Transformation de la fonction publique
Question de :
Mme Clémentine Autain
Seine-Saint-Denis (11e circonscription) - La France insoumise
Mme Clémentine Autain interroge Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques sur la loi de transformation de la fonction publique votée en 2019. En contraignant les communes à augmenter le temps de travail des fonctionnaires territoriaux, en usant de la menace d'attaques en justice, le Gouvernement veut faire plier les collectivités pour qu'elles se mettent au pas de sa régression sociale. Cette nouvelle attaque contre les droits intervient dans un contexte où les salaires des fonctionnaires territoriaux sont déjà en moyenne très faibles. Et puisqu'ils sont gelés, l'inflation généralisée fait même qu'en réalité ils diminuent. L'augmentation de leur temps de travail sans hausse du traitement, couplée à la suppression de jours de congés et à la suppression de postes, montre la priorité du Gouvernement. Elle note également que ce sont souvent des métiers pénibles, avec des horaires décalés et que les territoriaux sont surreprésentés dans les métiers de la fameuse « première ligne » que l'on a applaudis pendant l'épidémie. En réalité, Mme la ministre est en train de s'attaquer à une fonction publique territoriale qu'elle veut essorer. Parce que les personnes dont on parle, ce sont les éboueurs qui nettoient les villes, les aides-soignantes qui veillent sur les Français les plus fragiles dans les Ehpad, les Atsem qui accompagnent les enfants en maternelle. Est-ce que Mme la ministre pense vraiment que la priorité soit de rogner sur leurs conditions de travail ? Est-ce que Mme la ministre pense que la priorité soit de s'en prendre au droit d'autonomie des communes pourtant entériné par la Constitution ? Est-ce que Mme la ministre pense que la priorité soit d'augmenter le temps de travail alors que le chômage pousse logiquement à le réduire ? À Villepinte, à Sevran, à Tremblay-en-France, les agents territoriaux se sont mobilisés avec une énergie rare contre ce projet de grande régression. Mme la députée tient à redire ici toute sa solidarité à leur égard. Alors que l'on vit un temps de large paupérisation et que l'on est percuté de plein fouet par une crise sanitaire et sociale de grande envergure, le choix de concentrer ses attaques sur les populations déjà précarisées reste l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement. Alors, elle lui demande si elle envisage de revenir sur cette mesure aussi injuste qu'improductive.
Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022
FONCTION PUBLIQUE
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain, pour exposer sa question, n° 1605, relative à la transformation de la fonction publique.
Mme Clémentine Autain. À Sevran, à Tremblay-en-France et à Villepinte, les villes que je représente ici, des mobilisations impressionnantes ont récemment eu lieu contre la loi de transformation de la fonction publique votée en 2019. Celle-ci contraint les communes à augmenter le temps de travail des fonctionnaires territoriaux, menaçant les communes qui ne le feraient pas d'attaques en justice de la part de l'État. Au fond, le Gouvernement veut faire plier les collectivités pour qu'elles se mettent au pas de sa régression sociale. Cette nouvelle offensive contre les droits intervient dans un contexte où les salaires des fonctionnaires territoriaux sont déjà en moyenne très faibles, voire diminuent puisqu'ils sont gelés malgré l'inflation généralisée. L'augmentation de leur temps de travail sans hausse de traitement, couplée à la suppression de jours de congés et à la suppression de postes, montre où est votre priorité. Même les métiers pénibles, avec des horaires décalés, ne sont pas épargnés. Or les territoriaux sont surreprésentés dans les métiers de la fameuse première ligne que nous avons applaudis pendant les débuts de l'épidémie. Au fond, vous voulez les essorer !
Je vous parle des éboueurs qui nettoient nos villes, des aides-soignantes qui veillent sur nos concitoyens les plus fragiles dans les EHPAD, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM) qui accompagnent nos enfants. Pensez-vous vraiment que la priorité aujourd'hui soit de rogner sur leurs conditions de travail, de vous en prendre à l'autonomie des communes, inscrite dans la Constitution, et d'augmenter le temps de travail alors que le chômage de masse nous pousse logiquement à le réduire ?
