15ème législature

Question N° 1564
de Mme Sophie Mette (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Gironde )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > patrimoine culturel

Titre > La politique de la France et de l'Europe vis-à-vis du patrimoine culturel afghan

Question publiée au JO le : 30/11/2021
Réponse publiée au JO le : 08/12/2021 page : 11272

Texte de la question

Mme Sophie Mette interroge Mme la ministre de la culture sur la politique de France et de l'Europe vis-à-vis du patrimoine culturel afghan. Cette année, lors d'une précédente question orale sans débat, Mme la députée interrogeait Mme la ministre sur l'avenir de l'Europe de la culture, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne. Celle-ci est désormais imminente. Or cet été, comme chacun sait, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan. En ce mois de novembre 2021, la crise humanitaire atteint un niveau critique. La France s'est immédiatement engagée à défendre ceux qui ont travaillé pour elle et aussi les artistes. Qu'en est-il de ceux qui protègent le riche patrimoine culturel afghan ? Les professionnels de la culture travaillaient depuis plus de deux décennies à remettre sur pied la culture du pays, des chercheurs jusqu'aux étudiants, en passant par le personnel des musées et les archéologues. Au fil des années, le superbe minaret de Djam, classé à l'Unesco, n'a par exemple été sauvegardé que par leurs efforts. Les femmes et les hommes qui ont œuvré à la protection, la restauration ou même la compréhension d'œuvres culturelles en Afghanistan sont depuis cet été menacés de mort. Les talibans, comme l'État islamique en son temps, font parfois des ravages lorsqu'il s'agit de représentations historiques et culturelles qui ne conviennent pas à leur idéologie. Le patrimoine afghan, qu'il soit matériel comme les nombreux sites de l'âge du bronze, ou immatériel tel que le chant ghazal, contient des éléments nécessaires à la cohésion de la nation. La société afghane est plurielle, aussi bien en termes religieux qu'en termes tribaux, et rien ne montre aussi bien à la fois l'unité et la complexité d'une histoire et d'une culture que le patrimoine. Ce sont des éléments nécessaires à la construction d'une société ouverte, prête à aller de l'avant. Michelle Bachelet, haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, a elle-même reconnu la valeur humanitaire de ces activités, ainsi que le droit à la protection des « travailleurs de la culture » lors des conflits. Les occidentaux ont montré des désaccords et subi de lourds échecs en matière militaire en Afghanistan. La gestion de la crise liée à l'arrivée des talibans en révèle de nouveaux. La France et l'Europe, après des millénaires de civilisations et de guerres, connaissent la valeur de leur patrimoine, peut-être mieux que quiconque. La culture, la protection du patrimoine, ne pourraient-elles pas unir l'Europe dans son action ? La France inclura-t-elle les professionnels du patrimoine culturel afghan dans sa liste prioritaire de rapatriements ? Certains ont-ils déjà eu lieu et, si tel est le cas, qu'en est-il du suivi de la situation de ces personnes ? Enfin, lors de sa présidence, la France encouragera-t-elle l'Europe à agir plus avant pour la défense du patrimoine, en Afghanistan et partout où il est menacé ? Elle lui demande son avis sur ce sujet.

Texte de la réponse

PATRIMOINE CULTUREL AFGHAN


M. le président. La parole est à Mme Sophie Mette, pour exposer sa question, n°  1564, relative au Patrimoine culturel afghan.

Mme Sophie Mette. Tout d'abord, madame la ministre de la culture, nous sommes ravis que vous soyez de retour dans l'Hexagone.

Cette année, lors d'une précédente question orale sans débat, je vous interrogeais sur l'avenir de l'Europe de la culture, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne. Celle-ci étant désormais imminente, je vous interroge de nouveau en évoquant cette fois un sujet à propos duquel la France devrait, selon moi, mobiliser les forces de l'Union européenne.

Cet été, comme chacun sait, les talibans ont repris le pouvoir en Afghanistan. En ce mois de novembre 2021, la crise humanitaire a atteint un niveau critique. La France s'est immédiatement engagée à défendre ceux qui ont travaillé pour elle ainsi que les artistes. Qu'en est-il de ceux qui protègent le riche patrimoine culturel afghan ?

