15ème législature

Question N° 1434
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Armées
Ministère attributaire > Armées

Rubrique > défense

Titre > Matériels de l'armée de terre

Question publiée au JO le : 04/05/2021
Réponse publiée au JO le : 16/06/2021 page : 5037

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge Mme la ministre des armées sur les conséquences de l'évolution du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels de l'armée de terre et notamment sur la fiabilité, la durabilité et la sécurité des travaux effectués par des entreprises privées, ainsi que sur la qualité des pièces fournies. Il souhaite également avoir des informations sur l'introduction sur site, dans les ateliers de la défense, de personnels de ces entreprises privées, parfois intérimaires, sur des postes de travail tenus auparavant par des emplois publics au savoir-faire reconnu ainsi que sur l'avenir des bases de soutien des matériels et de leur personnel de haute qualité que sont les ouvriers d'État et les agents techniciens fonctionnaires du ministre des armées, notamment le 13ème BSMAT de Clermont-Ferrand dont la restructuration a été annoncée.

Texte de la réponse

MATÉRIELS DE L'ARMÉE DE TERRE


M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour exposer sa question, n°  1434, relative aux matériels de l'armée de terre.

M. André Chassaigne. Ma question s'adresse à Mme la ministre des armées et porte sur l'évolution du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels de l'armée de terre, qui couvre l'ensemble des actions de soutien technique et logistique. Initiée en 2016, la réorganisation du MCO terrestre a été présentée comme une phase de modernisation permettant de gagner en productivité en accroissant la contractualisation avec des opérateurs privés. Leur part de prise en charge passerait de 27 % en 2019 à 40 % en 2024, au détriment des services de la maintenance industrielle de l'État.

L'objectif affiché était d'améliorer la disponibilité et la mobilité du matériel pour s'adapter au rythme des opérations extérieures et à la préparation opérationnelle. Or les conséquences constatées ne sont pas à la hauteur des attentes, notamment en matière de fiabilité, de durabilité et de sécurité des travaux effectués par des entreprises privées, ainsi que de qualité des pièces fournies. Le contrôle du matériel réparé, sous la responsabilité des personnels de l'État, nécessite des reprises récurrentes. Celles-ci seront d'autant plus problématiques sur les véhicules blindés poids lourds, qui doivent offrir toutes les garanties afin d'éviter des pannes en opération.

De plus, l'annonce de la restructuration des bases de soutien du matériel (BSMAT), avec en perspective une baisse des emplois, inquiète à juste raison les ouvriers d'État et les agents techniciens fonctionnaires du ministère des armées. C'est notamment le cas au sein de la 13e BSMAT de Clermont-Ferrand, où le rôle de l'entreprise Arquus ne fait que s'amplifier. On assiste à l'introduction, sur les chaînes de maintenance des ateliers d'État, de personnels d'entreprises privées, parfois intérimaires, souvent sans formation spécifique, qui occupent progressivement des postes de travail tenus auparavant par des agents publics associant compétences techniques, savoir-faire et connaissance du matériel.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement. La ministre des armées, qui ne peut être présente aujourd'hui et vous prie de l'en excuser, m'a demandé de vous transmettre sa réponse. Celle-ci est particulièrement technique ; permettez-moi donc de la lire.

Les spécialistes techniques du ministère des armées, personnels de la direction générale de l'armement et de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, sont et demeurent incontournables dans le développement des équipements de combat et dans leur soutien. Ces équipements offrent des performances de très haut niveau, indispensables à la supériorité de nos forces. Ils sont le fruit d'un long développement et ne sont commandés qu'en série limitée, avec une durée de vie parfois très longue. C'est la raison pour laquelle le ministère des armées entretient en son sein des compétences industrielles pour assurer, sur le long terme, le soutien de ces matériels.

Vous l'avez souligné, monsieur le député, le plan de transformation du maintien en condition opérationnelle des équipements terrestres s'est traduit par un recours accru aux capacités de l'industrie privée, en complément des moyens étatiques. Oui, le Gouvernement vise une réparation de 40 % de maintenance industrielle privée pour 60 % de maintenance industrielle étatique en 2025, alors que le ratio était de 27 % pour 73 % en 2017. Mais, à l'exception de quelques véhicules de la gamme civile, la maîtrise d'ouvrage reste totalement étatique. Il s'agit bien de mieux utiliser nos propres compétences pour permettre une meilleure régénération des matériels. Et les résultats sont là : grâce à ces choix, le parc en immobilisation technique a été réduit de près de la moitié depuis 2016.

Par ailleurs, l'un des principes généraux de ce plan reste d'assurer une capacité d'action étatique pour les matériels d'opération, en particulier ceux engagés en opération. La crise sanitaire a démontré que notre modèle permettait de tirer le meilleur bénéfice de la conjonction entre la puissance de l'industrie et la résilience de la maintenance de nos bases de soutien.

Le ministère des armées est très attaché à l'entretien des compétences clés en matière de maintenance terrestre, tant pour le personnel civil que pour le personnel militaire déployé en opération. En 2016, on avait donc défini une liste de professions qui feraient l'objet de recrutements. Depuis 2017, le ministère a recruté plus de 1 700 ouvriers d'État pour entretenir le vivier de compétences essentielles.

Les bases de soutien du matériel assurent des missions essentielles dans la maintenance industrielle étatique et occupent une place centrale dans le modèle du maintien en condition opérationnelle terrestre. Il n'est donc pas question de restructurer la 13e BSMAT de Clermont-Ferrand.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je vous remercie pour la précision de la réponse. Toujours est-il que – cette interrogation reste en suspens –, dans des ateliers d'État, des techniciens du ministère et des ouvriers d'État sont progressivement remplacés par des personnels privés. Aujourd'hui, des chaînes de maintenance voient arriver des intérimaires, des salariés qui n'ont pas forcément une formation adéquate.

Je cite encore une fois le cas de la 13e BSMAT de Clermont-Ferrand où l'entreprise privée Arquus s'installe au sein des ateliers publics, sur des chaînes de maintenance publique. À la fin, le prix sera peut-être moindre ; la réparation coûtera peut-être moins cher ; le travail sera peut-être exécuté rapidement ; mais les contrôles effectués par les ouvriers d'État et les fonctionnaires techniciens du ministère des armées montrent qu'il y a énormément de malfaçons. Alors qu'on engraisse des entreprises privées, les ouvriers d'État doivent repasser derrière, avec la balayette et la petite pelle, pour faire les réparations et essayer de mettre le matériel à niveau.