Question orale n° 150 :
Classification en zone tendue dite "B1" ou dispositif équivalent pour Thionville

15e Législature

Question de : Mme Isabelle Rauch
Moselle (9e circonscription) - La République en Marche

Mme Isabelle Rauch appelle l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la cohésion des territoires, sur le marché de l'habitat dans l'agglomération de Thionville. Ville frontalière de 42 000 habitants, au sein d'une agglomération de 80 000 habitants et d'un bassin de plus de 200 000 habitants regroupant six EPCI, son expansion démographique est liée notamment aux évolutions du marché de l'emploi du Grand-Duché du Luxembourg. Pour y répondre, le marché immobilier est l'un des plus actifs de la région Grand-Est, avec une promotion immobilière privée dynamique, amenant des prix de sortie de 3 000 à 3 400 euros / mètre carré et un prix médian des terrains à bâtir supérieur à 100 000 euros. Un potentiel important est identifié pour la période 2017/2022, avec 4 000 logements neufs prévus dont 2 100 sur le seul ban de la commune de Thionville. La dérogation dont bénéficiait ce territoire au titre du dispositif dit « Pinel », pour un classement en catégorie B1, est arrivé à échéance au 31 décembre 2017. Si cette mesure se confirmait, le risque est grand d'une baisse significative de la construction neuve, en individuel par désolvabilisation d'une grande partie des primo-accédants, ou en collectif neuf. La réduction de l'activité de production immobilière, impactée tant sur l'investissement locatif que sur l'accession à la propriété, a également une conséquence sur la production sociale pour la partie réalisée en VEFA entre promoteurs et bailleurs. L'effet de cette mesure est important pour mener à bien des opérations de diversification de l'habitat dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain. La volonté affichée par le Gouvernement est de prioriser le soutien à la construction neuve en zone A et B1, pour limiter ou éviter des déséquilibres de marché. C'est tout à fait la caractéristique de l'agglomération de Thionville pour laquelle un enjeu majeur serait de stabiliser les données du marché (le loyer moyen dans le neuf est actuellement situé entre 12 et 13 euros), pour éviter la fuite des accédants endogènes au profit de ceux dont le pouvoir d'achat est tendanciellement plus important en raison du niveau des salaires au Grand-Duché de Luxembourg. Il est donc nécessaire de pouvoir maîtriser une partie de l'accession à des tarifs abordables et des niveaux de loyers intermédiaires pour les typologies les plus attractives, en complément d'opérations en cours sur la rénovation du parc ancien. Le classement de Thionville en zone B1 ou tout dispositif équivalent permettrait de disposer pleinement des soutiens à la construction neuve, mais également des nouveaux dispositifs à l'étude dans le projet de loi ELAN, visant à dynamiser les opérations d'aménagement pour produire plus de foncier constructible. Cette demande est, en ce sens, cohérente avec le classement d'autres zones frontalières, principalement avec la Suisse, qui connaissent les mêmes caractéristiques de marché que Thionville. En conséquence, elle souhaiterait savoir si, compte tenu de la situation transfrontalière et des enjeux du territoire thionvillois, la classification en zone tendue dite « B1 » ou dispositif équivalent, est envisagée ainsi que le demandent les acteurs locaux, mais également les professionnels de l'habitat et les bailleurs sociaux dont l'activité s'en trouve impactée.

Réponse en séance, et publiée le 21 février 2018

CLASSEMENT DE THIONVILLE EN ZONE TENDUE
M. le président. La parole est à Mme Isabelle Rauch, pour exposer sa question, n°  150, relative au classement de Thionville en zone tendue.

Mme Isabelle Rauch. Madame la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées, ma question, qui est destinée au ministre de la cohésion des territoires, a trait au marché de l’habitat dans l’agglomération de Thionville. Thionville est une commune frontalière au sein d’une agglomération de 80 000 habitants et d’un bassin de plus de 200 000 habitants. Son expansion démographique est liée notamment aux évolutions du marché de l'emploi du Grand-Duché de Luxembourg. Pour y répondre, son marché immobilier est l'un des plus actifs de la région Grand Est, avec une promotion immobilière privée dynamique, conduisant à des prix de sortie de 3 000 à 3 400 euros au mètre carré et un prix médian des terrains à bâtir supérieur à 100 000 euros. Quatre mille logements neufs sont prévus, dont 2 100 sur le seul ban de la commune de Thionville, pour les cinq ans à venir.

La dérogation dont bénéficiait ce territoire au titre du dispositif dit « Pinel » est arrivée à échéance au 31 décembre 2017. Si celle-ci n'était pas renouvelée, le risque serait grand d'une baisse significative de la construction neuve, individuelle ou collective. La réduction de l’activité de production immobilière a également une conséquence sur la production sociale, pour la partie réalisée en VEFA – vente en l'état futur d'achèvement – entre promoteurs et bailleurs, mesure importante dans le cadre fixé par l’ANRU – Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Le Gouvernement affiche la volonté de prioriser le soutien à la construction neuve dans les zones A et B1 pour limiter des déséquilibres de marché. C'est tout à fait la situation que connaît l'agglomération de Thionville, qui est confrontée à un enjeu majeur : stabiliser les données du marché pour éviter la fuite des habitants actuels au profit d’autres personnes, au revenu plus important, travaillant au Luxembourg.

