15ème législature

Question N° 1429
de M. Jean-Luc Lagleize (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > espace et politique spatiale

Titre > Stratégie spatiale française

Question publiée au JO le : 04/05/2021
Réponse publiée au JO le : 16/06/2021 page : 5043

Texte de la question

M. Jean-Luc Lagleize attire l'attention de Mme la ministre des armées sur la nécessité d'accélérer la stratégie spatiale française de défense à l'aune de la crise économique consécutive de la pandémie. Depuis 2017, Mme la ministre a su adapter le ministère régalien dont elle a la charge aux défis auxquels la France fait face en ce début de XXIe siècle. Parmi ces défis qui engagent les forces armées figure au premier chef la militarisation de l'espace. Si l'espace fait rêver, surtout en ce moment avec la mission Alpha à laquelle participe avec brio le Français Thomas Pesquet, il est aussi devenu un lieu de confrontation de plus en plus militarisé, et donc un véritable enjeu de souveraineté stratégique pour le pays. Au travers du commandement de l'espace qui vient de voir le jour à Toulouse (doté de 500 personnes d'ici à quatre ans) et de la transformation de l'armée de l'air en armée de l'air et de l'espace, la stratégie spatiale française de défense monte progressivement en puissance. Les partenaires européens et internationaux de la France reconnaissent d'ailleurs son ambition et ses capacités, puisque l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN) a également retenu la ville de Toulouse pour l'accueil d'un centre d'excellence exclusivement dédié à l'espace. Ce choix est logique puisque Toulouse possède un écosystème spatial unique en Europe et une expertise hors du commun, tant privée que publique, civile et militaire, mais aussi industrielle et académique. Ceci grâce au Centre national d'études spatiales (CNES), au Space Lab, aux industriels, aux start-up, aux universités et aux centres de recherche. Ce choix permet ainsi à cette région de préserver sa vocation aérospatiale dans un contexte de très grande fragilité, puisque la crise sanitaire de la covid-19 a porté un coup d'arrêt au secteur aérien, et par conséquent, à toute l'industrie aéronautique de Toulouse, d'Occitanie et de la France entière. Les fleurons industriels sont à la peine et ils vont accélérer dans les mois à venir le licenciement de nombreux salariés qui disposent pourtant de compétences technologiques de pointe, développées au fil des années. On ne peut pas abandonner ces salariés et leur expertise inestimable. Nombre d'entre eux comptent d'ailleurs sur Mme la ministre pour lancer un grand plan de recrutement qui leur permettrait de se reconvertir au service du ministère des armées, que ce soit en tant que pilotes, ingénieurs, spécialistes de la cybersécurité et de la souveraineté numérique, mais aussi et surtout en tant qu'experts du spatial. M. le député est certain que ces compétences seraient particulièrement utiles pour renforcer les moyens de surveillance, pour protéger les satellites et pour doter la France de véritables capacités d'auto-défense et d'autonomie dans l'espace. Dans ce contexte de crise sanitaire, il l'interroge sur ses intentions pour accélérer la stratégie spatiale française de défense grâce aux compétences des salariés du secteur aérospatial aujourd'hui à l'arrêt.

Texte de la réponse

STRATÉGIE SPATIALE FRANÇAISE


M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Lagleize, pour exposer sa question, n°  1429, relative à la stratégie spatiale française.

M. Jean-Luc Lagleize. Ma question s'adresse à Mme Florence Parly, ministre des armées, et porte sur l'accélération de notre stratégie spatiale de défense à l'aune de la crise économique consécutive à la pandémie. Depuis 2017, Mme la ministre a su adapter le ministère régalien dont elle a la charge aux défis auxquels la France fait face en ce début de XXIe siècle.

Parmi ces défis qui engagent nos forces armées figure au premier chef la militarisation de l'espace. Si l'espace fait rêver – surtout en ce moment, grâce à la mission Alpha à laquelle participe avec brio notre compatriote Thomas Pesquet –, il est aussi devenu un lieu de confrontation de plus en plus militarisé, donc un véritable enjeu de souveraineté stratégique pour notre pays. La création du commandement de l'espace, qui vient de voir le jour à Toulouse – il emploiera 500 personnes d'ici à quatre ans –, et la transformation de l'armée de l'air en armée de l'air et de l'espace montrent que la stratégie spatiale française de défense monte progressivement en puissance.

