Évolution des données concernant la récidive et la désistance
Question de :
M. Dominique Da Silva
Val-d'Oise (7e circonscription) - La République en Marche
M. Dominique Da Silva attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'évolution des chiffres concernant la récidive et la désistance. En 2014, son prédécesseur a créé l'Observatoire de la récidive et de la désistance dont la mission première consiste en la publication annuelle d'un rapport permettant d'identifier les données, études et recherches qui portent sur les phénomènes de récidive et de désistance. Il a également vocation à proposer des thèmes d'étude et de recherche et des évolutions de méthodologie. Depuis lors, seul un rapport publié en 2017 a vu le jour. Néanmoins, ce rapport n'a pas permis d'apporter de nouvelles études chiffrées statuant sur l'évolution de la récidive et de la désistance en France. Aucune étude récente n'a pu permettre de réponjdre à ce phénomène dont l'ampleur mérite une attention certaine. À titre d'illustration, le taux de condamnation en état de récidive légale est passé de 4,9 % à 12,1 % entre 2001 et 2011. La récidive - entendue comme le taux de recondamnation à 5 ans - est toujours moindre après des sanctions non carcérales. En 2011, on notait un taux de 61 % de récidive à 5 ans après une peine de prison ferme contre 19 % de récidive après une peine de prison avec sursis. Depuis lors, aucune actualisation de ces données n'a pu être fournie. Ces chiffres révélateurs sont à mettre en corrélation avec une surpopulation carcérale galopante. En 2010, la France disposait de 55 000 places opérationnelles de prison pour 61 000 personnes détenues. En 2020, on dénombre 61 000 places de prison pour 71 000 détenus. Une augmentation de 10 % des places pour une augmentation de 16,4 % de détenus. Ces chiffres montrent la nécessité certaine de bénéficier d'étude récente sur le sujet de la récidive et de la désistance. Aussi, il lui demande quels moyens il compte mettre à disposition pour fournir aux parlementaires des données récentes sur le sujet.
Réponse en séance, et publiée le 16 juin 2021
ÉVOLUTION DES DONNÉES RELATIVES À LA RÉCIDIVE ET À LA DÉSISTANCE
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Da Silva, pour exposer sa question, n° 1500, relative à l'évolution des données concernant la récidive et la désistance.
M. Dominique Da Silva. Monsieur le garde des sceaux, l'Observatoire de la récidive et de la désistance, créé par la loi pénitentiaire de 2009 et installé le 26 avril 2016 par un de vos prédécesseurs, est chargé de rassembler et analyser les données existant en France et à l'étranger, relatives aux phénomène de récidive et de désistance – c'est-à-dire le processus par lequel une personne sort de la délinquance. Le décret de création de l'observatoire précise d'ailleurs : « Il mettra ces données et analyses à disposition de l'ensemble des publics visés sous la forme, notamment, d'un rapport annuel et public. Il formulera toute recommandation utile pour améliorer la connaissance des phénomènes observés. »
Or, depuis, un unique rapport a été publié, en 2017, qui formulait des recommandations concrètes et, me semble-t-il, de bon sens. Force est donc de constater que la volonté du législateur en créant cette instance, il y a maintenant douze ans, est restée un vœu pieu. Comme l'a rappelé le directeur départemental de la sécurité publique du Val-d'Oise, M. Frédéric Lauze, que je salue, l'enjeu est pourtant d'importance : à travers la connaissance scientifique des comportements délinquants, il s'agit de trouver les meilleurs moyens de favoriser la sortie de la délinquance pour les traduire dans des politiques publiques efficaces.
Selon les références statistiques justice, 40 % des personnes condamnées en 2018 sont en état de récidive ou de réitération : ce chiffre suffit à démontrer tout l'intérêt d'approfondir les savoirs en la matière. Que comptez-vous faire pour permettre enfin à l'Observatoire de la récidive et de la désistance de publier ses travaux annuels, comme l'a souhaité le législateur ?
Mme la présidente. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Je pourrais vous répondre que je ne compte rien faire, puisque, d'ici à la fin du mois de juin, le rapport sera remis et vous sera communiqué.
Il est effectivement essentiel de connaître les chiffres relatifs à la récidive. Nous avons beaucoup travaillé pour lutter contre ce phénomène, notamment à travers le renforcement des personnels dans les différentes juridictions ou du travail d'intérêt général, ainsi qu'en raccourcissant les délais de traitement des affaires. En effet, dans un souci pédagogique, il me semble important que la justice soit rendue rapidement, car plus elle est rapide, plus elle est efficace – en particulier pour les jeunes.
Nous avons également renforcé le travail en prison : il y a vingt ans, 50 % des prisonniers travaillaient, contre seulement 29 % aujourd'hui. Je me bats donc pour que les entrepreneurs reviennent vers la prison, car c'est un gage de réinsertion et, partant, d'absence de récidive.
N'oublions pas que le traitement médiatique des affaires aboutit à parler des cas de récidive, mais pas de ceux où elle est évitée. Vous avez donc raison : il est très utile que nous puissions disposer de chiffres précis. J'y tenais tellement que j'ai demandé tout à l'heure – anticipant donc votre question – qu'un rapport me soit remis : il le sera d'ici à la fin du mois de juin. Nous aurons bien entendu l'occasion d'en discuter ensemble, ce qui permettra peut-être de réaliser des choix plus fins dans notre politique pénale.
L'objectif n'est évidemment pas de nier la prison, il est de lui permettre d'être aussi un vecteur de réinsertion : c'est notre intérêt collectif, et j'y veille, sachez-le, avec beaucoup d'attention et d'intérêt. Je vous remercie pour cette question particulièrement pertinente.
Auteur : M. Dominique Da Silva
Type de question : Question orale
Rubrique : Justice
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 8 juin 2021