15ème législature

Question N° 1580
de M. Éric Pauget (Les Républicains - Alpes-Maritimes )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Logement
Ministère attributaire > Logement

Rubrique > urbanisme

Titre > Non-artificialisation ou construction ? Pour une clarification de la loi SRU

Question publiée au JO le : 30/11/2021
Réponse publiée au JO le : 08/12/2021 page : 11294

Texte de la question

M. Éric Pauget appelle l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur les difficultés auxquelles sont confrontées de nombreuses communes françaises parmi les 1 100 répertoriées comme « carencées ». En effet, les maires de ces communes doivent faire face à deux injonctions bien contradictoires : zéro artificialisation des sols et - « en même temps » - production de logements sociaux au titre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). D'une part, il leur est demandé de stopper toute bétonisation et, d'autre part, ils sont soumis à une pénalité financière car ils n'atteignent pas les objectifs de la loi SRU et ce bien souvent en dépit d'efforts importants de construction. La 7ème circonscription des Alpes-Maritimes est particulièrement illustrative de cette situation paradoxale : 6 communes sur 7 de plus de 3 500 habitants y sont « carencées » : Antibes-Juan-les-Pins, Vallauris-Golfe Juan, Biot, Roquefort-Les-Pins, Tourrettes-Sur-Loup, Le Rouret, non pas parce qu'elles sont réfractaires à ces mesures mais tout simplement parce que l'objectif imposé de production de 2 000 logements sociaux par an sur un territoire, en l'occurrence composée de 83 % d'espaces naturels dont 50 % en forêt, est inatteignable. Cette situation ubuesque suscite incompréhension, découragement voire une colère chez bon nombres d'élus locaux, qui se voient déjà confrontés au maquis des trop nombreux textes réglementaires. En effet, il relève de l'évidence que la politique de zéro artificialisation nette des sols superposée à la loi SRU ne peut être appliquée uniformément, faute d'avoir le même impact sur l'ensemble du territoire national. Il est donc impératif de mener une politique de territorialisation, de différenciation et d'expérimentation, selon que l'on se situe sur une zone peu urbanisée ou bien encore sur un territoire déjà fortement contraint, comme l'est celui de la circonscription de M. le député. Alors que le projet de loi 3 DS va très prochainement venir en discussion à l'Assemblée nationale, M. le député estime que le Gouvernement ne peut pas faire l'économie d'une réflexion de fond sur une souhaitable modification en ce sens de la loi SRU. Aussi, il souhaiterait connaître les intentions du Gouvernement afin de pallier une situation préoccupante et d'adapter le dispositif SRU aux spécificités des territoires et partant, de prendre en compte les réalités locales.

Texte de la réponse

ARTIFICIALISATION DES SOLS ET LOI SRU


M. le président. La parole est à M. Alain Ramadier, pour exposer la question n°  1580, de M. Éric Pauget, relative à l'artificialisation des sols et à la loi SRU.

M. Alain Ramadier. Madame la secrétaire d'État, je vous prie d'excuser l'absence de M. Éric Pauget qui est empêché ce matin.

Aucune artificialisation des sols et, en même temps, production de logements sociaux au titre de la loi SRU : ces deux obligations difficiles à concilier, car elles sont contradictoires, contraignent fortement les 1 100 communes « carencées » de notre pays.

Face à cette contradiction, l'adage populaire « À l'impossible, nul n'est tenu » leur est applicable. En effet, madame la secrétaire d'État, en matière de logement, le Gouvernement mène une véritable politique de stop and go. D'une part, vous demandez aux maires de stopper toute bétonisation et d'autre part, vous les mettez à l'amende lorsqu'ils n’atteignent pas les objectifs de la loi SRU, et ce bien souvent en dépit d'efforts importants de construction.

La circonscription des Alpes-Maritimes où est élu Éric Pauget illustre de manière particulièrement emblématique cette situation ubuesque. Six communes sur sept de plus de 3 500 habitants y sont « carencées » : Antibes, Vallauris Golfe-Juan, Biot, Roquefort-les-Pins, Tourrettes-sur-Loup, Le Rouret. Cela ne vient pas de ce qu'elles seraient réfractaires à ces mesures, mais l'objectif imposé de production de 2 000 logements sociaux par an sur un territoire, qui en l'occurrence est composé de 83 % d'espaces naturels, dont 50 % en forêt, est purement et simplement inaccessible !

