Question orale n° 1433 :
Régularisations de charges

15e Législature

Question de : M. Stéphane Peu
Seine-Saint-Denis (2e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine

M. Stéphane Peu alerte Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur la nécessité d'encadrer davantage les régularisations de charges des bailleurs HLM, notamment dans le contexte actuel de grande fragilisation sociale de nombreuses familles. Il souhaite connnaître sa position sur ce sujet.

Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021

RÉGULARISATION DES CHARGES
M. le président. La parole est à M. Stéphane Peu, pour exposer sa question, n°  1433, relative à la régularisation des charges.

M. Stéphane Peu. Si j’osais un jeu de mots, je dirais qu'il y a actuellement dans ma circonscription de l'eau dans le gaz entre certains locataires de plusieurs cités HLM et leur bailleur, une grande société anonyme bien connue qui s'appelle LogiRep. Ces ménages, qui subissent déjà des conditions de logement difficiles entre les incivilités, les pannes d'ascenseur, les trafics en tout genre, viennent de recevoir des régularisations de charges d'eau que l'on pourrait juger farfelues si elles n’avaient des conséquences potentiellement dramatiques sur certaines familles : 500, 2 000, jusqu'à 6 000 euros pour la seule année écoulée ! Cette régularisation a été notifiée sans justification, sans vérification préalable à des familles qui subissent déjà de plein fouet la crise sanitaire et sociale.

On aurait pu espérer que cette crise conduise à se comporter, comme le font heureusement beaucoup d'organismes, avec un peu de compassion et de responsabilité auprès de familles déjà en difficulté. Mais, comme si cela ne suffisait pas, et en dépit de la loi, le bailleur s'est empressé d'envoyer des lettres de relance exigeant le paiement sans délai des sommes réputées dues, et même des commandements de payer sous dix jours par voie d’huissier de justice sous la menace d'une expulsion qui s'ajouterait à d'autres difficultés, chômage partiel ou encore licenciement.

Plusieurs familles ont fait le choix de payer. Parmi elles – je le signale car je les ai rencontrées –, il y a des personnels de santé mobilisés jour et nuit dans la lutte contre le covid-19 et qui ont dû s'endetter pour payer ces régularisations d’eau totalement farfelues. D'autres, incapables d'avancer de telles sommes ou d'emprunter, se sont constituées en collectif pour dénoncer les agissements du bailleur et exiger des explications. Ces factures d'eau ne correspondent en rien à leur consommation habituelle ; la source du problème proviendrait en réalité d'un problème de changement de compteurs individuels et de mauvais suivis techniques par le bailleur ou ses prestataires. Je suis bien entendu intervenu auprès du bailleur pour exiger des explications et des excuses auprès des habitants, mais cet événement n'est ni anodin ni isolé.

Monsieur le ministre délégué, en vertu de la tutelle qu'exerce le ministère du logement sur les organismes HLM, je vous demande d'intervenir pour que de tels faits ne puissent pas se reproduire. Bien entendu, ce qui est dû est dû, mais il est nécessaire qu'il puisse y avoir de la compréhension, de l'aide et de la présence. Toutefois, je le sais, l'immense majorité des organismes HLM agissent en étant au plus près de leurs locataires et en essayant de les écouter et de trouver les solutions les plus adaptées à la situation, mais ce n'est pas le cas de tous. Dès lors, entendez-vous exercer votre tutelle afin que ces bailleurs adoptent une attitude raisonnable, un minimum compréhensive et solidaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.

M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Vous avez interrogé la ministre déléguée chargée du logement, au nom de laquelle je m'efforcerai donc de vous répondre sur ce sujet délicat.

La régularisation des charges apparaît aujourd'hui parfaitement encadrée par la loi et le règlement : les charges récupérables sont précisées par décret ; la loi précise les modalités d'avance provisionnelle et de régularisation annuelle, telles que prévues par l'article L. 442-3 du code de la construction et de l’habitation. Le système est bien connu et a fait la preuve de sa robustesse.

Actuellement, il n'y a pas de signe qui révélerait un problème particulier lié à la régularisation des charges dans le contexte de la crise sanitaire. Il peut exister des difficultés ici et là, liées à la baisse des ressources, mais celles-ci ne sont pas spécifiques au paiement des charges locatives et englobent aussi le loyer et, d'une manière générale, la capacité des locataires à faire face aux dépenses usuelles et récurrentes.

Par ailleurs, en application de l'article 1345-5 du code civil, les débiteurs peuvent demander un étalement de leur dette sur vingt-quatre mois. Cette décision relève du juge, mais le bailleur social peut accorder lui-même ce type de facilités de paiement.

Enfin, si la régularisation annuelle fait apparaître un écart important entre le montant provisionné et le montant réel des charges dues, le locataire peut engager la responsabilité du propriétaire bailleur et obtenir des dommages et intérêts pour le préjudice qu'il subit du fait de la sous-estimation de la provision.

Le Gouvernement s'est pleinement mobilisé afin que les aides existantes, notamment celles du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, puissent être utilement déployées en faveur des locataires les plus fragiles, et a créé un fonds exceptionnel d'aide aux impayés de loyers pour appuyer le FSL en 2021. De nombreux bailleurs sociaux ont instauré des systèmes de veille pour accompagner leurs locataires ; ils se sont toujours montrés à la fois très humains et très professionnels, dans le respect de leur vocation sociale.

Aussi le Gouvernement fait-il le constat d'une grande implication et d'une grande solidité du système global en son sein. Le sujet très particulier de la régularisation des charges n'apparaît pas devoir faire l'objet d'un traitement spécifique en ce qu'il ne relève pas de problèmes spécifiques liés explicitement à la gestion de crise.

M. le président. La parole est à M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. J’entends bien la réponse du ministre délégué, y compris sur les voies de recours. La plupart des bailleurs HLM agissent avec beaucoup d'humanité et en étant fidèles à leur vocation sociale – nous sommes d’accord là-dessus. C’était une invitation à réagir contre la très petite minorité de bailleurs qui agiraient de manière trop froide, technocratique, sans en mesurer les conséquences dramatiques pour la situation individuelle des familles concernées.

J’ai vu des gens vraiment dans la détresse. Lorsque vous percevez 1 200 euros de salaire et que l’on vous réclame 6 000 euros de charges d'eau, somme par ailleurs invérifiable et totalement indue, vous plongez dans la détresse totale. Si, de surcroît, vous avez perdu votre emploi, comme c'est le cas de beaucoup de personnes en raison de cette crise sociale, c'est absolument terrible. À tout le moins, qu’une consigne soit donnée pour que ces sujets soient traités avec le plus d'humanité possible, afin que tous les bailleurs respectent leur vocation sociale. C'est le cas de la majorité d’entre eux, mais pas de quelques-uns.

Données clés

Auteur : M. Stéphane Peu

Type de question : Question orale

Rubrique : Baux

Ministère interrogé : Logement

Ministère répondant : Logement

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2021

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