Les professionnels de la culture travaillaient depuis plus de deux décennies à remettre sur pied la culture du pays, des chercheurs jusqu'aux étudiants, en passant par le personnel des musées et les archéologues. Au fil des années, le superbe minaret de Djam, classé à l'UNESCO, n'a par exemple été sauvegardé que grâce à leurs efforts.

Les femmes et les hommes qui ont œuvré pour la protection, la restauration ou même la compréhension d'œuvres culturelles en Afghanistan sont depuis cet été menacés de mort. Les talibans, comme l'État islamique en son temps, font parfois des ravages lorsque des représentations historiques et culturelles ne leur conviennent pas.

Le patrimoine afghan, qu'il soit matériel comme les nombreux sites de l’âge du bronze, ou immatériel tel que le chant ghazal, contient des éléments nécessaires à la cohésion de la nation. La société afghane est plurielle, aussi bien du point de vue religieux que tribal. Or rien ne montre aussi bien à la fois l'unité et la complexité d'une histoire et d'une culture que le patrimoine. Celui-ci est nécessaire à la construction d'une société ouverte, prête à aller de l'avant.

Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a elle-même reconnu la valeur humanitaire de ces activités, ainsi que le droit à la protection des travailleurs de la culture lors des conflits.

Les Occidentaux ont laissé apparaître des désaccords et subi de lourds échecs militaires en Afghanistan. La gestion de la crise liée à l'arrivée des talibans en révèle de nouveaux. La France et l'Europe, après des millénaires de civilisation et de guerres, connaissent, peut-être mieux que quiconque, la valeur de leur patrimoine.

La culture et la protection du patrimoine ne peuvent-elles pas conduire l'Europe à agir de façon unie ? La France inclura-t-elle les professionnels du patrimoine culturel afghan dans sa liste de rapatriements prioritaires ? Certains ont-ils déjà eu lieu et, si tel est le cas, comment le suivi des personnes concernées est-il assuré ? Enfin, la France mettra-t-elle à profit sa présidence du Conseil de l'Union européenne pour encourager l'Europe à agir davantage pour la défense du patrimoine, en Afghanistan et partout où il est menacé ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Votre question est particulièrement opportune. Le ministère de la culture et, au-delà de lui, l'ensemble du Gouvernement portent une attention toute particulière à la situation des artistes afghans et à la protection du patrimoine de l'Afghanistan. Dès la prise de Kaboul par les talibans, j'ai demandé à mon administration de constituer une cellule de crise et de se mobiliser pour apporter notre appui à l'accueil de personnalités du monde de la culture, y compris celles qui protègent le patrimoine culturel afghan : les chercheurs, les étudiants, les personnels des musées et les archéologues.

Les équipes de mon ministère ont constitué et consolidé une liste d'environ 700 personnalités culturelles et journalistes à sécuriser, transmise quotidiennement au ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Beaucoup ont fait partie des 2 600 personnes évacuées par la France, mais leur identification reste très difficile, du fait du très grand nombre de familles concernées. La liste est continûment tenue à jour, au fil des signalements qui nous sont transmis.

S'agissant de l'accompagnement des personnes identifiées, le ministère finance plusieurs structures, dont l'atelier des artistes en exil et la Cité internationale des arts, et a versé une subvention spécifique au programme d'accueil en urgence des scientifiques en exil du Collège de France. Près de 500 000 euros ont été mobilisés au total.

Le ministère poursuivra ses efforts – vous pouvez en être assurée –, notamment pour accueillir des professionnels afghans du patrimoine dans des structures publiques. Je pense par exemple à l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) pour les archéologues. Par ailleurs, de nombreuses actions de sensibilisation seront menées en 2022, notamment au musée Guimet et au musée du Louvre, à l'occasion du centenaire de la création de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA).

Cette question importante a été en outre l'objet d'échanges avec mes homologues européens lors du débat d'orientation sur le patrimoine culturel, organisé à l'occasion du Conseil de l'Union européenne consacré à la culture qui s'est tenu le 30 novembre dernier, pour garantir une réelle mobilisation commune à l'échelle européenne. Au cours de cette réunion, qui fut l'occasion du passage de témoin entre le président slovène du Conseil et moi-même, tous les ministres de la culture ont évoqué l'Afghanistan et exprimé leur volonté commune de se mobiliser. Nous relaierons bien sûr cette ambition au cours de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.