Nos partenaires européens et internationaux reconnaissent d'ailleurs notre ambition et nos capacités, puisque l'Organisation du traité de l'Atlantique nord, l'OTAN, a également retenu la ville de Toulouse pour accueillir un centre d'excellence exclusivement dédié à l'espace. Un tel choix est logique puisque Toulouse possède un écosystème spatial unique en Europe et une expertise hors du commun, tant privée que publique, civile et militaire mais aussi industrielle et académique, grâce au Centre national d'études spatiales (CNES), au Spacelab, aux industriels, aux start-up, aux universités et aux centres de recherche dont elle dispose.

La sélection de Toulouse par l'OTAN permet ainsi à notre région de préserver sa vocation aérospatiale dans un contexte de très grande fragilité, puisque la crise sanitaire de la covid-19 a porté un coup d'arrêt au secteur aérien et par conséquent à l'industrie aéronautique de Toulouse, d'Occitanie et de la France entière. Nos fleurons industriels sont à la peine, et ils vont accélérer dans les mois à venir le licenciement de nombreux salariés qui disposent pourtant de compétences technologiques de pointe, développées au fil des années.

Nous ne pouvons pas abandonner ces salariés et leur inestimable expertise. Nombre d'entre eux comptent d'ailleurs sur vous pour lancer un grand plan de recrutement qui leur permettrait de se reconvertir au service du ministère des armées, en tant que pilotes, ingénieurs ou spécialistes de la cybersécurité et de la souveraineté numérique, mais aussi et surtout en tant qu'experts de l'aérospatial.

Je suis certain que ces compétences seraient particulièrement utiles pour renforcer nos moyens de surveillance, pour protéger nos satellites et pour doter la France de véritables capacités d'autodéfense et d'autonomie dans l'espace. Madame la ministre déléguée, dans le contexte de crise sanitaire que nous connaissons, ma question est simple : comptez-vous faire accélérer la stratégie spatiale française de défense en vous appuyant sur les compétences des salariés du secteur aérospatial, aujourd'hui à l'arrêt ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Je vous prie d'abord d'excuser l'absence de Florence Parly mais aussi de Bruno Le Maire, puisque leurs ministères respectifs partagent les compétences spatiales et de défense. Votre intervention pose avec justesse la question de l'usage militaire de l'espace, et il est clair que la politique spatiale française et européenne ne peut plus faire abstraction de cette dimension.

Le 13 juillet 2019, le Président de la République a annoncé le lancement de la stratégie spatiale de défense. Celle-ci doit mettre la France à la pointe des nouvelles technologies spatiales de défense, notamment en matière de systèmes satellitaires, et lui permettre de maintenir son rang de leader historique en Europe, ainsi que celui de l'Europe dans le monde.

Si les capacités d'observation et de communication par satellite sont utilisées depuis des années, de nouveaux usages de l'espace apparaissent et la France se doit d'en anticiper la maîtrise. C'est là un enjeu de souveraineté, de technologie mais aussi d'emploi et de compétences.

L'écosystème aéronautique et spatial de Toulouse, leader mondial dans ce domaine, joue à ce titre un rôle essentiel et la priorité du Gouvernement depuis le début de la crise a été de préserver ses savoir-faire et ses compétences. Tout d'abord, le dispositif d'activité partielle longue durée permet de maintenir les emplois le temps de la crise, alors que le secteur aéronautique est particulièrement affecté. De nombreux accords ont été signés chez les grands donneurs d'ordres, comme Safran, mais aussi au sein de la chaîne des sous-traitants, comme Daher.

Ensuite, les plans de relance du secteur spatial et du secteur aéronautique, qui représentent respectivement 500 millions et 15 milliards d'euros, visent précisément à soutenir les investissements, à maintenir les compétences et à préparer l'avenir en fournissant des efforts massifs en recherche et développement. Les équipes d'ingénieurs et de recherche et développement (R&D), qui pourraient être privées de projets de recherche dans le moment particulier que nous traversons, voient ainsi leurs compétences utilisées. Ce sont 270 projets aéronautiques qui ont déjà été financés par 200 millions d'euros d'aides publiques, grâce au soutien du fonds de modernisation de la filière aéronautique, et nous annoncerons dans les prochains jours une importante nouvelle vague de lauréats.

Nous ne relâchons pas les efforts consentis pour que la filière sorte de la crise modernisée et plus innovante et pour qu'elle soit à l'avenir capable de répondre aux défis auxquels elle fait face, tant d'ailleurs dans le domaine spatial que dans celui de l'aéronautique – en particulier le transport aérien connecté et la décarbonation des modes de transports concernés.

Vous demandez plus spécifiquement le recrutement d'une expertise aéronautique et spatiale au service des forces armées. Cette requête a été soumise à la ministre des armées ; compte tenu des décisions récentes prises en matière spatiale, notamment l'installation d'un commandement de l'espace, je ne doute pas qu'elle retiendra toute son attention.