15ème législature

Question N° 1586
de Mme Jeanine Dubié (Libertés et Territoires - Hautes-Pyrénées )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Économie, finances et relance
Ministère attributaire > Économie, finances et relance

Rubrique > impôts et taxes

Titre > Plus-values placées en report d'imposition

Question publiée au JO le : 30/11/2021
Réponse publiée au JO le : 08/12/2021 page : 11262

Texte de la question

Mme Jeanine Dubié appelle l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance sur une problématique fiscale, concernant les plus-values placées en report d'imposition. Dans les années 1980-90, sur Lourdes, beaucoup d'hôtels et de commerces, jusqu'alors gérés dans le cadre d'entreprise individuelle, ont été « apportés » en sociétés (soumises à l'impôt sur les sociétés), notamment pour faciliter la transmission de l'entreprise à leurs enfants. Ces apports ont alors dégagé des plus-values uniquement « fiscales » dites en « report d'imposition » (différence entre les prix d'acquisition des entreprises individuelles et leur valeur au moment des apports) très importantes du fait de la forte rentabilité dont bénéficiaient alors ces entreprises. Ces apports n'ont pas généré de perception d'argent, ni de déductions fiscales ou avantages particuliers par les contribuables : centrés sur des actifs incorporels (fonds de commerce), ils constituaient la valeur du capital social par une simple écriture comptable et formalité juridique sans aucun enrichissement corrélatif financier des apporteurs. Ces apports ont alors bénéficié d'un report d'imposition, prévu à l'article 151 octies du code général des impôts, qui dispose que cette imposition, dans la catégorie des plus-values professionnelles, est reportée jusqu'à la cession à titre onéreux, le rachat ou l'annulation des droits sociaux reçus en rémunération de l'apport. Or la valeur de ces fonds de commerce a parfois fortement chuté et les propriétaires de ces sociétés souhaitant céder leurs parts sociales se trouvent désormais confrontés à une iniquité en matière de fiscalité : la moins-value constatée de la vente qui sera dégagée lors de la cession des parts sociales relève du régime fiscal des plus et moins-values des particuliers, alors que la plus-value placée en report d'imposition lors de l'apport de l'entreprise individuelle en société relève du régime fiscal des plus-values professionnelles. Les moins-values des particuliers et les plus-values professionnelles ne pouvant se compenser (à l'inverse des moins-values et des plus-values relevant du même régime), le contribuable se retrouve donc à payer un impôt non adossé à une richesse perçue. Ainsi, malgré l'absence totale d'enrichissement du fait de la valeur dépréciée des sociétés, ces hôteliers et commerçants doivent s'acquitter de l'imposition sur de fortes plus-values placées historiquement en report d'imposition, dépassant parfois le million d'euros. Afin de mettre un terme à cette situation et de rendre le système fiscal plus équitable, elle souhaiterait savoir si le Gouvernement envisage une modification de la réglementation en la matière - en autorisant, par exemple, la compensation entre les moins-values des particuliers et les plus-values professionnelles.

Texte de la réponse

PLUS-VALUES PLACÉES EN REPORT D'IMPOSITION


M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour exposer sa question, n°  1586, relative aux plus-values placées en report d'imposition.

Mme Jeanine Dubié. Un problème fiscal se pose avec une acuité accrue depuis la crise du covid : celui des plus-values placées en report d'imposition.

Dans les années 1980-90, particulièrement à Lourdes, beaucoup d'hôtels et de commerces jusqu'alors exploités en entreprise individuelle ont été apportés en sociétés afin que les hôteliers et commerçants puissent les transmettre plus facilement à leurs enfants.

Ces changements de statut juridique ont permis aux hôteliers et commerçants de dégager des plus-values fiscales en report d'imposition, parfois très importantes du fait de la forte rentabilité de ces entreprises à l'époque.

Il est important de préciser que ces apports n'ont en aucun cas généré des perceptions d'argent ou des déductions fiscales pour ces contribuables, puisqu'ils étaient centrés sur des actifs incorporels – des fonds de commerce – et constituaient la valeur du capital social par une simple écriture comptable.

Or la valeur de ces fonds de commerce a fortement chuté en raison de la crise du covid et les propriétaires de ces sociétés souhaitant céder leurs parts sociales se trouvent désormais confrontés à une situation dont ils dénoncent l'iniquité en matière de fiscalité.

En effet, la moins-value constatée de la vente, qui sera dégagée lors de la cession des parts sociales, relève du régime fiscal des plus et moins-values des particuliers. En revanche, la plus-value placée en report d'imposition lors de l'apport de l'entreprise individuelle en société relève du régime fiscal des plus-values professionnelles. Ainsi, les moins-values des particuliers et les plus-values professionnelles ne pouvant se compenser, le contribuable se retrouve à payer un impôt non adossé à une richesse perçue.

Malgré une question écrite en décembre 2020 puis un courrier de relance en septembre 2021, je n'ai toujours pas obtenu de réponse sur ce sujet.

Je me permets donc de renouveler ma question : afin de mettre un terme à cette situation et de rendre le système fiscal plus équitable, le Gouvernement envisage-t-il de modifier la réglementation en la matière, par exemple en autorisant la compensation entre les moins-values des particuliers et les plus-values professionnelles ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l'industrie. Cette question a été soulevée par votre collègue Jean-Paul Mattei lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022. Comme je lui ai indiqué, le Gouvernement étudie attentivement les solutions qui pourraient y être apportées. Les amendements proposés dans le cadre de ces discussions n'ont toutefois pas permis de trouver, à ce jour, une solution satisfaisante.

La plus-value réalisée par une personne physique à l’occasion de l’apport d’une entreprise individuelle à une société soumise à un régime réel d’imposition, peut, sur option, faire l’objet d’un report d’imposition.

Lorsque l’apport de l’entreprise individuelle a été effectué à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, la plus-value d’apport dont l’imposition est reportée relève du régime des plus-values professionnelles. En revanche, la plus ou moins-value de cession ultérieure des droits sociaux reçus en rémunération de cet apport relève du régime des plus-values des particuliers. Cette différence ne permet pas d'imputer l’éventuelle moins-value réalisée lors de la cession des titres de la société soumise à un régime réel d’imposition sur la plus-value d’apport professionnelle, dont le report d’imposition prend fin lors de cette cession.

C'est ce point que vous proposez de remettre en cause. Cette interdiction d’imputation s’explique par le fait que chaque catégorie de revenu est déterminée selon des règles d’assiette qui lui sont propres et aucune compensation n’est possible en pareille situation. Les plus-values des particuliers et celles des professionnels ne sont pas soumises à la même taxation, aux mêmes règles d’assiette, ni au même traitement social, ce qui fait obstacle, en l’état actuel de la réglementation, à une compensation entre elles.

Revoir cette règle ouvrirait la voie à divers comportements frauduleux, ce que le Gouvernement souhaite éviter. Un travail est en cours au sein de l'administration pour réfléchir à un dispositif atténuant les effets de la situation que vous mentionnez tout en limitant le risque de fraude. C'est la seule raison qui explique le délai pris pour apporter cette réponse : les risques de fraude sont nombreux et il est aussi du devoir du Gouvernement de se prémunir contre eux.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Merci de cette réponse par laquelle vous laissez la porte ouverte. J'espère que vous trouverez une solution juridique pour que ces opérations puissent se réaliser dans le respect non seulement des intérêts des finances publiques mais aussi des personnes concernées. Je forme le vœu que la solution puisse être trouvée avant la fin de cette législature.