Pour tenir les objectifs, il faudrait que ces édiles mènent une politique de construction intensive et transforment leurs centres-villes. Madame la secrétaire d'État, est-ce là cette « densité heureuse » que vous envisagez pour demain ? Cette situation ubuesque suscite incompréhension, découragement et même colère chez des élus locaux qui sont déjà confrontés au maquis des trop nombreux textes réglementaires. En effet, il relève de l'évidence que la politique « zéro artificialisation nette » des sols superposée à la loi SRU ne peut être appliquée uniformément, car elle n'a pas le même impact sur l'ensemble du territoire national. Il est donc impératif d'agir avec discernement et de mener une politique encourageant la territorialisation, la différenciation et l'expérimentation, selon que l'on se situe sur une zone peu urbanisée ou bien encore sur un territoire déjà fortement contraint.

Alors que le projet de loi 3DS est en discussion au Parlement, le Gouvernement ne peut pas faire l'économie d'une réflexion profonde sur une souhaitable modification de la loi SRU en ce sens. Aussi, madame la secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous prendre afin d'adapter le dispositif SRU aux spécificités des territoires et partant, aux réalités locales, pour remédier à cette situation préoccupante ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État chargée de la biodiversité. Plus de vingt ans après son adoption, la loi solidarité et renouvellement urbains, et particulièrement son article 55, auquel vous faites référence, demeure une composante fondamentale de la politique du logement française.

Comme vous l'avez dit, elle induit actuellement un rattrapage de l’offre locative sociale dans 1 100 communes déficitaires, dont 280 ont fait l’objet, à l’issue du bilan triennal 2017-2019, d’un constat de carence.

Si dans de nombreuses communes la trajectoire de production de logement social respecte les objectifs fixés par la loi, le constat est largement partagé que le dispositif législatif actuel doit être amélioré pour être rendu plus soutenable et plus adaptable aux réalités de chaque territoire, sans remise en cause de son ambition. C'est le sens des dispositions figurant au sein du projet de loi dit 3DS, que vous êtes en train d'examiner par ailleurs.

Ce projet de loi se caractérise par trois évolutions significatives : il pérennise le dispositif de rattrapage triennal qui se heurtait, jusqu’alors, au « mur de 2025 » ; il revoit le niveau de référence des objectifs triennaux en le fixant à 33 % du déficit en logement social contre 50 % pour la période triennale actuelle ; enfin, il permet au maire et au préfet, en association avec le président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), d’adapter ce rythme de référence à la situation de chaque commune, en concluant un contrat de mixité sociale.

Le Sénat a choisi de conserver ces trois piliers lorsqu'il a examiné le texte l'été dernier. Voilà qui montre bien le consensus autour de ce triptyque. La chambre haute a toutefois amoindri la portée incitatrice de certaines dispositions en vigueur, que le Gouvernement souhaite voir rétablies pour conserver son ambition au dispositif et en maintenir l'équilibre général. C'est bien en effet ce principe d'équilibre qui nous guide, y compris dans l'indispensable conciliation des objectifs poursuivis par les politiques publiques.

Ainsi, il n'y a pas lieu d'opposer la recherche de la mixité dans l'offre de logement à la nécessaire préservation des espaces naturels ou à la réduction de l'artificialisation des sols. Ces objectifs peuvent être conciliés grâce à la mobilisation du foncier disponible en zone urbanisée, au renouvellement urbain ou à la mobilisation du parc de logements existants.

Le Gouvernement a par ailleurs entendu les collectivités locales et défend, dans le cadre de l'examen du projet de loi 3DS, un amendement visant à laisser six mois de plus aux territoires pour la territorialisation des objectifs de réduction du rythme de l'artificialisation, dans les documents régionaux d'urbanisme, afin d'assurer l'application sereine de cette trajectoire.

Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement agit de façon pragmatique et en concertation avec l'ensemble des parties prenantes pour concilier accès de chacun à un logement abordable et impératif écologique.<