Question au Gouvernement n° 1522 :
destruction d'un monument à Châtellerault

15e Législature

Question de : M. Nicolas Turquois
Vienne (4e circonscription) - Mouvement Démocrate et apparentés

Question posée en séance, et publiée le 19 décembre 2018


DESTRUCTION D'UN MONUMENT À CHÂTELLERAULT

M. le président. La parole est à M. Nicolas Turquois.

M. Nicolas Turquois. Ma question s'adresse à Mme la ministre de la cohésion des territoires.

Depuis 2010, le rond-point nord de la ville de Châtellerault s'enorgueillissait d'une œuvre d'art monumentale représentant une immense main jaune, symbole du caractère très industrialisé de la cité.

M. Sébastien Jumel. Jaune comme les gilets !

M. Nicolas Turquois. Cette œuvre de Francis Guyot était devenue en quelques années un véritable totem pour la ville.

Mais, dimanche soir, pour devancer le nettoyage du rond-point, des gilets jaunes ont démonté leurs abris en bois et regroupé les matériaux. Un feu a alors été allumé et, à cause de son intensité, s'est propagé à la main jaune qu'il a détruite. Les images ont fait le tour des médias. Une enquête a été ouverte pour déceler une éventuelle intention criminelle.

Quoi qu'il en soit, les Châtelleraudais se sentent aujourd'hui orphelins de leur main jaune et c'est pour eux que je veux avoir une pensée. J'invite l'État à être aux côtés de la ville à la suite de cette destruction.

Je salue à cette occasion les forces de l'ordre et les forces de sécurité civile qui, dimanche soir comme depuis un mois, se sont démultipliées avec un grand professionnalisme pour que l'ensemble des manifestations se passent au mieux.

Mais je veux aussi dénoncer l'irresponsabilité de tous ceux qui ont utilisé la cause défendue par les gilets jaunes pour servir d'autres intérêts, souvent les plus destructeurs. Honte à ceux-là ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Je veux enfin m'adresser à tous les gilets jaunes qui avaient des revendications légitimes et ont eu le sentiment de se faire voler leur combat par ces casseurs, ces incendiaires dans lesquels ils ne se reconnaissent pas. Leur parole doit encore être entendue et je salue ici l'initiative présidentielle de la grande concertation. De cette colère, il faut que la nation sorte grandie.

Madame la ministre, pouvez-vous nous expliquer comment la concertation va être menée et dans quels délais ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur. Monsieur le député, vous nous interpellez au sujet de l'incendie de la sculpture dite de la main jaune qui se trouvait à l'entrée nord de la ville de Châtellerault. Effectivement, cet acte a été commis au moment de l'évacuation du rond-point à la demande du préfet. L'enquête est en cours. Mais je peux déjà vous dire que l'acte met en cause la création d'un artiste, celle de cette œuvre d'art qui appartenait à tous les habitants de la commune et à toutes celles et tous ceux qui, à Châtellerault, passaient à ce rond-point – qui, en somme, faisait partie de l'histoire collective du territoire.

Or quand on en vient à attaquer des œuvres d'art, souvent par iconoclasme, par vandalisme, pour détruire, on oublie la liberté de création et, au fond, la liberté tout court. On l'a vu au cours de notre histoire ; on a vu, par exemple, comment les talibans ont attaqué les bouddhas géants de Bâmiyân, en mars 2001. Nous avons souvent aussi, à propos de l'art contemporain, des débats qui vont jusqu'au geste, un geste qui conduit à la destruction.

Je vous garantis, monsieur le député, que l'enquête sera menée à bien. Elle doit nous permettre de savoir qui sont les auteurs de l'incendie et de la destruction de l'œuvre. Mais vous avez raison : maintenant, il faut passer à autre chose – au débat, à la concertation, au dialogue.

C'est tout le sens du grand débat national que le Président de la République a proposé et sur lequel vous nous interrogez. Il doit avoir lieu au plus près du terrain, avec tous les acteurs : les gilets jaunes, bien sûr, mais pas seulement. Des habitudes de vie sont nées sur les ronds-points, elles ont créé du lien, elles sont en elles-mêmes essentielles pour celles et ceux qui en ont fait l'expérience et qui doivent pouvoir se retrouver dans l'échange, dans la discussion – au fond, dans la démocratie. Car la démocratie ne vit jamais de la violence : elle vit toujours du débat. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

Données clés

Auteur : M. Nicolas Turquois

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Ordre public

Ministère interrogé : Intérieur

Ministère répondant : Intérieur

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 19 décembre 2018

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