et concourir.

Enfin, et cela me touche particulièrement, si elle était introduite, cette réforme verrait disparaître du concours certains métiers d'art – des métiers rares, des métiers à petit flux. Or, en 1929, quand le concours des MOF a été créé, il a été précisément conçu pour ces métiers ; il serait triste de les en exclure.

Cette réforme aura-t-elle lieu ? Le concours sera-t-il remplacé par un examen ? Ira-t-on à l'encontre de cette idée généreuse de la République qu'est la méritocratie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Vous le savez, le Gouvernement attache une grande importance au titre de meilleur ouvrier de France, qui promeut l'excellence des savoir-faire à la française. Le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises connaît l'attachement des professionnels de l'artisanat et des métiers à ce concours. Le diplôme d'État proposé par le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports est l'aboutissement d'une longue et difficile préparation pour chaque candidat ; il est surtout une consécration pour ces professionnels et un véritable trésor national en France et à l'étranger.

Dans son discours prononcé à l'occasion de la remise de la galette des rois par un artisan boulanger au palais de l'Élysée, le 13 janvier dernier, le Président de la République a de nouveau affirmé son soutien à cette clé de voûte d'un modèle d'excellence à la française. L'enjeu est de préserver la renommée du diplôme, sans que les coûts d'inscription et de préparation au concours ne deviennent un critère de sélection et d'exclusion. C'est notre conception de l'égalité des chances, et vous avez raison d'en souligner l'importance.

Le ministre délégué est conscient de l'importance de préserver et de développer ce concours dont l'organisation peut encore être améliorée, en particulier en matière de financement. Une mission de l'inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche est en cours et doit faire des propositions pour la bonne organisation du vingt-septième concours et la pérennité, notamment financière, de la structure chargée de son organisation. Le ministre délégué souhaite que ces propositions tracent la perspective d'un modèle économique aussi pérenne qu'accessible, tout en garantissant le maintien d'un très haut niveau d'excellence. Cet objectif est parfaitement partagé par l'ensemble des ministres de Bercy, le Président de la République et le Premier ministre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Huppé.

M. Philippe Huppé. Merci pour votre réponse. N'oublions pas qu'en 1929, on remettait aux MOF la Légion d'honneur. Il serait dommage de ne leur remettre désormais qu'un petit diplôme, qui renverrait à un principe ploutocratique plutôt qu'à la méritocratie !

Données clés

Auteur : M. Philippe Huppé

Type de question : Question orale

Rubrique : Commerce et artisanat

Ministère interrogé : Petites et moyennes entreprises

Ministère répondant : Petites et moyennes entreprises

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2021

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