Centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe
Question de :
Mme Chantal Jourdan
Orne (1re circonscription) - Socialistes et apparentés
Mme Chantal Jourdan attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur la situation du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, qui connaît des évènements de violence graves à répétition. Le 5 octobre 2021, un détenu a agressé et retenu en otage plusieurs heures deux surveillants de la prison. C'est le quatrième incident majeur depuis la mise en service de l'établissement en 2012. Il est évident que ces violences s'expliquent par une pluralité de facteurs qu'il faut identifier. Aussi bien le personnel que la direction évoquent des dysfonctionnements. Le plus important, d'où semble découler un certain nombre de problématiques, concerne le rôle spécifique du centre pénitentiaire. En effet, à l'origine, cet établissement de haute sécurité a été pensé et construit pour être un lieu temporaire de détention pour des personnes condamnées à de longues peines, présentant un profil dangereux. Tous les personnels s'accordent pour dire que le projet initial de l’établissement était d'accueillir ces détenus de neuf à douze mois, avec une prise en charge particulière, pour ensuite les transférer vers d'autres établissements. Néanmoins, il semblerait que ce projet d'établissement n'ait jamais été réellement formalisé. Ainsi, le caractère temporaire du passage des détenus ne se concrétise pas et beaucoup y séjournent depuis des années. Selon le personnel, cela crée des situations de frustration, de désespoir, voire un sentiment de ne plus rien avoir à perdre et exacerbe de façon importante les tensions et la violence. Par ailleurs, le personnel comme la direction évoquent des problèmes d'effectifs. En effet, s'il est établi que le taux de couverture théorique de ce centre pénitentiaire est élevé, dans la pratique, le taux de couverture effectif est bien moindre. Par exemple, la règle du binomage ne peut pas toujours être respectée. Ces conditions créent de l'insécurité pour le personnel, la direction et les détenus. Compte tenu de ces éléments, elle lui demande s'il peut lui apporter des éléments complémentaires sur le rôle exact que la direction de l'administration pénitentiaire a entendu confier à cet établissement et, le cas échéant, des éléments qui expliqueraient que l'objectif d'accueil provisoire ne soit pas atteint. Elle lui demande également si une réflexion est engagée afin de trouver une solution aux problèmes d'effectifs réels du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.
Réponse en séance, et publiée le 24 novembre 2021
CENTRE PÉNITENTIAIRE DE CONDÉ-SUR-SARTHE
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jourdan, pour exposer sa question, n° 1552, relative au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.
Mme Chantal Jourdan. J'appelle l'attention du Gouvernement sur la situation du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, où le garde des sceaux s'est rendu, centre où sont commises des violences graves à répétition.
Le 5 octobre dernier, un détenu a agressé et retenu en otage, pendant plusieurs heures, deux surveillants de la prison. C’est le quatrième incident majeur depuis la mise en service de l’établissement en 2012.
Ces violences s'expliquent par une pluralité de facteurs qu'il nous faut identifier. Aussi bien le personnel que la direction évoquent des dysfonctionnements. Le plus important concerne le rôle spécifique du centre pénitentiaire. En effet, à l'origine, cet établissement de haute sécurité a été pensé pour être un lieu temporaire de détention pour des personnes condamnées à de longues peines, présentant un profil dangereux. Tous les personnels s'accordent pour dire que le projet initial de l'établissement était d'accueillir ces détenus de neuf à douze mois, avec une prise en charge particulière, pour ensuite les transférer vers d'autres établissements. Néanmoins, il semblerait que ce projet d'établissement n'ait jamais été réellement formalisé. Ainsi, le caractère temporaire du passage des détenus ne se concrétise pas et beaucoup y séjournent depuis plusieurs années. Selon le personnel, cela crée des situations de frustration, de désespoir, voire un sentiment de ne plus rien avoir à perdre et cela exacerbe les tensions et la violence.
Par ailleurs, le personnel comme la direction évoquent des problèmes d'effectifs. En effet, s'il est établi que le taux de couverture théorique de ce centre pénitentiaire est élevé, dans la pratique, le taux de couverture effectif est bien moindre. Par exemple, la règle du binômage ne peut pas toujours être respectée. Ces conditions créent de l'insécurité pour le personnel, la direction et les détenus.
Compte tenu de ces éléments, madame la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire, pourriez-vous apporter des éléments complémentaires sur le rôle exact que la direction de l'administration pénitentiaire a entendu confier à cet établissement ? Par ailleurs, une réflexion est-elle engagée afin de trouver une solution aux problèmes d'effectifs réels du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Mme Nathalie Elimas, secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire. Vous appelez l'attention du garde des sceaux sur la situation du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe. Je vous prie d'excuser son absence ce matin et je vais répondre en son nom. Vous l'avez dit, les personnels du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe ont été durement éprouvés par des incidents d’une particulière gravité. Je tiens à saluer leur engagement quotidien au service du service public pénitentiaire et à leur renouveler notre soutien.
L’affectation des condamnés au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe se fonde sur les textes en vigueur pour les établissements pour peines et ne fait pas l’objet de dispositions dérogatoires. Néanmoins, à la suite de la prise d’otages du 5 octobre dernier, un groupe de travail piloté par la directrice interrégionale adjointe des services pénitentiaires de Rennes et réunissant la direction de l’établissement et l’ensemble des organisations syndicales, y compris les organisations qui ne sont pas représentées localement, a été mis en place. Ce groupe de travail a permis d'ouvrir une réflexion sur le projet d’établissement en tenant compte de la vocation sécuritaire du quartier maison centrale. Il doit également objectiver les risques de violence liés à la durée d’affectation au sein de l’établissement afin de permettre de trouver un équilibre dans la gestion de la détention entre des personnes détenues affectées pour une courte durée et d’autres personnes détenues affectées pour une durée plus longue, qui est potentiellement une source de stabilité de la vie en détention, notamment dans le cadre du maintien des liens familiaux.
En ce sens, les services de l’administration centrale, compétents en matière d’affectation de condamnés en maison centrale, vont accompagner les réflexions ouvertes au niveau local tant en matière d’organisation de la détention que d’affectation des personnes détenues.
En ce qui concerne le taux de couverture total des personnels de surveillance de cet établissement, il était de 97,93 % au 30 septembre 2021. Contrairement à ce que vous indiquez, nous ne pouvons pas parler de problème d’effectifs au sein du centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jourdan.
Mme Chantal Jourdan. Je vous remercie pour les éléments que vous avez apportés. Les personnels ont le sentiment que si le groupe de travail mis en place lors de l'avant-dernier événement violent avait fait des propositions, si des projets avaient été avancés, aucun d'entre eux n'a été mis en œuvre. Il est important pour les personnels et la direction que les promesses soient suivies d'actes.
Enfin, il y a vraiment un différend sur la perception du taux de couverture des effectifs. Si on prend en compte la présence des surveillants, le taux de couverture est inférieur à celui que vous avancez. Du reste, on peut comprendre que l'on ressente un manque de personnels compte tenu de la difficulté de la tâche et de la présence de surveillants débutants qui se trouvent face à des situations très difficiles. Peut-être aussi faut-il réfléchir à l'affectation de ces jeunes professionnels.
Auteur : Mme Chantal Jourdan
Type de question : Question orale
Rubrique : Lieux de privation de liberté
Ministère interrogé : Justice
Ministère répondant : Justice
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 16 novembre 2021