Question orale n° 1428 :
Gestion des crises agricoles

15e Législature

Question de : M. Patrick Loiseau
Vendée (2e circonscription) - Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés

M. Patrick Loiseau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la gestion des crises. Le Gouvernement est à l'écoute des difficultés des agriculteurs, comme en témoigne la succession des adaptations règlementaires mises en œuvre et le budget conséquent pris sur les finances de l'État pour les calamités agricoles. Des aides sont mobilisées au travers du plan de relance (100 millions d'euros pour l'adaptation au changement climatique). En 2019, la France a connu une succession d'épisodes de gel tardif, de grêle, puis deux épisodes de canicule exceptionnels et l'absence quasi-totale de précipitations pendant 5 mois. En 2020, les agriculteurs ont dû affronter une troisième sécheresse. Début avril 2021, vergers et vignobles ont lutté contre le gel en Vendée. Les nuits des viticulteurs ont été agitées. Le vignoble de Chantonnay, situé dans la deuxième circonscription de Vendée, a été particulièrement impacté. Face à l'urgence, la réponse publique se veut prompte mais on peut néanmoins s'interroger sur l'efficacité des dispositions face à l'importance des enjeux. Le réchauffement climatique entraîne l'émergence de nouveaux dangers et la hausse de ces accidents climatiques est particulièrement pénalisante pour les rendements agricoles et la pérennité de certains agrosystèmes. Ces risques méritent d'être pleinement reconnus, afin de sécuriser des moyens de préventions et d'indemnisation insuffisants pour les producteurs concernés. En France, les outils de gestion des risques se résument à l'assurance récolte au Fonds mutuel sanitaire et environnemental (FMSE) mais aussi à l'indemnisation des calamités agricoles. Ce fonds « calamités » mis en place en 2018 n'a pas indemnisé d'incidents environnementaux et la responsabilité de la lutte contre les grandes épidémies (FCO, grippe aviaire, etc.) reste de la responsabilité de l'État. Malgré les niveaux croissants de subventions publiques de l'État et de l'Union européenne aux contrats d'assurance privée, ce système de prise en charge des risques agricoles non économiques démontre son insuffisance. Les assureurs confirment eux-mêmes le décalage entre les cotisations perçues et les indemnités versées. Quant au système des calamités agricoles, purement national, qui est alimenté par une taxe sur les contrats d'assurance agricole, il n'indemnise pas plus les grandes cultures que la vigne et souffre de délais d'indemnisation souvent très longs. Enfin, dans le règlement européen, les fonds du type ISR (instrument de stabilisation des revenus) n'existent que pour le secteur des fruits et légumes. Il lui demande donc ce que propose le Gouvernement en matière d'amélioration de la gestion des risques en agriculture.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021

GESTION DES CRISES AGRICOLES
M. le président. La parole est à M. Patrick Loiseau, pour exposer sa question, n°  1428, relative à la gestion des crises agricoles. Elle s'adresse, comme les précédentes, au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, que je remercie de répondre si précisément sans lire ses fiches. Cela est suffisamment rare pour être souligné.

M. Patrick Loiseau. Monsieur le ministre, je garde dans mon bureau quelques bouteilles de vin de Mareuil, que je n'ai malheureusement pas pensé à vous apporter aujourd'hui – l'heure me semblait un peu trop matinale. (M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sourit.)

Vous semblez être à l'écoute des difficultés des agriculteurs, comme en témoignent la succession des adaptations réglementaires mises en œuvre et le budget conséquent consacré par l'État à la prise en charge des calamités agricoles. Des aides sont mobilisées au travers du plan de relance, à hauteur de 100 millions d'euros dédiés à l'adaptation au changement climatique.

En 2019, la France a connu une succession d'épisodes de gel tardif et de grêle, puis deux épisodes de canicule exceptionnels et l'absence quasi-totale de précipitations pendant cinq mois. En 2020, les agriculteurs ont dû affronter une troisième sécheresse. En avril dernier, comme vous le savez, vergers et vignobles ont lutté contre le gel. Dans mon département, la Vendée, les nuits des viticulteurs que j'ai rencontrés ont été agitées. Le vignoble de Chantonnay, situé dans ma circonscription, a été particulièrement affecté. Si, face à l'urgence, la réponse publique se veut prompte, on peut néanmoins s'interroger sur l'efficacité des dispositions existantes eu égard à l'importance des enjeux.

