15ème législature

Question N° 15166
de M. François Ruffin (La France insoumise - Somme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > aquaculture et pêche professionnelle

Titre > Pour une vraie interdiction de la pêche électrique

Question publiée au JO le : 18/12/2018 page : 11587
Réponse publiée au JO le : 22/01/2019 page : 606

Texte de la question

M. François Ruffin interpelle M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'inaction de la France pour obtenir une interdiction de la pêche électrique en Europe. En janvier 2018, le Parlement européen s'est prononcé à une très large majorité (402 voix pour, 232 contre) pour l'interdiction de cette technique destructrice. En mars 2018, les députés français ont voté à l'unanimité une résolution des députés Joachim Son-Forget et Jean-Pierre Pont demandant la même chose. À cette occasion, son prédécesseur, M. le ministre Stéphane Travert, avait clarifié la position du Gouvernement et affirmé « une obligation de moyens » pour obtenir l'interdiction totale et convaincre les pays européens. Le même mois, le Président Emmanuel Macron prenait publiquement position pour l'interdiction lors d'une conférence de presse à La Haye au côté du premier ministre néerlandais. Huit mois plus tard, alors que les pêcheurs artisans européens manifestent régulièrement leur désarroi, où en est-on ? Nulle part. Les fileyeurs des Hauts-de-France sont à l'agonie. Depuis 2014, leurs captures diminuent, principalement la sole qui représentait 80 % de leur chiffre d'affaires et que les chalutiers électriques ciblent également. Sept navires ont été démolis à la suite d'un plan de sortie de flotte en 2017 et les artisans dunkerquois vont pêcher à Dieppe pour pouvoir exercer correctement leur métier. Ces pêcheurs ne cessent d'interpeller M. le ministre afin de rencontrer le Président et d'obtenir des actions concrètes du Gouvernement. De plus, de nouveaux scandales ont été révélés comme l'illégalité de la majorité des licences néerlandaises délivrées pour pratiquer la pêche électrique, et le subventionnement illégal de son développement par des fonds européens. Or, force est de constater, les résultats ne sont pas là et les négociations européennes semblent se diriger vers un compromis scandaleux et contraire aux engagements pris devant les Français et la représentation nationale. Le 4 octobre 2018, le Conseil de l'Union européenne a proposé lors d'une réunion de Trilogue sur le règlement « Mesures techniques » un compromis dénoncé par les ONG et les pêcheurs artisans européens car permettant de poursuivre la pêche électrique pendant encore trois ans tout en légitimant des licences illégales. Ce compromis a été heureusement rejeté, puisqu'il allait clairement à l'encontre des votes du Parlement européen et de l'Assemblée nationale. Or cette proposition, mise sur la table par la Présidence du Conseil, a dû être validée par tous les États membres dont la France. Pourquoi la France a-t-elle accepté un tel compromis ? Ne devions nous pas make the planet green again ? Quand le Gouvernement va-t-il enfin agir pour obtenir une interdiction totale de la pêche électrique comme il s'y est engagé ? Il lui demande ce qu'il s'est passé pour qu'il renie ses engagements, et celui de l'Assemblée avec, à ce point.

Texte de la réponse

Depuis 1998, la technique de pêche au chalut associé au courant électrique impulsionnel, dit « pêche électrique », fait partie des méthodes de pêche non traditionnelles interdites en Europe en vertu de l'article 31 du règlement CE n° 850/98, dit règlement « Mesures techniques ». Ce règlement a été modifié à maintes reprises. A notamment été introduit en 2007 l'article 31 bis qui autorise, par dérogation, la pratique de pêche électrique en mer du Nord, sous certaines conditions : « 5 % de la flotte de chalutiers à perche de chaque État membre peut avoir recours à cette pratique ». Seuls les Pays-Bas, et la Belgique de façon beaucoup plus anecdotique, utilisent cette possibilité. La France n'y a pas recours. La Commission européenne a présenté une proposition de révision du règlement « Mesures techniques » en mars 2016, qui visait à supprimer la limite des 5 %, dans une vaste zone de pêche en mer du Nord. Le conseil des ministres chargés de la pêche a adopté une position différente le 11 mai 2017, maintenant le principe général d'interdiction du chalut électrique et la limite des 5 %. Lors du vote en plénière les 15 et 16 janvier 2018, le Parlement européen s'est prononcé pour le maintien de l'interdiction de principe de la pêche électrique. Depuis lors, au sein du Conseil européen, la France n'a eu de cesse de réaffirmer son opposition à toute généralisation du chalut électrique et de demander le maintien de son interdiction à court terme, en rappelant notamment le vote unanime de l'assemblée nationale en faveur de l'interdiction totale de la pêche électrique. Le quatrième « trilogue », associant Conseil de l'Union européenne, Parlement européen et Commission européenne qui s'est tenu le 4 octobre 2018, en vue de l'adoption formelle du projet de règlement portant mesures techniques dans le secteur des pêches maritimes, n'a malheureusement pu être conclusif, en dépit du fort investissement de la France et du rôle moteur de la présidence autrichienne de l'Union européenne. L'équilibre rédactionnel proposé permettait d'inscrire dans le projet de règlement l'interdiction de toute forme de pêche électrique, tout en laissant jusqu'à 2021 aux armements néerlandais pour changer d'engins. Le Gouvernement reste mobilisé pour obtenir l'interdiction de la pêche électrique dans les eaux européennes.