Question écrite n° 15253 :
Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières

15e Législature

Question de : M. Charles de la Verpillière
Ain (2e circonscription) - Les Républicains

M. Charles de la Verpillière appelle l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières de l'ONU qu'un membre du Gouvernement a signé ce lundi 10 décembre 2018. Il souhaite le mettre en garde sur les dangers de cet engagement qui crée un droit politique à la migration dont la Nation sera débitrice, au détriment des citoyens. Le texte de ce pacte finalisé à New York le 13 juillet 2018 est d'autant plus inquiétant que toute une séries de ses objectifs contreviennent aux normes existantes, ou sont en complet décalage avec les enjeux économiques et sociaux liés à la régulation de l'immigration, notamment ce qui concerne l'organisation des regroupements familiaux, l'ouverture de droits à la sécurité sociale et de droits sociaux aux migrants, la promotion des cultures, traditions et coutumes des migrants, la volonté de relayer au dernier rang des mesures acceptables les mesures de rétention administrative. Il est regrettable que ni les citoyens, ni la représentation nationale n'aient été consultés en amont de la conclusion de tels accords, qui, même si le pacte est prétendument « non contraignant », engageront nécessairement la France qui devra trouver les moyens financiers et humains de la mise en conformité de notre politique migratoire. L'ouverture des flux migratoires, si elle n'est pas suffisamment encadrée et mal gérée, risque de générer des situations d'insécurité. Les Etats-Unis s'étaient retirés alors que ce texte était encore en cours d'élaboration, l'Autriche, l'Australie, le Chili, la République tchèque, la République dominicaine, la Hongrie, la Lettonie, la Pologne et la Slovaquie ont fait part de leur retrait après avoir approuvé le texte élaboré en juillet 2018, et la Belgique, la Bulgarie, l'Estonie, Israël, l'Italie, la Slovénie et la Suisse ont fait part de leurs craintes quant aux conséquences que pourraient avoir ce pacte dans leurs états souverains, et se sont abstenus de le signer pour permettre des consultations internes. Aussi, il lui demande les raisons de cet engagement en catimini, sans consultation des citoyens ou de leurs représentants, et comment l'État envisage de financer le coût des mesures auxquelles il vient de s'engager.

Réponse publiée le 23 avril 2019

Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières a été adopté le 10 décembre 2018 à Marrakech et définitivement endossé par une résolution de l'Assemblée générale de l'ONU le 19 décembre 2018, avec 152 votes pour, 5 votes contre et 12 abstentions. La France a soutenu l'adoption de ce texte, dans la mesure où il représente une contribution importante en vue d'une meilleure gestion des flux migratoires à l'échelle internationale. En effet, partant du principe qu'aucun Etat ne peut gérer seul le défi des migrations, ce Pacte vise à encourager une coopération renforcée dans le domaine migratoire et repose sur le principe de la responsabilité partagée entre pays d'origine, de transit et de destination pour mettre fin aux flux migratoires anarchiques et assurer des migrations sûres, ordonnées et régulières. Parmi les points forts du Pacte, à cet égard figurent notamment le renforcement de la lutte contre le trafic de migrants et la traite des êtres humains, ainsi que de la lutte contre la migration irrégulière, de façon à éviter les décès au cours des trajets migratoires et sauver des vies en mer et ailleurs. Ces objectifs font partie des priorités de la France, ainsi que de nombreux autres pays, qu'ils soient d'origine, de transit et/ou de destination. C'est pourquoi le Pacte est soutenu par une large majorité de la communauté internationale, même si certains Etats ont décidé de se mettre en retrait. Ce Pacte n'est pas juridiquement contraignant et constitue essentiellement un recueil de bonnes pratiques, comme cela est explicité dès le Préambule ("ce Pacte mondial représente un cadre de coopération non juridiquement contraignant"). Le Pacte ne crée pas d'obligations juridiques autres que celles auxquelles un Etat a déjà souscrit. S'il prévoit des "engagements", il s'agit d'engagements politiques qui correspondent à des grands principes de gestion de la migration de façon sûre, ordonnée et régulière qui se déclinent en des listes de bonnes pratiques, des "instruments de politique publique" dont les Etats sont encouragés à s'inspirer. L'adoption du Pacte n'aura pas d'impact sur notre souveraineté nationale. Au contraire, la souveraineté des Etats en matière de politique migratoire est réaffirmée dès le Préambule. Elle est même élevée au rang de "principe directeur"du texte. Ainsi, le texte invite les Etats à mettre en œuvre les instruments de politique publique proposés"en tenant compte des différentes réalités nationales, politiques, priorités et conditions pour l'entrée sur le territoire, les conditions de résidence et de travail, en conformité avec le droit international". Par conséquent, rien dans le Pacte ne contraindra la France à mettre en œuvre telle ou telle action proposée par le Pacte qui ne serait pas compatible avec sa législation ou ses politiques publiques telles que définies démocratiquement. En revanche, comme pour de nombreux pactes internationaux, la mise en œuvre du Pacte par les Etats fera l'objet d'un suivi, sur une base interétatique, via une conférence internationale organisée tous les quatre ans et un suivi annuel. Ceci permettra un dialogue régulier entre Etats sur le sujet des migrations et créera une dynamique en vue d'une meilleure coopération internationale. En outre, le Pacte préserve la capacité des Etats à distinguer clairement entre migrants réguliers et irréguliers dans la mise en œuvre de leurs politiques, le cas échéant en réservant aux migrants réguliers le bénéfice de certaines prestations. Le Pacte mondial sur les migrations ne crée pas de nouveaux droits pour les migrants, ni en matière de regroupement familial, ni en matière de droits à la sécurité sociale et aux services sociaux. Par ailleurs, le Pacte prévoit que les Etats doivent favoriser l'intégration des migrants réguliers dans le pays d'accueil, mais qu'en contrepartie, les migrants doivent respecter les lois et les valeurs de ces pays. En aucun cas, le Pacte ne crée un "droit à la migration". Le texte ne crée pas de nouveaux droits pour les migrants et vise uniquement à renforcer pour les migrants la protection de droits existants dont ils bénéficient au titre d'autres instruments de droit international. Le Pacte, qui n'ajoute aucune obligation ou aucun droit au cadre juridique international existant, rappelle que les Etats ont la prérogative de déterminer qui ils admettent sur leur territoire. Dans ce contexte, ce Pacte ne remet en aucune façon en cause notre législation nationale, telle que modifiée notamment par la loi n° 2018-778 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Le Pacte prévoit enfin un "débat public ouvert"sur la question à travers une"information indépendante, objective et de qualité". Cet appel au débat n'est guère contestable. Alors que la manipulation de l'information représente une des menaces les plus importantes auxquels font face nos démocraties et nourrit le populisme, il est plus que jamais nécessaire de favoriser, comme le Pacte nous y encourage, un débat démocratique, contradictoire et fondé sur des arguments rationnels, au sujet des migrations, dans le plein respect de la souveraineté nationale.

Données clés

Auteur : M. Charles de la Verpillière

Type de question : Question écrite

Rubrique : Immigration

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Dates :
Question publiée le 18 décembre 2018
Réponse publiée le 23 avril 2019

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