Nous vivons une période de forte paupérisation et nous sommes percutés de plein fouet par une crise sanitaire et sociale de grande envergure. Le choix de concentrer vos attaques sur les populations déjà précarisées reste l'alpha et l'oméga de la politique du Gouvernement. Envisagez-vous de revenir sur la loi du 6 août 2019, aussi injuste qu'improductive ? Aiderez-vous enfin les communes à faire face à la légitime contestation à laquelle elles sont confrontées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics. Je connais bien la loi du 6 août 2019, car j'ai défendu ce texte devant l'Assemblée nationale et le Sénat.
M. Pierre Dharréville. Vous le regrettez !
M. Olivier Dussopt, ministre délégué . Je me permets de contester certaines des affirmations énoncées dans votre question.
Tout d'abord, la loi de transformation de la fonction publique n'augmente pas le temps de travail ; elle rappelle que le temps de travail légal dans notre pays est de 1607 heures en vertu de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail. Selon la loi du 6 août, les collectivités doivent, dans l'année qui suit le renouvellement de leur assemblée délibérante, délibérer sur un accord en matière de temps de travail dans le respect des 1607 heures. Cela amène des collectivités qui n'avaient pas revu leurs protocoles en matière de temps de travail depuis l'entrée en vigueur de la loi de 2000 à les réviser. Les collectivités devront d'ailleurs les revoir systématiquement dans l'année qui suivra un renouvellement de leur assemblée délibérante et elles s'attacheront à respecter la loi.
La loi fixe le temps de travail à 1607 heures. Il ne s'agit pas d'une augmentation du temps de travail : il s'agit de réaliser la durée du travail pour laquelle une personne travaillant à temps plein est rémunérée.
Je rappelle que les collectivités doivent appliquer la loi : l'autonomie sur laquelle vous avez insisté ne dispense aucune d'entre elles de le faire, puisqu'elle s'exerce dans le respect des lois qui s'appliquent à chacune des collectivités et à chacun des acteurs du pays.
Ensuite, les métiers que vous qualifiez de pénibles – je partage l'utilisation de ce terme, même si nous savons qu'en droit, il existe d'autres définitions – peuvent, comme dans le secteur privé, bénéficier d'aménagements particuliers dans le cadre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail. Je pense aux métiers de nuit, au travail séquencé, au travail du week-end. Ces sujétions sont prises en compte et peuvent se traduire par des réductions du temps de travail en deçà des 1607 heures dès lors que les critères de pénibilité évoqués par les assemblées délibérantes répondent à la définition qui en est donnée dans la loi.
En 2021, un certain nombre de collectivités ont dû modifier de façon assez importante le régime et les accords relatifs au temps de travail qui prévalaient précédemment. Dans la plupart des cas, cela s'est bien passé et les délibérations ont été adoptées. Certaines collectivités cherchent en revanche à mettre en avant des sujétions ou des caractéristiques qui ne répondent pas au cadre légal, ce qui a pu donner lieu à la saisine de la justice administrative, et d'autres ont peut-être rencontré un peu plus de difficultés lors des négociations. L'objectif reste cependant le même : faire en sorte que lorsque l'on est rémunéré à temps plein pour exercer un métier qui ne connaît pas de sujétions particulières, le temps de travail corresponde à une rémunération à temps plein, soit 1607 heures annuelles dans le public comme dans le privé. Je le répète, c'est un simple rappel de la loi, et en aucun cas une augmentation du temps de travail, contrairement à ce que vous affirmez.
Nous tenons compte de la pénibilité, nous appliquons la loi dans un cadre d'égalité et nous respectons l'autonomie des collectivités. Lorsque sont prises des délibérations qui ne correspondent pas au texte de la loi et qui sont donc manifestement illégales, les préfets n'usent ni de menaces ni de sanctions : ils font simplement leur travail, qui consiste à soumettre aux tribunaux administratifs les délibérations en question.
M. le président. La parole est à Mme Clémentine Autain.
Mme Clémentine Autain. Monsieur le ministre délégué, je suis désolée, vos propos sont tout simplement une négation de la réalité vécue par les agents. Concrètement, certains vont travailler davantage pour le même salaire. C'est cela la réalité ! Vous pouvez nous emballer tout ça comme vous voudrez au nom de l'égalité et de l'application de la loi, les personnels vivent véritablement une détérioration de leurs conditions de travail.
Auteur : Mme Clémentine Autain
Type de question : Question orale
Rubrique : Fonction publique territoriale
Ministère interrogé : Transformation et fonction publiques
Ministère répondant : Transformation et fonction publiques
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022