15ème législature

Question N° 1524
de M. Philippe Vigier (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Eure-et-Loir )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Solidarités et santé
Ministère attributaire > Solidarités et santé

Rubrique > établissements de santé

Titre > Réforme du financement des urgences pédiatriques

Question publiée au JO le : 16/11/2021
Réponse publiée au JO le : 24/11/2021 page : 10668

Texte de la question

M. Philippe Vigier alerte M. le ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences de la réforme du financement des urgences pédiatriques. L'année 2021 a été celle d'une réforme sans précédent du financement des urgences hospitalières, première étape plus générale de la réforme du financement des hôpitaux devenue indispensable. Cette réforme, qui sera totalement effective au 1er janvier 2022, a été menée en concertation avec différents acteurs des urgences adultes mais pas pour la pédiatrie. En France, chaque année les urgences hospitalières prennent en charge plus de 21 millions de patients dont 30 % ont moins de 18 ans. La moitié de ces six millions d'enfants et d'adolescents sont pris en charge par des services spécialisés d'urgences pédiatriques. Cette réforme du financement des urgences modifie de façon radicale le financement des services. Elle met fin au système basé uniquement sur l'activité, ce qui est une bonne chose. À partir du 1er janvier 2022, 60 % de leur financement sera indépendant de l'activité et 40 % sera établi en fonction de l'activité à partir d'un « tarif de base » qui sera indexé sur l'âge des patients. Les tarifs décidés sont de 27,90 euros pour les soins des enfants de moins de 16 ans, 35,74 euros pour les patients de 16 à 44 ans, 41,73 euros pour les patients de 45 à 74 ans, 50,02 euros pour les patients de plus de 75 ans. À partir de cette date, les mêmes soins effectués chez les plus jeunes seront moins valorisés financièrement que ceux effectués aux plus âgés. À sévérité égale, une consultation aux urgences pour un patient de 52 ans donnera une contrepartie financière 50 % plus élevée que pour un patient de trois ans. Le décalage avec la réalité est majeur et pénalise durement et injustement les équipes qui prennent en charge les enfants car à acte égal, les besoins en personnels pour les soins aux jeunes enfants sont plus importants (réalisation d'une prise de sang, d'un plâtre ou de points de suture par exemple). À ce tarif de base s'associent des coefficients modificateurs qui, là encore, pénalisent les soins prodigués aux enfants, avec par exemple des suppléments pour la biologie qui seront moindres pour les patients de moins de 16 ans. En cette période où les services d'urgences pédiatriques et les services de pédiatrie en général, dans toute la France, font face à une épidémie de bronchiolites très précoce, cette réforme du financement des services d'urgences, si elle s'applique comme cela est prévu, va aggraver une situation déjà critique en sous-finançant les urgences pédiatriques. Il l'interroge pour savoir si ce projet va être modifié en profondeur avant le 1er janvier 2022.

Texte de la réponse

FINANCEMENT DES URGENCES PÉDIATRIQUES


M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour exposer sa question, n°  1524, relative au financement des urgences pédiatriques.

M. Philippe Vigier. En cette année 2021, première étape de la réforme du financement des hôpitaux, la réforme du financement des urgences est engagée. En France, ces services accueillent chaque année 21 millions de patients, dont 6 millions d'enfants au sein des urgences pédiatriques ; parmi ces derniers, la moitié, soit environ 3 millions, entrent dans des services très spécialisés.

Une large concertation a été menée avec les urgentistes s'agissant de l'accueil des adultes, mais celle-ci n'a pas concerné les pédiatres – ce qui est étonnant. Auparavant, madame la ministre déléguée, l'activité déterminait la dotation octroyée aux services. Le système a été modifié – c'était d'ailleurs nécessaire : désormais 60 % du montant de leur financement dépendent de l'activité tandis que 40 % sont fondés sur celle-ci. Cependant, là où le bât blesse, c'est que la tarification n'est pas la même selon l'âge des patients : elle est par exemple fixée à 27,90 euros pour les soins sur des enfants de moins de 16 ans, mais passe à 50 euros pour les patients de plus de 75 ans. Ainsi, la dotation octroyée aux services sera plus ou moins importante en fonction de l'âge du patient.

