15ème législature

Question N° 1435
de M. Hubert Wulfranc (Gauche démocrate et républicaine - Seine-Maritime )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > industrie

Titre > Industrie de la métallurgie en Normandie

Question publiée au JO le : 04/05/2021
Réponse publiée au JO le : 16/06/2021 page : 5039

Texte de la question

M. Hubert Wulfranc interroge M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur la situation des industries normandes de la métallurgie du secteur énergétique qui sont confrontées à des plans sociaux, telles que l'usine Vallourec de Déville-lès-Rouen, spécialisée dans la fabrication de tubes de haute technicité pour les activités pétrolières et gazières ainsi que l'usine Manoir Industries de Pitres qui conçoit et réalise des pièces en aciers spéciaux pour la pétrochimie, le nucléaire, l'armement et le ferroviaire. Si ces sites industriels ont dû faire face à une baisse d'activité liée au report de projets d'investissements dans les secteurs du gaz et du pétrole (Vallourec) ou à des pratiques de fonds d'investissements étrangers intéressés uniquement par la trésorerie de l'entreprise (Manoir industries), il convient de sauvegarder autant faire se peut leur outil industriel et les savoir-faire liés dans ce secteur stratégique. Aussi, il lui demande comment il compte veiller à la préservation d'un maximum d'emplois sur le site Manoir Industries de Pitres et s'il va rester particulièrement vigilant sur le sérieux des projets de reprises ou de reconversions du site Vallourec de Déville-lès-Rouen susceptibles d'intéresser des fonds d'investissements vautours ne portant pas de réel projet industriel.

Texte de la réponse

INDUSTRIES DE LA MÉTALLURGIE EN NORMANDIE


M. le président. La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour exposer sa question, n°  1435, relative aux industries de la métallurgie en Normandie.

M. Hubert Wulfranc. Madame la ministre déléguée chargée de l'industrie, je souhaite vous interroger, avec mes collègues Sébastien Jumel et Jean-Paul Lecoq, sur la situation des industries normandes de la métallurgie et du secteur énergétique.

Ayant subi l'impact de la suspension des projets d'investissement des pays producteurs de pétrole et de gaz liée à plusieurs années de faiblesse des cours des hydrocarbures, le groupe Vallourec a décidé de fermer son site de Déville-lès-Rouen, spécialisé dans la fabrication de tubes de haute technicité sans soudure, afin d'apporter des gages à ses créanciers dans le cadre de la restructuration de sa dette. Au total, 190 salariés seraient licenciés en juin prochain, date de la fermeture du site.

Le groupe Manoir Industries, spécialisé dans la fabrication de pièces en aciers spéciaux pour la pétrochimie, le nucléaire, l'armement et le ferroviaire, dont l'établissement principal est situé à Pitres, est quant à lui placé depuis le 25 février en redressement judiciaire malgré un carnet de commandes satisfaisant, l'actionnaire chinois, seul maître à bord depuis 2020, n'ayant pas investi les sommes pour lesquelles il s'était engagé à l'occasion du rachat du groupe. L'actionnaire a conduit le groupe Manoir Industries à une situation d'assèchement de sa trésorerie. Ce sont ici 438 emplois qui sont menacés.

Ces sites industriels sont stratégiques pour notre souveraineté énergétique. En effet, il convient de maintenir une capacité de production nationale de matériaux en acier de haute technicité pour couvrir nos besoins. Aussi faut-il s'assurer que les offres de reprise actuellement à l'examen maintiennent ou créent un maximum d'emplois, préservent autant de savoir-faire précieux et pérennisent la vocation industrielle des sites.

Déjà, des fonds d'investissement motivés par la recherche de gains faciles et sans réel projet industriel se positionnent sur des sites en recherche de repreneurs, à l'instar du fond Samfi-Invest, lequel convoite Vallourec de Déville-lès-Rouen ainsi d'ailleurs que le site Chapelle d'Arblay de l'entreprise UPM – United Paper Mills – à Grand-Couronne. La vigilance est également de mise pour le groupe Manoir Industries, où l'actionnaire unique a déposé in extremis une offre de continuation gagée sur un apport de 15 millions d'euros, alors même qu'il n'a jusqu'à présent jamais honoré ses engagements financiers.

