Mise en œuvre de l'interdiction annoncée du broyage des poussins
Question de :
M. Éric Diard
Bouches-du-Rhône (12e circonscription) - Les Républicains
M. Éric Diard interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la fin du broyage des poussins mâles. En octobre 2019, le ministre Didier Guillaume avait annoncé l'interdiction de l'élimination des poussins mâles par broyage avant la fin de l'année 2021, alors que cette proposition avait été rejetée par le Gouvernement chaque fois qu'elle était présentée en séance par voie d'amendement. Aujourd'hui, des méthodes de sexage peu coûteuses et respectueuses du bien-être animal comme le sexage in ovo sont appliquées, notamment en Allemagne, où sont vendus dans la grande distribution des œufs issus de cette sélection. La grande distribution française commence à entendre les préoccupations des Français à l'égard du bien-être animal et a mis en place, dès 2019, un partenariat favorisant le sexage in ovo des poussins. Alors que l'on arrive déjà à six mois de la fin 2021 et donc de l'échéance fixée par le prédécesseur de M. le ministre, aucune nouvelle annonce n'a été faite, aucun projet de loi visant à mettre en vigueur cette interdiction n'est encore prévu. Il lui demande donc où en est l'avancement des travaux visant à interdire le broyage des poussins et si l'engagement de mettre en œuvre cette interdiction avant la fin de l'année 2021 sera tenu.
Réponse en séance, et publiée le 26 mai 2021
INTERDICTION DU BROYAGE DES POUSSINS
M. le président. La parole est à M. Éric Diard, pour exposer sa question, n° 1479, relative à l'interdiction du broyage des poussins.
M. Éric Diard. Chaque année, 50 millions de poussins mâles sont broyés, pour une raison simple : ils ne sont pas assez rentables parce qu'ils ne produisent pas d'œufs et ils sont négligés par l'industrie de la viande parce que leur croissance est jugée trop lente.
En octobre 2019, le ministre Didier Guillaume avait annoncé l'interdiction de l'élimination des poussins mâles par broyage, avant la fin de l'année 2021, alors que cette proposition avait été rejetée par le Gouvernement, chaque fois qu'elle avait été présentée en séance par voie d'amendement.
Aujourd'hui, des méthodes de sexage, peu coûteuses et respectueuses du bien-être animal, comme le sexage in ovo, sont utilisées, notamment en Allemagne, où la grande distribution vend des œufs issus de cette sélection. Le Bundestag vient d'adopter vendredi une loi prévoyant l'arrêt définitif du broyage des poussins début 2022 et favorisant les modes de sélection alternatifs. En France, c'est la grande distribution qui, commençant à entendre les préoccupations des Français à l'égard du bien-être animal, a mis en place dès 2019 un partenariat favorisant le sexage in ovo des poussins. Cependant nous avons encore beaucoup de retard sur les Allemands dans ce domaine.
M. Pierre Cordier. Très juste !
M. Éric Diard. Alors que six mois seulement nous séparent de la fin de 2021 et donc de l'échéance fixée par votre prédécesseur, aucune annonce n'a été faite, aucun projet de loi visant à mettre en vigueur cette interdiction n'est encore prévu. Aussi, quel est l'état d'avancement des travaux relatifs à l'interdiction du broyage des poussins ? Comptez-vous honorer l'engagement d'appliquer une telle interdiction avant la fin de l'année, ou bien vous apprêtez-vous à un nouveau renoncement en matière de bien-être animal ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la ville.
M. Pierre Cordier. La ministre déléguée chargée de la ville va nous parler des poussins !
Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville. Monsieur le député, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui vous prie de l'excuser pour son absence, m'a chargée de vous apporter en son nom ces éléments de réponse.
Le 28 janvier 2020, le Gouvernement s'est engagé à mettre fin d'ici à 2022 à l'élimination systématique des poussins mâles issus de souches pondeuses. La filière et l'ensemble des partenaires sont mobilisés pour répondre à cet objectif sans qu'il soit nécessaire de légiférer. Cet engagement pourra être tenu en appliquant différentes solutions, notamment le sexage dans l'œuf – trois techniques sont aujourd'hui opérationnelles –, mais aussi, dans une moindre mesure, l'élevage des poussins mâles et le développement de souche de volailles à orientation mixte œuf-viande.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement est en contact permanent avec les représentants de la filière et les couvoirs les plus affectés par cette transition. Plus de 4 millions d'euros ont été engagés par l'État pour accompagner les travaux de recherche. Nous disposons aujourd'hui de plusieurs méthodes opérationnelles et la filière travaille sur une feuille de route qui tiendra compte des alternatives possibles, opérationnelles et viables économiquement pour les éleveurs, car la fin de l'élimination des poussins mâles implique des réorganisations internes fortes au sein de la filière pour appliquer très concrètement cette mesure.
Cette transition, comme toute transition, aura un coût et nécessitera de lourds investissements au départ, mais aussi sur le long terme. L'Institut technique de l'aviculture évalue à environ 64 millions d'euros le coût annuel de mise en place du sexage dans la filière ponte, auxquels il faudra ajouter les investissements nécessaires dans les couvoirs, estimés à 9 millions d'euros, et les surcoûts de fonctionnement. La transition implique donc une phase majeure de négociations économiques entre tous les acteurs. Le Gouvernement assure une partie de l'accompagnement de ces changements à travers le volet agricole du plan France relance. Ce sont 100 millions d'euros consacrés aux élevages et 80 millions d'euros à la structuration des filières.
Si l'État peut engager les transitions et accompagner les investissements nécessaires au démarrage, il convient d'envisager dès à présent des modalités de répartition des coûts par la suite, qui soient adaptées aux réalités du marché. C'est aussi pour trouver des solutions pérennes pour accompagner ce type de transition que le ministre de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre déléguée chargée de l'industrie ont missionné Serge Papin, ancien président de l'atelier 5 des états généraux de l'alimentation et de Système U, pour établir un bilan de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, et formuler des recommandations. Celui-ci a remis son rapport jeudi 25 mars. Il propose des mesures fortes pour améliorer le revenu des agriculteurs, condition indispensable pour mettre en place les transitions au sein des filières.
La dynamique collective engagée dès 2020 se poursuit. Elle associe l'État et la filière dans la poursuite de l'objectif ambitieux que tous se sont alors collectivement fixé.
Enfin, vous avez rappelé la position de l'Allemagne. Nous sommes en phase avec l'Allemagne quant aux objectifs : avec ou sans loi, il faut que les filières s'organisent pour mettre en œuvre concrètement cette interdiction.
M. le président. La parole est à M. Éric Diard.
M. Éric Diard. J'entends bien votre réponse, madame la ministre déléguée : nous sommes proches des Allemands pour les objectifs, mais malheureusement pas pour les délais. L'objectif de fin 2021 s'éloigne et je ne pense pas, au vu des éléments nécessaires, commissions, rapports, etc., que nous serons prêts pour fin 2022. Je regrette qu'en matière de bien-être animal, le Gouvernement ignore le « quoi qu'il en coûte ». Il faut vraiment soutenir financièrement ces méthodes alternatives. Les Allemands le font mais il est clair que nous ne le faisons pas assez, et je le regrette.
Auteur : M. Éric Diard
Type de question : Question orale
Rubrique : Élevage
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 18 mai 2021