Taux minimum de logements sociaux
Question de :
Mme Laurence Trastour-Isnart
Alpes-Maritimes (6e circonscription) - Les Républicains
Mme Laurence Trastour-Isnart attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les difficultés de mise en œuvre de l'article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (dite « loi SRU »). Cet article pose l'obligation pour les communes de plus de 3 500 habitants d'atteindre le taux de 25 % de logements sociaux pour 2025. Si le décret du 30 décembre 2019 a exempté d'obligation de rattrapage 232 communes, ces exemptions répondent à des spécificités qui sont loin de refléter toute la complexité des territoires. Une réflexion Gouvernementale quant à l'objectif de réalisation des 25 % de logements sociaux pour 2025 est menée afin de prolonger la date couperet. C'est le signe incontestable de la difficulté à atteindre ce taux pour de très nombreuses communes. La reconduction de cet objectif sur deux périodes triennales, jusqu'en 2031, est fortement attendue mais ne sera absolument pas suffisante. Le devoir d'exigence posé par l'article 55 doit être fortement nuancé par une prise en compte réaliste de la situation territoriale, qui ne permet pas bien souvent d'atteindre un tel objectif et qui n'est pas toujours en adéquation avec la demande réelle. Un pouvoir d'appréciation devrait donc être confié au préfet afin de lui permettre, au minimum, d'adapter le taux imposé par l'article 55 aux difficultés de chaque commune, grâce au dialogue avec ses élus et à l'étude de données objectives du territoire. Elle lui demande si, à l'approche de l'étude du projet de loi 4D, le Gouvernement entend réellement prendre en compte les difficultés d'application de l'article 55 de la loi SRU en évitant un pourcentage unique imposé au plan national qui a peu de sens et en conférant au préfet territorialement compétent un pouvoir d'adaptation de l'effort des communes aux réalités de la demande et du terrain.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021
TAUX MINIMUM DE LOGEMENTS SOCIAUX
M. le président. La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour exposer sa question, n° 1448, relative au taux minimum de logements sociaux.
Mme Laurence Trastour-Isnart. Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée du logement. Depuis que la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, dite loi SRU, a été modifiée en 2013 par la loi Duflot 1, les communes rencontrent des difficultés pour appliquer son article 55, qui impose à celles qui comptent plus de 3 500 habitants d'atteindre le taux de 25 % de logements sociaux d'ici à 2025.
En 2019, par décret, 232 communes ont été exemptées de cette obligation de rattrapage au nom de leurs spécificités. C'est le signe incontestable de la difficulté éprouvée pour atteindre un tel taux. Dès 2017, j'ai travaillé en concertation avec les maires et les élus de ma circonscription sur le sujet, et le constat est unanime : la loi SRU ne tient pas suffisamment compte des situations locales. Il faut prendre en considération la situation territoriale de certaines communes, qui les empêche souvent d'atteindre l'objectif de 25 % ; celui-ci n'est d'ailleurs pas toujours en adéquation avec la demande réelle.
Par ailleurs, les amendes infligées aux municipalités retardent de nombreux projets structurants et pénalisent donc les citoyens.
M. Jacques Cattin. Absolument !
Mme Laurence Trastour-Isnart. Vous menez actuellement une réflexion visant à reporter la date-butoir en 2031 : il s'agit d'une réponse nécessaire mais encore insuffisante. Un pouvoir d'appréciation devrait être confié au préfet afin de lui permettre d'adapter le taux imposé aux situations locales, alors qu'il ne peut actuellement que sanctionner ou juger du caractère opportun de la sanction prévue.
Ayant promu le couple maire-préfet, vous avez ici l'occasion de le renforcer et de l'institutionnaliser. L'examen du projet de loi 4D – différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification –, proposé par le Gouvernement, approche ; nous pourrions à cette occasion imaginer une nouvelle méthode de calcul fondée sur une base fixe et un taux modulable en fonction des besoins réels. Entendez-vous prendre en compte les difficultés d'application de la loi SRU en supprimant ce pourcentage unique, imposé au niveau national et qui a peu de sens, et en conférant au préfet un pouvoir d'adaptation territoriale en concertation avec les élus locaux, afin que l'effort demandé aux communes corresponde à la réalité des besoins du terrain ?