Si l'État se doit de soutenir les projets industriels les plus crédibles et prometteurs en termes de maintien et de création d'emplois, il doit veiller à écarter les offres opportunistes, visant par exemple à acquérir du foncier à moindre coût pour des opérations spéculatives ou encore à mobiliser de l'argent public, y compris avec des projets industriels, s'éloignant du cœur d'activité historique et dont la viabilité économique ne tiendrait que le temps du versement des subventions, notamment de subventions massives telles que celles liées à la production d'hydrogène renouvelable.

En conséquence, madame la ministre déléguée, veuillez nous rassurer quant à l'intention de l'État vis-à-vis de l'ensemble de ces problématiques de rachat qui se posent à l'échelle haute-normande.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Votre question me donne l'occasion de souligner la spécialisation et les savoir-faire d'exception des industries normandes dans les filières pétrolières, gazières et nucléaires. S'agissant des filières pétrolières et gazières, comme vous le savez, il faut accompagner une transition écologique et c'est aussi l'enjeu sur lequel nous travaillons.

Ce savoir-faire fait partie intégrante de l'histoire industrielle du territoire, et ces industries sont des maillons essentiels et stratégiques dans leur chaîne de valeur. C'est pourquoi le Gouvernement est très vigilant à l'avenir des sites de Vallourec à Déville-lès-Rouen et dans les Hauts-de-France et du groupe Manoir sur tout le territoire, que ce soit à Bouzonville en Moselle, à La Hague et Agneaux dans la Manche ou à Pitres en Seine-Maritime.

Vallourec a subi depuis plusieurs années une situation financière très dégradée, avec un taux d'endettement qui l'empêchait d'engager le moindre investissement. Le Gouvernement, à l'été et à l'automne derniers, avec l'appui du comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), s'est mobilisé pour faciliter les discussions du groupe avec ses partenaires financiers et s'est engagé auprès du groupe via un prêt garanti par l'État. Grâce à cela, la situation financière est assainie, le groupe est désormais en mesure de réinvestir pour gagner de nouveaux marchés, que nous accompagnerons si nécessaire avec le plan France relance.

Nous ne relâchons néanmoins pas notre vigilance, en particulier sur le site de Déville-lès-Rouen, pour lequel la recherche de repreneurs est en cours. Un comité industriel territorial de suivi sous l'égide du préfet s'est encore réuni fin avril.

Le Gouvernement a par ailleurs été particulièrement vigilant à la qualité du dialogue social – je me suis rendue à plusieurs reprises dans les Hauts-de-France et en Normandie –, qui a abouti à un accord majoritaire avec les salariés.

Deux repreneurs ont manifesté leur intérêt. Il reviendra à Vallourec, dans le respect de ses obligations, de se positionner sur le meilleur projet, mais ces projets sont également expertisés par nos soins et nous serons particulièrement vigilants sur leur qualité industrielle, outre l'analyse que nous devons conduire sur les normes environnementales.

S'agissant du groupe Manoir, je veux vous rassurer sur la totale mobilisation du Gouvernement qui, dès le mois d'août dernier, a octroyé un prêt de 15 millions d'euros pour une recherche de repreneurs. Ce prêt a permis d'éviter la liquidation judiciaire du groupe et de ses entités en raison de la défaillance de son actionnaire. Nous avons reçu des offres solides qui permettront de reprendre 160 salariés si elles vont jusqu'au bout, parce que nous avons beaucoup travaillé avec les repreneurs et les donneurs d'ordre.

Nous finançons dans la région Normandie soixante-quinze projets industriels pour un montant de 770 millions d'euros. Cela vaut pour l'ensemble de l'industrie.