15ème législature

Question N° 1589
de M. Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés - Ardèche )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Culture
Ministère attributaire > Culture

Rubrique > archives et bibliothèques

Titre > Passe sanitaire dans les bibliothèques

Question publiée au JO le : 30/11/2021
Réponse publiée au JO le : 08/12/2021 page : 11273

Texte de la question

M. Hervé Saulignac appelle l'attention de Mme la ministre de la culture sur le passe sanitaire dans les bibliothèques. Les bibliothèques constituent le premier réseau culturel de France. Équipements de proximité par excellence, ouverts à tous, elles ont une fonction sociale majeure. En effet, les bibliothèques publiques assurent des missions multiples, a fortiori dans les territoires ruraux comme en Ardèche, qui vont bien au-delà d'une offre culturelle ou occupationnelle. Elles sont indispensables pour l'accès à l'éducation, à l'information, mais aussi pour se connecter à internet ou solliciter une aide administrative ou sociale pour les publics les plus précaires. Or depuis le 9 août 2021, l'accès aux bibliothèques est soumis à la présentation d'un passe sanitaire. Depuis le 30 septembre 2021, cette obligation s'applique également aux mineurs dès 12 ans. Ainsi donc, on demande aux bibliothécaires de refuser l'entrée aux enfants de plus de 12 ans non pourvus du passe, tandis que le public peut défiler sans aucune restriction dans n'importe quel espace commercial, comme la Fnac. Depuis cet été, les débrayages des professionnels et des bénévoles se multiplient partout en France. La liste des bibliothèques en grève pour s'opposer au passe sanitaire s'allonge de jour en jour et une soixante de communes ont déjà pris l'initiative de contourner la loi en exemptant les mineurs du passe sanitaire pour satisfaire, autant que faire ce peut, aux obligations de service public. En effet, la situation est alarmante. Selon une enquête commandée par le Gouvernement, un Français sur deux ne s'est pas rendu dans un lieu culturel depuis l'instauration du passe sanitaire alors qu'ils étaient 88 % à le faire avant l'épidémie ; le passe sanitaire est un frein potentiel pour 25 % des répondants et près d' un tiers assurent qu'ils fréquenteront désormais moins les lieux culturels. La fuite des lecteurs est indéniable. Elle se constate au quotidien dans les quelques 220 bibliothèques publiques ardéchoises. Le Gouvernement a déjà exempté du passe sanitaire les bibliothèques universitaires, la BNF et la BPI pour des motivations d'études et de recherche. Il lui demande si elle va continuer sur cette voie en mettant fin à l'obligation du passe sanitaire dans les bibliothèques et en restaurant les jauges d'accueil ; cette solution semble être la seule à ce jour qui permette à la fois de répondre aux obligations de service public de ces lieux et de lutter contre la propagation de l'épidémie.

Texte de la réponse

PASSE SANITAIRE DANS LES BIBLIOTHÈQUES


M. le président. La parole est à M. Hervé Saulignac, pour exposer sa question, n°  1589, relative au passe sanitaire dans les bibliothèques.

M. Hervé Saulignac. Nous aimons les bibliothèques publiques et ceux qui y travaillent. Elles constituent le premier réseau culturel de France. Ce sont des équipements de proximité par excellence, ouverts à tous, dont la fonction sociale va souvent bien au-delà du simple accès au livre, surtout dans les zones rurales telles que mon département, l'Ardèche, qui ne compte pas moins de 220 bibliothèques maillant le territoire. Ces bibliothèques, si modestes qu'elles puissent être, permettent à leurs usagers d'être accueillis, écoutés, guidés, encadrés et, d'une certaine manière, soignés. Elles sont le lieu où l'on fait ses devoirs scolaires quand on ne bénéficie pas de bonnes conditions pour les faire à la maison, où l'on trouve une connexion internet, où certains publics se réfugient.

Or, depuis quatre mois, l'accès aux bibliothèques est soumis à la présentation d'un passe sanitaire. Depuis le 30 septembre cette obligation s'étend aux mineurs, dès 12 ans : on demande aux bibliothécaires de refuser l'entrée à des enfants de 12 ans et demi, 13 ans ou 14 ans, qui ne disposent pas d'un passe et surtout qui n'ont parfois nulle part où faire leurs devoirs, tandis que leurs parents peuvent déambuler sans aucune restriction dans n'importe quel espace commercial.

Depuis cet été, les débrayages des professionnels et des bénévoles se multiplient partout en France pour dénoncer cette situation. La liste des bibliothèques en grève s'allonge de jour en jour et des communes ont même pris l'initiative de contourner la loi en exemptant les mineurs du passe sanitaire.

