15ème législature

Question N° 1432
de Mme Mathilde Panot (La France insoumise - Val-de-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi et insertion
Ministère attributaire > Travail, emploi et insertion

Rubrique > transports urbains

Titre > Répression syndicale à la RATP

Question publiée au JO le : 04/05/2021
Réponse publiée au JO le : 16/06/2021 page : 5031

Texte de la question

Mme Mathilde Panot alerte Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion sur la scandaleuse répression que subissent depuis plus d'un an les salariés de la RATP. Depuis les mobilisations contre la réforme des retraites en 2019, les salariés de la RATP subissent pressions, intimidations et répressions disciplinaires en cascade. Depuis un an, la direction de la RATP a engagé 540 constats d'huissiers et plus de 120 demandes d'enquêtes internes, soit 120 entretiens disciplinaires potentiels. Parmi les salariés visés, un représentant syndical, Alexandre El Gamal, au centre bus de Vitry, et un élu mandaté au centre bus de Flandre, Ahmed Berrahal, sont menacés de licenciement. Pour le cas d'Alexandre Al Gamal, dont la RATP demande la révocation et qui ne faisait que revendiquer un droit constitutionnel de participation à une grève, l'inspection du travail, a établi le 22 novembre 2020 après une enquête que la révocation de M. El Gamal n'avait pas lieu d'être. M. Berrahal subit un acharnement aussi de la part de la direction de la RATP pour avoir osé dénoncer des violences sexistes et sexuelles à la RATP. Il a mis la direction face à ses responsabilités en envoyant la main courante d'une salariée faisait état d'une agression sexuelle par un supérieur hiérarchique. Pourtant, ce n'est pas ce responsable hiérarchique qui fait aujourd'hui l'objet de sanctions, mais bien M. Ahmed Berrahal pour avoir fait son travail syndical et dénoncé ces violences sexistes et sexuelles ! Mme la députée rappelle à Mme la ministre qu'il est inadmissible que la RATP s'acharne sur ces salariés et mène une telle répression syndicale. La période de crise sanitaire, économique et sociale appelle à davantage de vigilance en matière de protection des salariés et des droits syndicaux qui n'ont pas à être bafoués de la sorte avec la bénédiction du ministère du travail. Elle lui demande sa position sur ce sujet.

Texte de la réponse

RÉPRESSION SYNDICALE À LA RATP


M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot pour exposer sa question, n°  1432, relative à la répression syndicale à la RATP.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le secrétaire État chargé des retraites et de la santé au travail, il est des violations de la loi sur lesquelles on ne vous entend pas.

Silence quand la RATP met en place des fichiers illégaux pour pister les syndicalistes, les agents malades ou les grévistes, mais la RATP a visiblement le droit de ne pas respecter les lois.

Silence quand la RATP sanctionne de mises à pied sans salaire Patrick, François, Yassine, et Ahmed uniquement parce qu'ils faisaient grève contre votre odieuse réforme des retraites.

Silence quand la RATP décide de révoquer Alexandre El Gamal, l'un des principaux leaders syndicaux CGT, là encore pour fait de grève. L'inspection du travail a pourtant déclaré son licenciement illégal, mais la RATP a visiblement le droit de bafouer le droit constitutionnel de grève et le droit du travail.

On savait déjà que la RATP se considérait au-dessus des lois, mais à présent sa direction franchit un nouveau seuil dans la répression féroce qu'elle mène contre les syndicalistes et toutes celles et ceux qui défendent leurs droits.

Hier, Ahmed Berrahal, syndicaliste CGT et référent harcèlement, comparaissait devant un conseil de discipline pour des sanctions pouvant aller jusqu'au licenciement. Son tort ? Avoir dénoncé un cas d'agression sexuelle sur une de ses collègues. Pensez-vous que la RATP aurait convoqué l'agresseur sexuel ? Non, pas du tout. L'entreprise a préféré poursuivre Ahmed, celui qui a lancé l'alerte. Mieux : elle a dépensé 50 000 euros en frais d'avocat pour justifier ses accusations bidon.

Monsieur le secrétaire État, j'aurais aimé que vous entendiez, hier, les témoignages de ces femmes courageuses qui ont osé briser le silence pour que, enfin, la honte change de camp.

Je pense à cette femme, défendue par Ahmed, à qui on a touché les seins et qui a été embrassée de force, ou à Christelle, qui a été agressée sexuellement à la fin de son service par deux collègues, il y a trois ans. Ce jour-là, dit-elle, elle s'est fait voler sa dignité. Ses deux agresseurs ont-ils été sanctionnés ? Non, l'affaire a été classée et, en plus, c'est elle qui a dû changer de dépôt.

