15ème législature

Question N° 1444
de Mme Sandrine Mörch (La République en Marche - Haute-Garonne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > professions et activités sociales

Titre > Situation des travailleurs sociaux

Question publiée au JO le : 04/05/2021
Réponse publiée au JO le : 16/06/2021 page : 5050

Texte de la question

Mme Sandrine Mörch interroge M. le ministre des solidarités et de la santé sur la situation des travailleurs sociaux. Depuis le premier jour de la crise sanitaire, il y a près d'un an, ils sont, eux aussi, en première ligne. Pour la plupart, ils sont salariés d'associations à qui les départements ou l'État ont délégué la gestion de l'aide sociale sur le terrain. Il a fallu rassurer, expliquer, traduire et se coordonner. Les travailleurs sociaux ont vu leurs champs d'intervention s'accroître tout en palliant le manque de personnel (personnes à risques, cas contact, cas positifs) et à la complexité de cette crise sans précédent. Pour assurer la continuité pédagogique des plus fragiles, Mme la députée pense à un campement rom à Toulouse, les associations et leurs travailleurs sociaux étaient là. Pour assurer la distribution alimentaire au plus profond des quartiers prioritaires, là encore les travailleurs sociaux ont répondu présent. Ce premier confinement a été extrêmement compliqué à vivre pour eux aussi, ils ont été confrontés à de nouvelles situations dramatiques. L'arrêt brutal de nombreux petits emplois précaires fait que de nombreux travailleurs sociaux ont été, pour la première fois de leur carrière, confrontés à des gens qui avaient faim ! Face à ces situations et au manque de moyens et de ressources ils se retrouvaient tiraillés, tout en devant composer avec leur propre peur d'être malades et de contaminer leurs proches. Près d'un an après, la situation ne s'est pas forcement améliorée pour eux car ils ont enchaîné avec la période estivale où la plupart était investi sur « vacances apprenantes » et ils n'ont pris que très peu de congés depuis mars 2020 alors qu'ils se démènent pour le bien-être des enfants et de leurs familles. Aujourd'hui encore, ils doivent composer avec des services en perpétuelle adaptation et réorganisation; ainsi, en Haute-Garonne, les maisons des solidarités ne peuvent proposer que des rendez-vous téléphoniques et avec un délai de six semaines. Comment doit réagir le travailleur social, face à une personne dans une situation inextricable quand on lui dit que rien n'est envisageable avant 45 jours ? Leur réaction, c'est l'épuisement, physique et moral ! Pour lutter contre l'épuisement physique, on ne peut pas grand-chose ; pour lutter contre l'épuisement moral, on doit au moins leur apporter la reconnaissance qu'ils méritent. Cette reconnaissance passe par des mots, mais aussi et surtout par des gratifications financières. La devise de la République française est " liberté - égalité - fraternité". Les travailleurs sociaux et médico-sociaux du secteur privé non marchand, ceux des associations, n'ont pas pu bénéficier des augmentations du Ségur. Leurs employeurs, les associations, rencontrent elle-même des difficultés financières et ne peuvent les augmenter si elles ne reçoivent pas des subventions plus importantes. Elle lui demande quelles mesures il peut prendre pour que ces femmes et ces hommes qui ont fait preuve d'un engagement sans faille, essentiel à la cohésion du pays, ne soient pas oubliés et aient la juste reconnaissance qu'ils méritent.

Texte de la réponse

SITUATION DES TRAVAILLEURS SOCIAUX


M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mörch, pour exposer sa question, n°  1444, relative à la situation des travailleurs sociaux.

Mme Sandrine Mörch. Je souhaite évoquer la situation des travailleurs sociaux, ceux qui sont en prise directe avec le terrain et en première ligne depuis un an. Du jour au lendemain, ils ont vu leur champ d'intervention s'accroître. Ils ont dû compenser le personnel absent, donc les personnes à risque, les cas contacts, les cas positifs. Le premier confinement a été très compliqué à vivre pour eux aussi, parce qu'ils ont été confrontés à de toutes nouvelles situations souvent dramatiques : l'arrêt brutal de nombreux emplois précaires ou la chute de beaucoup d’autoentrepreneurs et d'artisans ont précipité vers eux des familles entières. De nombreux travailleurs sociaux nous ont expliqué que, pour la première fois de leur carrière, ils ont été confrontés à des gens qui avaient faim.

