Question au Gouvernement n° 1516 :
taxation des géants du numérique

15e Législature

Question de : Mme Laurence Vichnievsky
Puy-de-Dôme (3e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 19 décembre 2018


TAXATION DES GÉANTS DU NUMÉRIQUE

M. le président. La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky. Monsieur le secrétaire d'État chargé du numérique, des entreprises de taille mondiale, notamment les grandes sociétés numériques, délocalisent leurs profits afin d'échapper à l'impôt. Ces méthodes, pudiquement qualifiées d'optimisation fiscale, représenteraient un manque à gagner annuel de 11,5 milliards d'euros pour la France et de 60 milliards à l'échelle européenne.

Le 21 mars 2018, la Commission européenne a présenté deux propositions en vue de garantir l'imposition équitable de toutes les entreprises numériques. La première d'entre elles vise à réformer les règles d'imposition spécifiques à ces sociétés. La seconde, qui serait une solution plus rapide mais provisoire, consiste à leur appliquer une taxe assise sur leur chiffre d'affaires.

Nous le savons, les décisions de l'Union européenne en matière fiscale nécessitent l'unanimité entre États membres. Or certains d'entre eux, je pense à l'Irlande et aux pays du Benelux, profitent de l'optimisation fiscale des entreprises et sont donc peu enclins aux réformes.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a annoncé que la France appliquerait, pour ce qui la concerne, une taxe de 3 % sur l'activité des grandes entreprises du numérique, et ce dès le 1er janvier prochain. C'est une position courageuse, que mon groupe soutient. J'ai le sentiment que ce soutien rejoint celui d'une grande majorité de Français. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe MODEM.)

Monsieur le secrétaire d'État, quelle sera l'assiette de cette taxe ? Quelles en sont les recettes escomptées en 2019 ? Le Gouvernement est-il prêt, en l'absence d'accord européen sur la taxation des grandes entreprises du numérique, à maintenir ce dispositif au-delà de 2019 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du numérique.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État chargé du numérique. Madame la députée, vous avez raison : partout sur ces bancs, comme dans la rue, s'exprime une soif de justice sociale et fiscale. (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SOC.)

Mme Émilie Bonnivard. Sur les ronds-points, surtout !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État. Chacun doit participer à hauteur de ses capacités et de la responsabilité qui est attendue de lui.

Parmi tous les acteurs, il en est un qui a de grandes capacités à innover, à nous charmer et à nous attirer : il s'agit de ces grandes entreprises du numérique.

M. Sébastien Jumel. Ce n'est plus de la jalousie ?

M. Éric Straumann. Si, un peu.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État . La raison pour laquelle elles réalisent un chiffre d'affaires très important en France est que les consommateurs utilisent leurs services et qu'ils les aiment. Mais aujourd'hui, ils ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas que ces entreprises payent jusqu'à 14 points d'impôt de moins que n'importe quelle autre entreprise sur le territoire.

Vous le savez, car cela a été depuis près de dix-huit mois un engagement tant de Bruno Le Maire que du Président de la République, nous avions souhaité, voulu et proposé une solution européenne – parce que c'est là le seul échelon possible.

Cette solution a cependant pris trop de temps.

M. Sébastien Jumel. Oui : ça va trop lentement !

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État . Depuis une semaine, le message a été clair : la France n'attendra pas plus longtemps. (M. Boris Vallaud applaudit.)

Dès 2019 en effet, nous proposerons une taxation sur le chiffre d'affaires réalisé par ces grandes entreprises du numérique. L'assiette de cette taxe reposera sur trois activités.

La première est la publicité ciblée. Qui paie cette publicité ? Ce sont des PME françaises qui paient pour cibler des citoyens français, alors que la plus-value réalisée entre les deux s'envole et disparaît. Est-ce illégal ? Non : c'est le résultat de toutes nos incapacités à nous mettre d'accord ces dernières années.

La deuxième est la mise en relation pour la vente, c'est-à-dire les fameuses plateformes de marché, les market places. Là encore, qui paie ? Ce sont des citoyens français ou des PME françaises qui achètent des biens à d'autres citoyens français ou à d'autres PME françaises, alors que la marge réalisée entre les deux disparaît. Nous ne pouvons plus l'accepter : là aussi, nous serons au rendez-vous.

Se fait également jour un autre sujet, nouveau : la revente des données personnelles, qui génère un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros. Elle entrera également dans l'assiette de cette taxe.

Vous l'avez compris, nous sommes décidés : la France ne sera pas une colonie numérique. Ce faisant, la France n'agit cependant pas que pour elle : elle espère inspirer les derniers pays européens qui ne nous auront pas encore rejoints. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. Stéphane Peu. Ça va rapporter 500 millions, contre plus de 3 milliards pour l'ISF !

Données clés

Auteur : Mme Laurence Vichnievsky

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Impôt sur les sociétés

Ministère interrogé : Numérique

Ministère répondant : Numérique

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2018

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