Vous le savez mieux que quiconque : la situation est alarmante. Selon une enquête commandée par le Gouvernement, un Français sur deux ne s'est pas rendu dans un lieu culturel depuis l'instauration du passe sanitaire, alors qu'ils étaient 88 % à le faire avant l'épidémie. Vous avez déjà exempté du passe sanitaire les bibliothèques universitaires, la Bibliothèque nationale de France (BNF) et la Bibliothèque publique d’information (BPI), car ce sont des cadres d'étude et de recherche. Mais les bibliothèques de campagne constituent aussi des lieux utiles et précieux.

Il me semble possible de traiter autrement l'accès aux bibliothèques et de lever ces restrictions qui pénalisent notamment des enfants, tout en conservant, bien entendu, les mesures de sécurité sanitaire nécessaires. Les jauges d'accueil sont souvent présentées comme la solution la plus pertinente. Elles respectent en effet l'esprit de prudence encouragé hier par le Premier ministre et par le ministre des solidarités et de la santé. Surtout, elles permettent d'effectuer des rotations sans exclure personne et éviteraient de laisser des enfants aux portes des bibliothèques.

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture.

Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture. Avant de vous répondre, monsieur le député, je vous conseille, par mesure de précaution, de porter votre masque sur le nez, et non pas seulement sur la bouche.

M. Hervé Saulignac. C'est le cas !

Mme Roselyne Bachelot, ministre . Vous l'avez repositionné après votre intervention, mais il faut précisément y veiller lorsque vous vous exprimez, parce que c'est en parlant que vous êtes le plus susceptible de projeter le coronavirus.

Pour répondre à votre question, je rappellerai, comme vous l'avez fait vous-même, que les bibliothèques constituent le premier équipement culturel public de proximité en France, tant en nombre – 16 000 établissements – que par l'importance et la diversité des publics accueillis, puisqu'elles comptent environ 12 millions d'usagers.

Ce quinquennat, je tiens à le rappeler, aura été marqué par une politique volontariste de soutien à ces établissements. Je pense bien sûr au rapport rédigé par Erik Orsenna et Noël Corbin et au plan Bibliothèques qui lui a fait suite, aux crédits importants qui leur ont été dédiés dans le cadre du plan de relance, mais également au soutien sans réserve du Gouvernement à la proposition de loi de la sénatrice Sylvie Robert qui permettra, d'ici à la fin de cette année, de consacrer le rôle essentiel des bibliothèques dans le code du patrimoine.

Il est vrai qu'elles sont soumises au passe sanitaire depuis le 9 août 2021, comme tous les établissements culturels recevant du public – cinémas, musées, salles de spectacles. Le passe sanitaire a permis d'accompagner la reprise – notamment des lieux culturels – et a pour but de protéger les Français.

Cette règle s'applique à toutes les bibliothèques et à tous les centres de documentation, avec les deux exceptions que vous avez mentionnées : les bibliothèques universitaires et spécialisées, ainsi que la BNF et la BPI, sauf pour les expositions ou événements culturels qu'elles organisent ; et les personnes accédant à ces établissements pour des motifs professionnels ou à des fins de recherche. Ces deux exceptions résultent de l'approche retenue concernant les bibliothèques universitaires, qui sont partie intégrante du dispositif applicable à l'enseignement supérieur, le passe sanitaire ne s'appliquant pas à ce dernier. Eu égard au public de la BNF – très majoritairement composé d'étudiants, d'enseignants et de chercheurs – et de celui de la BPI, il a été décidé de leur appliquer le même régime dérogatoire que celui des bibliothèques universitaires. L'application du passe sanitaire aux bibliothèques est donc la même que pour tous les autres lieux de culture, sans exception.

Nous connaissons le contexte sanitaire. Nous assistons à la flambée de la cinquième vague épidémique. Nous constatons que des personnes de plus en plus jeunes sont touchées par la covid-19 et y laissent parfois leur vie. Devant cette situation qui s'aggrave chaque jour, il ne s'agit pas de relâcher l'effort. Je confirme donc que l'application du passe sanitaire aux lieux culturels reste une nécessité. J'estime d'ailleurs que les élus qui s'affranchissent des consignes sanitaires et de la loi font courir un danger à nos concitoyens.

Je suis cependant de votre avis : bien sûr, dès que nous le pourrons, nous étudierons les possibilités d'aménagement du régime applicable aux bibliothèques – mais franchement, ce n'est pas le moment de relâcher notre effort.