Vous auriez aussi pu entendre le témoignage de N'dylia qui, deux semaines après avoir annoncé à son chef qu'elle était enceinte, a été licenciée. Le motif ? Elle aurait écrasé un cycliste avec son bus. Après cinq mois de calvaire à se battre pour la vérité, elle a fait une fausse couche et perdu ses jumeaux. La RATP a ensuite reconnu qu'elle avait menti, que N'dylia n'avait écrasé personne et elle lui a proposé, comme si de rien n'était, de réintégrer l'entreprise. J’aurais aimé que vous entendiez hier cette femme expliquer comment on l’a détruite en tant que mère et en tant que femme.

Toutes ces femmes ont été défendues et accompagnées par Ahmed Berrahal. À la suite de sa convocation devant le conseil de discipline, trente et une femmes ont pris la parole pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans l'entreprise. Mais la RATP préfère faire taire celui qui lance l'alerte et défend ses collègues.

Et vous, au Gouvernement, vous ne dites toujours pas un mot. Ah, elle est belle, la grande cause du quinquennat, l'égalité entre les femmes et les hommes !

Monsieur le secrétaire État, j'ai un premier scoop pour vous : Élisabeth Borne est aujourd'hui ministre du travail ; elle n'est plus PDG de la RATP. Et j'en ai un deuxième : Ahmed, Alex et tous les autres sont des syndicalistes, pas des délinquants. Celles et ceux qui, comme eux, s'engagent pour les autres et pour la défense de nos droits collectifs sont l'honneur de notre République.

Ma question est simple : quand allez-vous enfin agir face à cette entreprise voyou ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État chargé des retraites et de la santé au travail. Permettez-moi tout d'abord de mettre de côté la tonalité volontiers polémique de votre interpellation. Je vais vous apporter quelques éléments de réponse précis concernant les situations que vous avez évoquées, notamment celles de deux salariés de la RATP.

Tout d'abord, M. Alexandre El Gamal, machiniste receveur, salarié depuis 2006, qui exerce un mandat de membre de la délégation du personnel au comité social et économique (CSE) ainsi que de membre du comité de groupe, a fait l'objet d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif disciplinaire, adressée à l'inspection du travail le 28 septembre 2020. Vous avez d'ailleurs vous-même rappelé que cette demande avait fait l'objet d'un refus de l'inspection du travail du Val-de-Marne, le 23 novembre.

Mme Mathilde Panot. Tout à fait !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État . Le 21 janvier 2021, la RATP a alors formé – c'est une possibilité qui lui est offerte – un recours hiérarchique, lequel a fait l'objet d'une instruction par la direction générale du travail qui donnera lieu à une décision ministérielle, notifiée aux parties, dans les prochains jours. Cette instruction, qui portait sur la légalité de la décision de l'inspection du travail, la procédure suivie et les griefs formulés à l'encontre du salarié, garantit un examen approfondi de la situation et a d'ailleurs permis d'examiner l'ensemble des aspects de l'affaire.

J'en viens au second salarié que vous avez évoqué, M. Ahmed Berrahal. Une procédure a été engagée à son encontre pour comportement fautif. Elle vient de débuter par la tenue de la commission de discipline interne à la RATP, ce lundi 10 mai, et il appartiendra au responsable du centre RATP concerné de prendre une décision. S'il donne suite à la procédure, vous le savez, le CSE, puis l'inspection du travail, devront à leur tour être saisis. La procédure étant en cours, vous n'attendez pas de moi que je commente cette situation.

Quoi qu'il en soit, l'inspection du travail comme la direction générale du travail instruiront l'ensemble de ces dossiers avec la même rigueur, cela est vrai en particulier qu'il s'agisse de la première procédure ou de la seconde – je crois que vous en conviendrez.

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Je ne vous ai pas entendu sur les fichiers illégaux, ce qui aurait pourtant été assez intéressant.

Nous verrons en effet comment ces procédures suivent leur cours. J'ai tout de même l'impression que le Gouvernement ne dit rien à propos des violations de la loi commises par la RATP.

La réalité, c'est que les syndicalistes de la RATP ont été à l'avant-garde de la lutte contre la réforme des retraites et que l'ouverture à la concurrence, qui va pénaliser les salariés et les usagers, est une grosse échéance. C'est bien pratique de faire peur à toute la contestation. Cela permet d'éviter que les gens se mobilisent pour leurs droits. Voilà l'objectif visé par la RATP avec sa répression féroce. Je le dis ici : nous ne vous laisserons pas faire.