Face à cette situation violente, ils se sont retrouvés déchirés entre leur souci de venir en aide aux plus précaires, ce qui est l'ADN de leur métier, et leur propre peur de tomber malades et de contaminer leurs proches. Près d'un an après, la situation ne s'est pas forcément améliorée pour eux puisqu'ils ont enchaîné avec la période estivale où beaucoup se sont investis dans l’opération vacances apprenantes. Depuis mars 2020, ils ont pris très peu de congés afin d'assurer un mieux-être pour ces enfants et leur famille, bien conscients d'être le maillon essentiel entre le citoyen en détresse et l'État, et d'être peu nombreux à répondre présents physiquement, ce qui est absolument fondamental en période de grand trouble. En effet, il est difficile de gérer une faillite en visioconférence ou un hébergement d'urgence par répondeur interposé.

Aujourd'hui encore, les travailleurs sociaux doivent composer avec des services en perpétuelle réorganisation. En Haute-Garonne, les maisons des solidarités ne proposent que des rendez-vous téléphoniques, sous un délai de six semaines. Dès lors, comment doit réagir le travailleur social face à une personne dans une situation inextricable quand on lui dit que rien n'est envisageable avant quarante-cinq jours ? Leur réaction, c'est l'épuisement physique et moral.

Aujourd'hui, il faut leur apporter la reconnaissance qu'ils méritent, laquelle passe par des mots, mais aussi par des gratifications financières. Les travailleurs sociaux et médico-sociaux du secteur privé non marchand – les associations – n'ont pas pu bénéficier des augmentations du Ségur. Dans le cadre de la mission Laforcade, des négociations ont été ouvertes mais les travailleurs du secteur de l'exclusion craignent justement d'en être exclus et qu'elles soient limitées à ceux qui s'occupent des personnes âgées. En outre, leurs employeurs, les associations, rencontrent eux-mêmes des difficultés financières et ne peuvent les augmenter si leurs propres tarifs ne sont pas réévalués par les financeurs, à savoir l'État et les conseils départementaux. Aussi, madame la ministre déléguée, quelles mesures pouvez-vous prendre pour que ces femmes et ces hommes, qui font preuve d'un engagement sans faille et qui sont un maillon essentiel à la cohésion de notre pays, ne soient pas oubliés et aient la juste reconnaissance qu'ils méritent ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Vous savez que, dans le contexte de crise sanitaire et au-delà, le milieu du travail social m’est parfaitement connu. Je sais que les travailleurs sociaux sont indispensables pour accompagner la prise en charge des populations particulièrement fragiles et fragilisées par cette période de crise. Il est donc essentiel de souligner le travail assuré par tous ces professionnels.

Le Haut Conseil du travail social, que j'ai eu l'honneur de créer et le plaisir de présider, a rendu compte dans un récent rapport, que je salue, de l'impact de la crise sanitaire sur l'engagement des travailleurs sociaux et leur pratique professionnelle. Je tiens d'abord, à travers vous, à leur rendre hommage.

Permettez-moi également de rappeler qu'afin de reconnaître cette implication et ce dévouement, une prime exceptionnelle, dite prime covid, d'un montant de 1 000 à 1 500 euros, défiscalisée et exonérée de toute cotisation sociale, a été créée pour l'année 2020. Une compensation financière de ces primes a été appliquée pour les établissements et les services financés ou cofinancés par l'assurance maladie ou par des programmes budgétaires de l'État.

Certains départements, comme les Landes, la Marne ou le Pas-de-Calais, ont fait le choix d'étendre cette prime aux travailleurs sociaux.

À l'occasion des accords du Ségur de la santé, en juillet dernier, le Gouvernement a institué un complément de traitement indiciaire pour les personnels des établissements de santé et des EHPAD et, dans le même temps, s'est engagé à mener des travaux complémentaires – vous les avez mentionnés – s'agissant des professionnels du secteur social et médico-social. Cette mission a été confiée à Michel Laforcade, qui rendra son rapport en juillet.

Dans ce cadre, il est proposé aux partenaires sociaux du secteur non lucratif d'aborder la question de l'évolution de la rémunération des professionnels travaillant dans l'accompagnement des personnes. Nous associons à ces discussions l'ensemble des financeurs, que vous avez également cités, car il existe énormément d'opérateurs différents. Cette concertation sera engagée d'ici à la fin de l'année dans le cadre d'une conférence sociale. Soyez assurée que nous soutiendrons ces professionnels.

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mörch.

Mme Sandrine Mörch. Je vous remercie de votre réponse. La crise a le mérite de mettre en lumière les travailleurs sociaux, lesquels sont souvent silencieux, œuvrent dans l'ombre et n'ont pas toujours été reconnus à leur juste valeur jusqu'alors. Il ne faut pas laisser refermer cette fenêtre ouverte sur ces maillons absolument fondamentaux de notre société et qui représentent une interface incontournable entre l'État et les citoyens.