15ème législature

Question N° 1601
de Mme Florence Lasserre (Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés - Pyrénées-Atlantiques )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Logement
Ministère attributaire > Logement

Rubrique > logement : aides et prêts

Titre > Nécessité d'un meilleur financement à la rénovation du bâti existant

Question publiée au JO le : 04/01/2022
Réponse publiée au JO le : 12/01/2022 page : 484

Texte de la question

Mme Florence Lasserre attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, sur la nécessité d'un meilleur financement à la rénovation du bâti existant pour respecter les objectifs nationaux en matière d'artificialisation des sols. La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a fixé un objectif national de zéro artificialisation nette d'ici 2050. Cette mesure devrait permettre de réduire efficacement et sur le long terme les conséquences délétères de l'artificialisation des sols, à savoir l'augmentation des temps de déplacements, l'éloignement des emplois et des services publics, la perte d'attractivité des centres-villes, la destruction de la biodiversité, ou encore la réduction des espaces naturels et agricoles, ce qui accroît la vulnérabilité des territoires aux catastrophes naturelles. La protection des terres ne doit toutefois pas se faire au détriment de la capacité des citoyens à se loger, au regard des difficultés de plus en plus de Français à trouver un logement décent à un prix raisonnable. Cette problématique est particulièrement d'actualité au Pays basque, qui connaît une crise du logement sans précédent. Face à cela, il existe tout un éventail d'outils sur lesquels les parlementaires ont eu l'opportunité de se pencher lors de l'examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale : l'encadrement renforcé des loyers, le bail réel solidaire, la taxation des résidences secondaires, la limitation des locations type Airbnb etc. Il existe toutefois un levier très simple, qui permettrait aux territoires de disposer de nouveaux logements tout en réduisant l'artificialisation de leurs sols. Il s'agit de la rénovation de l'immobilier ancien, de la réhabilitation des résidences insalubres, ou encore de la requalification des friches à l'abandon. Rénover une grange pour la transformer en logement coûte certes aujourd'hui souvent plus cher que de construire du neuf, mais cette stratégie n'est pas compatible avec l'objectif national de division par deux du rythme d'artificialisation sur la décennie à venir, d'autant plus qu'il faudra loger de plus en plus de monde. Il faut donc à tout prix utiliser le bâti existant, insalubre, vieux et sans usage, pour le recycler en logements. Une forte mobilisation de l'État est pour cela nécessaire, car le choix d'une stratégie de rénovation nécessite d'importants financements que les particuliers et collectivités ne peuvent assumer seuls. Le Gouvernement a déjà fait de grands pas dans la bonne direction, notamment via le plan de relance et divers appels à projets. Il semble toutefois nécessaire d'aller plus loin afin de tenir la trajectoire nationale de réduction de l'artificialisation nette, telle qu'ambitionnée par le Gouvernement. C'est pourquoi elle souhaiterait connaître les mesures envisagées par le Gouvernement pour financer une telle stratégie de rénovation, afin de respecter l'objectif national de division par deux du rythme d'artificialisation au cours des dix prochaines années.

Texte de la réponse

NÉCESSITÉ D'UN MEILLEUR FINANCEMENT DE LA RÉNOVATION DU BÂTI EXISTANT


M. le président. La parole est à Mme Florence Lasserre, pour exposer sa question, n°  1601, relative à la nécessité d'un meilleur financement de la rénovation du bâti existant.

Mme Florence Lasserre. La loi du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, a fixé un objectif national de « zéro artificialisation nette » d'ici 2050. L'artificialisation des sols augmente les temps de déplacements, éloigne des emplois et des services publics et fait perdre leur attractivité à nos centres-villes. Surtout, elle réduit les espaces naturels et agricoles, accroît la vulnérabilité de nos territoires aux catastrophes naturelles comme celle que nous avons subie le mois dernier, et détruit la biodiversité. Je suis donc fière de cette avancée collective qui empêchera l'artificialisation de milliers d'hectares d'espaces naturels, agricoles ou forestiers comme il en disparaît chaque année.

La protection de nos terres ne doit toutefois pas se faire au détriment de la capacité des citoyens à se loger. Nous connaissons les difficultés que rencontrent un nombre croissant de Français pour trouver un logement décent à un prix raisonnable. Vous le savez, madame la ministre déléguée : ce problème est particulièrement pressant au Pays basque, qui connaît une crise du logement sans précédent. Il existe, pour faire face à cette situation, un éventail d'outils sur lesquels nous avons eu l'opportunité de nous pencher lors de l'examen du projet de loi 3DS – relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique local : plafonnement des loyers, bail réel solidaire (BRS) et taxation des résidences secondaires, pour n'en citer que quelques-uns.