Il est donc nécessaire de maîtriser une partie de l'accession, avec des tarifs abordables et des niveaux de loyers intermédiaires pour les typologies les plus attractives, en complément des opérations en cours sur la rénovation du parc ancien. Le classement de Thionville en zone B1, ou tout dispositif équivalent, permettrait de disposer pleinement des soutiens à la construction neuve, mais également des nouveaux dispositifs à l’étude dans le projet de loi Élan – évolution du logement et aménagement numérique – visant à dynamiser les opérations d’aménagement pour produire plus de foncier constructible. En ce sens, cette démarche est cohérente avec le classement d’autres zones frontalières, principalement avec la Suisse, qui présentent les mêmes caractéristiques de marché que Thionville.

En conséquence, je souhaiterais savoir si, compte tenu de la situation transfrontalière et des enjeux du territoire thionvillois, la classification en zone tendue dite B1 ou un dispositif équivalent est envisagé, ainsi que le demandent les acteurs locaux, mais également les professionnels de l'habitat et les bailleurs sociaux, dont l'activité s'en trouve affectée.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.

Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Madame la députée, vous sollicitez le ministère de la cohésion des territoires sur le zonage A/B/C applicable à certains dispositifs d'aide en matière de logement, notamment concernant les communes de l'agglomération de Thionville. Vous souhaitez en particulier que le zonage passe de B2 à B1.

Réglementairement, le zonage A/B/C a vocation à établir un classement des communes du territoire national en zones géographiques en fonction du déséquilibre entre l'offre et la demande de logements, et ce afin de concentrer les aides de l'État dans les zones les plus tendues. Ainsi, la dernière révision de ce zonage en 2014 a été menée selon une méthodologie et des critères harmonisés pour l'ensemble du territoire. Des propositions d'adaptations, résultant de consultations locales menées par les préfets de région, ont été également analysées.

Le zonage A/B/C ayant été établi selon une méthode et une démarche nationale, il n'est pas possible de procéder à des modifications au cas par cas : ce serait déroger au principe d'équité de traitement des territoires, et de nature à conduire à des contentieux.

Par ailleurs, si, dans une volonté d'efficience et d'optimisation de la dépense publique, le Gouvernement a souhaité opérer un recentrage sur les zones A et B1 du dispositif Pinel en faveur de l'investissement locatif intermédiaire, vous noterez néanmoins que la loi de finances pour 2018 prévoit que le prêt à taux zéro – PTZ – dans l'ancien, conditionné par des travaux, soit au contraire ciblé sur les zones B2 et C, pour promouvoir la revitalisation des villes-centres grâce à la réhabilitation de leur habitat. Le Gouvernement a également introduit dans le projet de loi des mesures transitoires. Le PTZ dans le neuf est conservé, avec une quotité à 20 % en zones B2 et C pour 2018 et 2019, et le dispositif Pinel est prolongé dans les communes agréées des zones B2 et C pour les acquisitions de logement réalisées avant le 31 décembre 2018, si le permis de construire a été déposé avant le 31 décembre 2019.

Toutefois, nous avons bien conscience que ces dispositifs, définis au niveau national, peuvent se révéler mal adaptés aux politiques locales. C'est pourquoi nous voulons mettre à l'étude les modalités possibles de délégation territoriale des aides à l'accession et à l'investissement locatif, afin de rapprocher ces dispositifs nationaux des besoins territoriaux. Cette étude s'intéressera notamment aux secteurs frontaliers, dont vous parliez, situés à proximité de pôles économiques générant des tensions localisées sur les loyers et les prix du logement en raison de l'afflux récent et important de nouveaux ménages de travailleurs transfrontaliers.

À titre d'exemple, dans le cadre de l'opération d'intérêt national d'Alzette-Belval, l'attractivité transfrontalière s'est traduite par une hausse de la population de près de 1 % par an au cours de la période 2009-2014, et par un loyer moyen au mètre carré de 10,80 euros en 2015, en hausse de 30 % depuis 2012. Nous devons donc vraiment porter une attention particulière à cette question.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Rauch.

Mme Isabelle Rauch. Merci, madame la secrétaire d'État, pour vos réponses. J'avais déjà connaissance de certaines mesures, mais je suis heureuse de constater que le Gouvernement va réaliser cette étude concernant les zones frontalières. En effet, comme vous l'avez rappelé, la population dans ces secteurs augmente. S'agissant de Thionville, à l'horizon 2030, les projections prévoient un accroissement de 50 000 habitants, soit 235 foyers par an. Il est donc impératif que les dispositifs relatifs au marché locatif et au marché de la construction soient revus. Nous nous trouvons dans une zone en tension, dans laquelle les ménages aux revenus moyens éprouvent de grandes difficultés à se loger.

Données clés

Auteur : Mme Isabelle Rauch

Type de question : Question orale

Rubrique : Logement

Ministère interrogé : Cohésion des territoires (M. le SE auprès du ministre)

Ministère répondant : Cohésion des territoires (M. le SE auprès du ministre)

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2018

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