Ce système n'est pas bon – je me souviens de mon internat à l'hôpital Necker il y a une quarantaine d'années : pratiquer une prise de sang sur un nourrisson de quelques jours requiert une compétence technique et cet acte ne peut être effectué par une seule personne ; il faut tenir l'enfant, au total ce souvent trois personnes qui sont mobilisées. Il en est de même pour les points de suture ou la pose d'un plâtre. Il est donc incompréhensible que la rémunération des soins dispensés à un enfant soit inférieure à celle fixée pour les soins à un adulte, alors qu'on y consacre plus de temps.

À cela s'ajoute un deuxième élément, celui des coefficients modificateurs : certains actes de médecine, comme la biologie médicale, sont moins valorisés lorsqu'ils sont prodigués à des enfants qu'ils ne le sont lorsqu'ils sont réalisés sur des adultes.

Si j'appelle votre attention sur ces questions, c'est parce que les services pédiatriques sont déjà en tension. Ils le sont d'autant plus qu'ils doivent faire face actuellement à une recrudescence des cas de bronchiolites, après avoir été en première ligne pendant l'épidémie de covid-19 et avoir souffert d'un problème d'attractivité. J'avais d'ailleurs sollicité le ministre Olivier Véran lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Vous étiez présente, madame la ministre déléguée, et vous connaissez mon engagement pour ces questions. Autant l'ambition affichée de vouloir réformer le financement des hôpitaux, et des urgences en particulier, est essentielle, autant il ne faut pas laisser la pédiatrie de côté. Cette spécialité française est reconnue en Europe et dans le monde pour ses immenses qualités. N'envoyons pas à ces professionnels, médecins et personnel médical, qui aiment leur service, un message inacceptable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie. Votre question me donne l'occasion de rappeler que la réforme du financement des urgences et des structures mobiles d'urgence et de réanimation (SMUR) a été coconstruite avec l'ensemble des acteurs – dont les syndicats et la société savante des urgentistes – qui ont été concertés.

La réforme poursuit trois objectifs principaux : mieux articuler urgences et soins de ville non programmés, reconnaître l'intensité de prise en charge et mesurer la qualité des prises en charge dans les structures. Les négociations ont permis de s'accorder sur la révision des modes de financement qui seront engagés demain : une dotation populationnelle, un forfait patient urgences (FPU) complété, le cas échéant, par un ou deux suppléments liés à la lourdeur de la prise en charge, des suppléments correspondant aux recours aux plateaux techniques et aux spécialistes, ainsi qu'à l'exercice de leurs activités la nuit et les jours fériés.

Les urgentistes prennent en charge 60 % des entrées de personnes de moins de 18 ans dans les structures d'urgence et, dans leur très grande majorité, les interventions des SMUR concernent les enfants. Deux éléments du financement sont effectivement modulés en fonction de l'âge : le forfait urgentiste et le supplément biologie. Cette modulation ne constitue en rien – je veux vous rassurer sur ce point – une moindre valorisation de l'activité pédiatrique, mais s'appuie sur la réalité des prises en charge qui nécessitent moins d'actes pour les enfants que pour leurs aînés.

Nous nous sommes assurés que la réforme n'affecterait pas les urgences accueillant de nombreux enfants, en prévoyant notamment un mécanisme neutralisant d'éventuels effets négatifs qui n'auraient pas été anticipés. Le calibrage des nouveaux forfaits a été assuré pour les 650 établissements comprenant des services d'urgence et correspond aux équilibres moyens de ceux-ci. Toutefois, il pourra être pertinent d'affiner ce modèle pour les établissements qui assurent une activité d'urgence exclusivement pédiatrique – un peu moins de vingt structures sont concernées – et connaissent souvent une plus forte activité que la moyenne, comme en ce moment notamment.

Les travaux du ministère se poursuivent avec les représentants des urgentistes et des pédiatres, afin de mieux identifier et valoriser les prises en charge pédiatriques les plus lourdes et les organisations spécifiques, et afin de répondre ainsi pleinement à l'ambition que nous partageons.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J'entends votre réponse, madame la ministre déléguée, et j'y vois des signes d'apaisement. Mais il faut poursuivre cette concertation – vous ne pouvez pas tout voir, c'est normal – car les questions que j'ai évoquées s'agissant de la tarification sont encore sur la table. Si l'on veut envoyer un signal fort, faire le plus beau cadeau de Noël aux enfants qui passent par les urgences et aux personnels qui y font preuve d'un dévouement et d'une compétence extraordinaires, il faut leur apporter une réponse positive d'ici à la fin de l'année.