Le réchauffement climatique entraîne l'émergence de nouveaux dangers. La multiplication des accidents climatiques est particulièrement pénalisante pour les rendements agricoles et la pérennité de certains agrosystèmes. Ces risques méritent d'être pleinement reconnus, afin de sécuriser les moyens de prévention et d'indemnisation, pour l'heure insuffisants pour les producteurs concernés. En France, les outils de gestion des risques se résument à l'assurance récolte proposée par le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) et à l'indemnisation des calamités agricoles. Le fonds créé en 2018 pour prendre en charge ces dernières n'a pas accordé d'indemnisation à la suite d'incidents environnementaux, et la responsabilité de la lutte contre les grandes épidémies reste du ressort de l'État. Malgré les niveaux croissants de subventions publiques accordées par l'État et l'Union européenne aux contrats d'assurance privée, ce système de prise en charge des risques agricoles non économiques démontre son insuffisance. Les assureurs confirment eux-mêmes le décalage entre les cotisations perçues et les indemnités versées.

Quant au système d'indemnisation des calamités agricoles, purement national alimenté par une taxe sur les contrats d'assurance, il n'indemnise pas plus les grandes cultures que la vigne et accuse souvent de très longs délais de versement aux exploitations. C'est d'ailleurs ce que m'ont confirmé les viticulteurs de ma circonscription. Enfin, la réglementation européenne prévoit que les fonds comme l'ISR – instrument de stabilisation des revenus – ne s'appliquent qu'au secteur des fruits et légumes.

Ma question est donc simple : que propose le Gouvernement, dont je sais qu'il a déjà beaucoup travaillé sur ce thème, pour améliorer la gestion des risques en agriculture ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Trouver une solution pour améliorer la gestion des risques constituera probablement l'enjeu le plus important des mois à venir. Mettons-nous à la place des jeunes agriculteurs – en gardant à l'esprit que la moitié des exploitants partiront en retraite au cours des cinq prochaines années et qu'il faudra donc les remplacer : alors qu'il leur faudra déjà s'endetter pour reprendre une exploitation, ils devront vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, à savoir la crainte de perdre une à deux années de production sur cinq du fait de potentiels aléas liés au changement climatique. Cette situation devient ingérable. L'améliorer constitue donc un des principaux défis à relever – peut-être même le plus important.

Quelles sont les solutions possibles pour y faire face ? Dans ce secteur, l'assurance est pour l'heure beaucoup moins développée en France que dans d'autres pays : elle couvre 30 % des grandes cultures et des vignes, 6 % des surfaces arboricoles et seulement 1 % des prairies.

Vous l'avez dit, plusieurs dispositifs existent, comme le régime des calamités agricoles – auquel, toutefois, certains secteurs, notamment ceux que l'on qualifie d'assurables, ne sont pas éligibles –, l'assurance récolte et, parfois, le FMSE que vous avez mentionné.

Plusieurs acteurs estiment qu'il faut changer certains critères, ce que l'on essaie de faire depuis dix ans, en considérant que cela pourrait même rendre le système plus attractif, ce qui entraînerait une augmentation du nombre de cotisants, donc une réduction des cotisations.

Après avoir beaucoup travaillé sur cette question, j'estime qu'en réalité ce n'est pas la bonne solution. D'une part, les 30 % d'assurés, qui sont assez représentatifs de l'ensemble des agriculteurs, sont déjà confrontés, comme vous l'avez indiqué, à un régime déficitaire ; d'autre part, ce n'est pas en modifiant légèrement le périmètre de l'assurance récolte que l'on parviendra à la développer de façon plus satisfaisante.

Il faut donc, premièrement, repenser totalement le système en ayant une ambition beaucoup plus forte, en imaginant des dispositifs de coassurance et de réassurance, dans la lignée d'ailleurs de ce que propose votre collègue Frédéric Descrozaille que j'ai mandaté sur le sujet.

Deuxièmement, il faut partir du principe que le monde agricole n'est pas en mesure de financer un tel projet à lui seul, que ce soit sur son budget propre ou sur celui de la politique agricole commune (PAC). Il faut donc accepter l'idée que la solidarité nationale doit être mise à contribution pour accompagner le secteur agricole, ce qui me semble légitime car il y va de la souveraineté de notre pays.

Il n'y a pas de pays fort sans agriculture forte, il n'y a pas d'agriculture sans agriculteurs et ces derniers doivent disposer d'un filet de sécurité.

M. le président. La parole est à M. Patrick Loiseau.

M. Patrick Loiseau. Comme me l'ont suggéré les viticulteurs de mon département, ne serait-il pas préférable, notamment face aux épisodes de gel – puisque le dérèglement climatique va évidemment, et malheureusement, se poursuivre –, de mettre en place des mesures préventives plutôt que des mesures de remboursement a posteriori ? J'imagine, monsieur le ministre, que vous avez déjà eu cette idée.

M. Julien Denormandie, ministre. Oui, il faut faire les deux !

Données clés

Auteur : M. Patrick Loiseau

Type de question : Question orale

Rubrique : Agriculture

Ministère interrogé : Agriculture et alimentation

Ministère répondant : Agriculture et alimentation

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2021

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