Réforme de l'assurance récolte.
Question de :
Mme Marie-France Lorho
Vaucluse (4e circonscription) - Non inscrit
Mme Marie-France Lorho interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur la réforme de l'assurance récolte. Mme la députée constate que la réforme de l'assurance récolte qui doit être élaborée dans le courant du mois de janvier 2022 est une bonne nouvelle pour les agriculteurs , des professionnels qui ont successivement fait face au gel, aux sécheresses, aux dramatiques effets de la crise sanitaire et qui appellent de leurs vœux une simplification et un recours plus efficace au système d'assurance. La structure même de ce système, articulée et nivelée en fonction des spécificités agricoles des professionnels concernés, permettra un meilleur accès des agriculteurs à certaines assurances qui leur étaient jusqu'à présent trop coûteuses. C'est une avancée que Mme la députée salue. Néanmoins, Mme la députée s'alerte : les professionnels concernés font part de leurs inquiétudes quant au délai d'application d'une telle réforme, qui n'entrera en vigueur qu'en 2023. Pour l'heure, certains assureurs augmentent de manière immodérée leurs tarifs sur l'assurance récolte, de 10 à 25 % ! Par ailleurs, elle s'interroge sur la disparition potentielle du soutien de l'État aux agriculteurs non assurés . Si Mme le député peut entendre que le Gouvernement cherche à faire adhérer massivement les agriculteurs à la souscription d'une assurance, elle craint que, s'il ne leur en a pas été laissé le temps ou si, en raison d'une défaillance d'informations, les agriculteurs n'y souscrivent pas, ils soient privés de tout soutien. Elle lui demande s'il envisage de demander un gel des prix des assurances en l'attente de l'application de la réforme de manière à ce que les agriculteurs puissent y avoir accès pendant l'année 2022 et si le Gouvernement garantit que les non-assurés puissent toujours prétendre recourir à des aides d'urgence en cas de survenue d'une calamité agricole inattendue.
Réponse en séance, et publiée le 8 décembre 2021
RÉFORME DE L'ASSURANCE RÉCOLTE
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Lorho, pour exposer sa question, n° 1597, relative à la réforme de l'assurance récolte.
Mme Marie-France Lorho. La réforme de l'assurance récolte qui doit être élaborée dans le courant du mois de janvier prochain constitue une bonne nouvelle pour nos agriculteurs, qui ont successivement affronté le gel, les sécheresses et les effets dramatiques de la crise sanitaire, et qui appellent de leurs vœux une simplification du système d'assurance et un recours plus efficace. Sa structure même, articulée et nivelée en fonction des spécificités agricoles des professionnels concernés, améliorera l'accès des agriculteurs à certains contrats jusqu'à présent trop coûteux. C'est une avancée que je salue.
Néanmoins, les agriculteurs concernés nous font part de leur inquiétude quant au délai d'application d'une telle réforme, qui n'entrera en vigueur qu'en 2023. Pour l'heure, certains assureurs augmentent de manière immodérée leurs tarifs d'assurance récolte, de 10 à 15 %, voire 25 % pour les viticulteurs.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'éventuelle disparition du soutien de l'État aux agriculteurs non assurés. Je conviens que le Gouvernement cherche à faire adhérer massivement les agriculteurs à la souscription d’une assurance ; néanmoins, s'il ne leur en a pas été laissé le temps ou si, en raison d'une défaillance d'informations, les agriculteurs n’y souscrivent pas, seront-ils privés de tout soutien ?
Envisagez-vous de demander un gel des prix des assurances en attendant que la réforme entre en vigueur, afin que les agriculteurs y aient accès pendant l'année 2022 ? Nous garantissez-vous que les non-assurés pourront toujours prétendre recourir à des aides d'urgence, en cas de survenue de calamités agricoles inattendues ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Pour vous répondre précisément, il n'est aucunement question de priver les non-assurés d'une couverture des risques. La réforme du système assurantiel ne concerne pas que l'assurance récolte privée, proposée par les assureurs ; elle concerne l'ensemble du système de couverture, qui inclut la réforme de l'indemnisation des calamités agricoles et la réforme de l'assurance récolte, pour n'en faire qu'un seul et même système qui, très schématiquement, aura trois étages, en fonction du niveau de pertes. Jusqu'à la franchise, les dommages seront à la charge de l'agriculteur, comme dans tous les régimes de couverture des risques ; entre la franchise et un seuil dit de perte exceptionnelle, le dommage sera couvert par l'assureur, à condition d'avoir souscrit une assurance, ce qui ne sera pas obligatoire ; au-dessus de ce montant, la solidarité nationale et l'État interviendront.
Le système sera le même pour tout le monde. Ceux qui ne seront pas assurés bénéficieront du troisième étage du dispositif, sachant que les seuils seront définis en fonction des cultures, chaque nature de production appelant les siens.
Le système actuel est très complexe et trop peu attractif. Les dédommagements peuvent prendre des mois ou des années : l'indemnisation d'une sécheresse intervient parfois un an et demi après qu'elle est survenue. Nous élaborons un système clair, accessible, qui régule l'activité assurantielle, avec un groupement d'assureurs. Chacun prend sa responsabilité : les agriculteurs entre zéro et la franchise ; les assureurs entre la franchise et le seuil ; l'État au-delà.
S'agissant des délais, l'Espagne a mis douze ans à faire aboutir une telle réforme de l'assurance récolte ; nous avons entrepris d'y parvenir en un an. Nous ne pouvons le faire en trois semaines, et je vous assure que si tel avait été le cas, j'aurais été le premier à le souhaiter – vous commencez à me connaître.
Il faut d'abord construire l'architecture générale du système, avec les assureurs participants, selon les trois étages que je viens d'expliquer. Il faut prévoir les subventions que l'État versera, notamment pour couvrir les primes d'assurances, et les règles de gestion, qui veulent par exemple qu'un non assuré soit toujours, par définition, moins couvert qu'un assuré. C'est l'objet du projet de loi que j'ai présenté en Conseil des ministres la semaine dernière ; j'aurai l'honneur de le défendre ici même la semaine du 20 janvier 2022, puis au Sénat la semaine du 10 février, en vue d'une adoption avant la fin de la législature.
Il restera plusieurs mois pour déterminer les seuils, les règles actuarielles et les mécanismes d'application. Le projet de loi posera les fondements de la maison ; nous déterminerons la taille des pièces et la couleur du papier peint dans un second temps. Nous avons donc besoin de l'année 2022 pour finaliser le projet ; nous nous sommes fixé pour objectif de l'appliquer début 2023, au moment où la nouvelle politique agricole commune (PAC) entrera en vigueur. Il s'agit d'une réforme incroyablement structurante, techniquement très complexe. Le diable se niche dans les détails. Nous agirons avec beaucoup de force, de détermination et de professionnalisme, pour qu'enfin nos agriculteurs disposent d'un système de couverture des risques digne de ce nom.
Auteur : Mme Marie-France Lorho
Type de question : Question orale
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture et alimentation
Ministère répondant : Agriculture et alimentation
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 30 novembre 2021