attractivité de l'enseignement supérieur français
Question de :
M. Jean-Michel Clément
Vienne (3e circonscription) - Libertés et Territoires
Question posée en séance, et publiée le 22 novembre 2018
ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour le groupe Libertés et territoires.
M. Jean-Michel Clément. J'associe à ma question mon collègue M'Jid El Guerrab.
Monsieur le Premier ministre, vous vous êtes rendu lundi dernier aux rencontres universitaires de la francophonie, où vous avez dévoilé votre stratégie d'attractivité pour les étudiants internationaux. En même temps, les bonnes feuilles d'un rapport de la Cour des Comptes portant sur les droits d'inscription dans l'enseignement supérieur public nous sont parvenues. Curieuse coïncidence ! La réponse est la même : la hausse des droits d'inscription serait la meilleure solution pour assainir les finances des universités et pour assurer leur développement à l'international.
Oui, la France doit gagner la bataille de l'influence économique et culturelle en promouvant la francophonie, notre mode de vie et nos valeurs. Pour gagner cette bataille, nos universités doivent continuer à accueillir de nombreux étudiants étrangers. Or le nombre de ces derniers décroît depuis cinq ans, alors que d'autres renforcent leur attractivité. Votre stratégie est ambitieuse, cela a été dit tout à l'heure, puisqu'elle vise à accueillir 500 000 étudiants d'ici à 2027.
Pour y parvenir, il faut des moyens financiers. Ces moyens, c'est, selon vous, aux universités françaises de se les procurer. Vous avez donc décidé, sans concertation avec les représentants des universités, d'augmenter les droits d'inscription des étudiants internationaux extracommunautaires.
Pour gagner en attractivité, vous assumez de perdre en solidarité. Or, ce faisant, vous prenez deux risques : voir chuter les flux d'étudiants étrangers et accroître l'exclusion des étudiants étrangers pour des raisons économiques.
M. Boris Vallaud. Eh oui !
M. Jean-Michel Clément. Quelle curieuse conception de la coopération, du développement et de la francophonie que d'interdire de fait aux étudiants étrangers, pour moitié originaires d'Afrique, de rejoindre la France pour compléter leur formation…
M. Sylvain Maillard. Pour ceux qui en ont les moyens.
M. Jean-Michel Clément. …et contribuer demain au développement de leurs pays ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LT et SOC.)
Mes interrogations sont simples : laisserez-vous aux universités la liberté de négocier des accords bilatéraux en vue de poursuivre les coopérations existantes ? Qu'en sera-t-il des cursus en cours pour ces étudiants extracommunautaires ? Ouvrirez-vous la voie à une libéralisation plus large des droits ?
Enfin, la hausse des frais d'inscription pour les étudiants étrangers ne préfigure-t-elle pas l'augmentation des droits d'inscription des étudiants en France ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et SOC.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, je vous remercie de votre question, car elle me permet de préciser un certain nombre de points, qui doivent l'être après que les annonces que nous avons faites, avec Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et M. le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ont suscité des questions. Peut-être même des rumeurs ont-elles circulé.
Je voudrais d'abord dire les choses de la façon la plus claire possible. Nous avons annoncé, s'agissant des étudiants étrangers extra-européens, un plan visant à développer l'attractivité de l'enseignement supérieur français, c'est-à-dire permettant d'attirer plus d'étudiants extra-européens en France et de développer les formations françaises, la présence des écoles et des universités françaises à l'extérieur de l'Europe.
Dans ce plan, il est vrai, figure notamment la mesure – mais il en comprend beaucoup d'autres – que vous avez évoquée, celle qui consiste, pour les étudiants extracommunautaires qui sont en mesure de le faire, à payer, à hauteur d'un tiers, le coût de leur formation. C'est vrai, cela représentera pour eux une augmentation des frais de scolarité.
Évidemment, les universités et les écoles resteront maîtresses de la façon dont elles décident des exonérations, et elles pourront continuer à entretenir des coopérations avec leurs homologues à l'étranger. L'augmentation de ces frais ne sera imposée qu'aux étudiants qui arrivent en France et pas à ceux qui y poursuivent déjà leur scolarité. Tout cela a déjà été annoncé ; vous me permettez de le dire, monsieur le député, avec plus de précision encore. Je vous en remercie.
Par ailleurs, la Cour des comptes a, je crois – je dis je crois, car je n'en ai pas été destinataire – rédigé un rapport. Mais enfin, il se trouve que la presse l'a eu ; elle en a fait état, et c'est très bien ainsi, sans doute. La presse, donc, fait état d'un rapport de la Cour des comptes, qui inviterait le Gouvernement à augmenter les frais d'inscription pour les étudiants français. Je vais vous dire les choses d'une façon très claire, monsieur le député : en général, et de façon systématique, dirai-je même, depuis le début du quinquennat, lorsque je veux annoncer une réforme, y compris difficile, je le dis clairement. Clairement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Je le dis ainsi, y compris quand ladite réforme est peu populaire.
Avec la même clarté et la même précision, je veux vous dire qu'il n'est dans les projets ni de la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, ni du Gouvernement, de procéder à cette augmentation pour les étudiants français ou européens. Cette invitation qui aurait, paraît-il, été lancée au Gouvernement par la Cour des comptes restera donc une invitation à laquelle nous ne donnerons pas suite. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)
Auteur : M. Jean-Michel Clément
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Enseignement supérieur
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 22 novembre 2018