M. Jacques Cattin. Bravo !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports. Vous interrogez Mme la ministre déléguée chargée du logement qui, ne pouvant être présente, m'a chargé de vous répondre. La loi SRU a vingt ans ; permettez-moi d'abord de saluer la longévité et la pertinence de cette politique publique. Le bilan de l'application de son emblématique article 55 est en effet largement positif : près de la moitié des logements sociaux construits ces vingt dernières années, soit environ 900 000 logements sur 1,8 million, l'ont été dans des communes déficitaires et soumises à l'exigence de rattrapage.
L'accès à un logement abordable est un sujet plus que jamais d'actualité : près de 70 % des Français sont éligibles au logement social et 2 millions d'entre eux sont en attente d'une attribution, le plus souvent dans les grandes agglomérations, alors que plus de 1 000 communes ne remplissent toujours pas l'objectif fixé par la loi SRU – près de la moitié d'entre elles en sont très éloignées, à plus de 10 % du taux légal.
Le Gouvernement est donc pleinement engagé dans une application ferme de la loi SRU, afin qu'un logement abordable puisse être proposé à nos concitoyens, en particulier dans les communes où une telle offre fait défaut. Toutefois, à l'approche de l'échéance légale de 2025 – vous y avez fait référence –, il est clair que le mécanisme actuel, imposant aux communes de rattraper l'intégralité de leur déficit de logements sociaux dans les cinq prochaines années, n'est plus adapté.
Conscient de ces difficultés, le Gouvernement s'apprête à proposer des évolutions législatives dans le cadre du projet de loi 4D, qui sera présenté ce mercredi au Conseil des ministres. D'une part, nous étendrons l'application de la loi SRU au-delà de 2025, pour maintenir l'exigence de développement de l'offre de logements sociaux de manière pérenne ; de l'autre, afin de rendre les objectifs de rattrapage plus réalisables pour les communes, le rythme sera adapté et pourra être modulé en tenant compte des dynamiques et des situations locales différenciées.
Vous le voyez, madame la députée, permettre à chacun d'avoir accès à un logement abordable est une priorité du Gouvernement, et nous agissons pour pérenniser et adapter l'article 55 de la loi en question.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.
Mme Laurence Trastour-Isnart. Merci, monsieur le ministre délégué, pour votre réponse. En effet, il faut prendre en compte les spécificités des communes, ainsi que leur situation géographique et leurs besoins réels – ce n'est pas la première fois que j'en parle dans cet hémicycle. Pourquoi imposer à une commune d'atteindre 25 % de logements sociaux, ce qui peut par exemple représenter 4 000 ou 5 000 logements, lorsque ses besoins réels ne sont que de 1 000 logements ?
Ce qui est censé être au départ un cercle vertueux – je partage l'idée qu'il faut construire des logements sociaux, que nous en avons besoin et que tout le monde doit être logé – devient un cercle vicieux à partir du moment où la moindre attribution d'un permis de construire pour des logements privés conduit à faire automatiquement augmenter le nombre imposé de logements sociaux, puisque celui-ci est calculé selon le taux unique de 25 %.
Il faudrait instaurer une base fixe, un socle de départ à partir duquel les communes pourraient passer un contrat avec l'État afin de disposer d'un objectif réalisable. Leur objectif actuel est irréalisable et cela ne les incite pas à agir – nous savons tous que quiconque fait face à un objectif irréalisable se démotive et ne cherche pas à l'atteindre. En déterminant un socle fixe de 25 %, de 15 % ou même de 10 % en fonction des besoins de chaque commune, la base de calcul ne serait pas sans cesse modifiée et l'objectif deviendrait réalisable pour les communes. En l'état de la loi, de nombreuses communes se trouvent pénalisées et ce sont finalement les citoyens qui en pâtissent, puisque le fait de devoir s'acquitter d'une amende empêche de construire certains équipements publics.
M. Jacques Cattin. Oui, et il faut raisonner au niveau de l'intercommunalité !
Auteur : Mme Laurence Trastour-Isnart
Type de question : Question orale
Rubrique : Logement
Ministère interrogé : Logement
Ministère répondant : Logement
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 mai 2021