Il existe un autre levier simple, qui permet à nos territoires de disposer de nouveaux logements sans artificialiser leurs sols. C'est la rénovation de l'immobilier existant, ancien et abandonné, la réhabilitation des résidences insalubres et la requalification des friches à l'abandon.

Certes, la rénovation d'une grange pour la transformer en logements coûte bien souvent plus cher qu'une construction neuve. Mais nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir pour objectifs à la fois de diviser par deux le rythme d'artificialisation des sols, au cours de la décennie à venir, et de bétonner pour produire des solutions de logement. Cela est d'autant moins possible qu'il nous faudra loger de plus en plus de monde sur une planète qui, quant à elle, ne peut pas changer de taille selon notre bon vouloir. Il faut donc à tout prix utiliser notre bâti existant, insalubre, vieux et sans usage, pour le recycler en logements.

La mobilisation massive de l'État est nécessaire car, pour rénover plutôt qu'artificialiser, il va falloir des financements. Sans cela, nous n'arriverons pas à tenir l'objectif de réduction de l'artificialisation que nous nous sommes fixé. Nous avons déjà fait de grands pas dans la bonne direction avec la rénovation énergétique, le plan de relance et des appels à projets, mais il faut aller plus loin.

Madame la ministre déléguée, quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement pour financer ces rénovations, afin de parvenir à diviser par deux le rythme d'artificialisation au cours des dix prochaines années ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée du logement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement. Vous l'avez rappelé, madame la députée : la loi « climat et résilience » fixe l'objectif d'atteindre « zéro artificialisation nette » en 2050. Cette loi dessine une trajectoire très progressive consistant à diviser par deux le rythme de consommation de terres naturelles et agricoles dans les dix prochaines années, puis de poursuivre cet effort jusqu'à l'atteinte de l'objectif final. C'est un objectif sur lequel nous travaillerons avec les collectivités locales dans une approche très territorialisée – le Premier ministre a eu l'occasion de le rappeler dans une circulaire récente aux préfets –, afin que l'artificialisation, qui décroît de façon globale, le fasse à un rythme différencié selon la situation et les besoins des territoires.

La lutte contre l'artificialisation des sols doit s'accompagner d'une politique volontariste en faveur du développement du logement, pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Mes discussions régulières avec les élus, du Pays basque notamment, me permettent de mesurer la sensibilité du sujet sur ce territoire comme ailleurs. Nous accompagnons donc notre politique d'un effort sur le bâti existant, d'abord avec le dispositif fiscal « Louer abordable », dont l'objectif est de convaincre des propriétaires de mettre en location des biens existants grâce à une rentabilité fiscale améliorée lorsque les loyers sont inférieurs au prix du marché ; c'est une manière de lutter contre la spéculation foncière. Nous avons également prévu, dans le projet de loi 3DS, la prolongation de l'expérimentation sur l'encadrement des loyers et la possibilité, pour de nouvelles collectivités locales qui le souhaiteraient, de se porter candidates.

Vous avez raison de souligner, madame la députée, que la rénovation de l'existant est absolument clé. Notre soutien à cette démarche passe par les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain, qui permettent de concentrer des financements, notamment de la Caisse des dépôts et d'Action logement, sur la rénovation. Le fonds pour le recyclage des friches permet par ailleurs la création de 100 000 logements supplémentaires dans d'anciennes friches, au travers de deux appels à projet successifs, dans le cadre desquels près de 1 100 opérations ont été validées. Ce fonds, qui a atteint 650 millions d'euros en 2021, est pérennisé en 2022 ; une première enveloppe de 100 millions d'euros a ainsi été annoncée samedi dernier par le Premier ministre.

Il faut citer enfin l'effort général de rénovation, mené notamment dans le cadre de programmes, spécifiques à l'ANAH, de requalification des centres-villes et de rénovation de l'habitat, y compris insalubre. Quant à MaPrimeRénov', cette aide plus large est maintenant ouverte non seulement aux propriétaires occupants mais aussi aux propriétaires bailleurs.

Certaines dispositions sont encore en discussion dans le cadre du projet de loi 3DS, dont j'espère qu'il fera l'objet d'une CMP (commission mixte paritaire) conclusive. Au total, l'ensemble de ces mesures est au service d'une politique du logement n'opposant pas la préservation des terres naturelles et agricoles au développement de logements, qui vise à répondre aux besoins de nos concitoyens.