Hôpital de Denain : examen des conditions de travail dans les hôpitaux publics
Question de :
M. Sébastien Chenu
Nord (19e circonscription) - Non inscrit
M. Sébastien Chenu alerte Mme la ministre des solidarités et de la santé sur le fait que le 16 décembre 2017, une infirmière de l'hôpital de Denain, dans sa circonscription, a tenté de mettre fin à ses jours en s'injectant elle-même un produit amenant à la mort. Sauvée de justesse par ses collègues, elle a heureusement survécu. Malheureusement, le 16 janvier 2018, un jeune homme en pleine force de l'âge, lui aussi infirmier à l'hôpital de Denain, a eu moins de chance. Il a été retrouvé pendu à son domicile, sans qu'il ne soit plus possible d'intervenir pour lui. Le métier d'infirmier en hôpital est un métier excessivement compliqué. Les conditions de travail y sont difficiles et peuvent parfois fragiliser la santé psychologique du personnel hospitalier. Il est possible que ces conditions de travail soient l'une des causes, parmi d'autres, de ce tragique évènement. Le CHSCT a pointé l'explosion de l'activité de l'hôpital. Le nombre annuel d'entrées y est passé de 27 000 à 30 000 en trois ans, soit une hausse de 10 %, sans augmentation des moyens. Les agents hospitaliers dépassent régulièrement le temps de travail qui est normalement le leur, ce qui conduit à un épuisement professionnel, dont il a été parlé récemment dans l'hémicycle, et donc à une augmentation des arrêts-maladie sans que le personnel alors absent ne puisse être remplacé. Au-delà des heures supplémentaires, il existe aussi un souci d'un autre ordre : l'insécurité a passé la porte de l'hôpital. Bien trop souvent, le personnel y est confronté et des violences tout à fait nouvelles viennent nuire à la marche de ce service public ô combien important et nécessaire. Il serait tentant pour certains de considérer que ce sont des problématiques locales, circonstanciées au Denaisis ou au Nord, mais il n'en est rien. Elle n'est pas sans savoir que cette situation n'est que le reflet de celle, plus globale, de l'hôpital public en France. Nous devons nous poser sérieusement la question, en tant que parlementaires, du lien qui pourrait exister entre les conditions de travail mentionnées et le malaise psychologique du personnel hospitalier. Nous ne pouvons pas faire l'économie de cette réflexion. Dans ce cadre, il faut réfléchir à l'impact de la loi hôpital patients santé territoire de 2009, que l'on dit avoir été prise pour des considérations d'ordre financier. Si le service public hospitalier doit être modernisé, c'est certain ; l'obsession financière ne peut être la finalité d'une politique publique. Il lui demande, pour ce jeune homme du Denaisis, ainsi que pour tout le personnel des hôpitaux publics à qui nous devons tant, si elle aura le courage d'analyser objectivement les résultats de la loi HPST afin que toutes les conséquences puissent en être tirées à l'Assemblée nationale.
Réponse en séance, et publiée le 21 février 2018
CONDITIONS DE TRAVAIL À L'HÔPITAL PUBLIC
M. le président. La parole est à M. Sébastien Chenu, pour exposer sa question, n° 160, relative aux conditions de travail à l'hôpital public de Denain.
M. Sébastien Chenu. Madame la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, je commence par remercier mes collègues Jean-Bernard Sempastous et Jean-Louis Bricout de leur présence pour cette dernière question : ainsi, nous ne restons pas en tête à tête ! (Sourires.)
Ma question s'adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé. Le 16 décembre dernier, une infirmière de l'hôpital de Denain, dans ma circonscription, a tenté de mettre fin à ses jours en s'injectant elle-même un produit amenant à la mort. Sauvée de justesse par ses collègues, elle a heureusement survécu. Malheureusement, le 16 janvier, un jeune homme en pleine force de l'âge, lui aussi infirmier à l'hôpital de Denain, a eu moins de chance : il a été retrouvé pendu à son domicile, et il n'a pas été possible de le ramener à la vie.
Le métier d'infirmier en hôpital public est un métier exigeant et compliqué. Les conditions de travail sont difficiles et peuvent parfois fragiliser la santé psychologique du personnel hospitalier. Ces conditions de travail vont en se dégradant, et il est possible que ce soit là l'une des causes, parmi d'autres, de ces tragiques événements.
Le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – a pointé l'explosion de l'activité de l'hôpital de Denain : le nombre annuel d'entrées est passé de 27 000 à 30 000 en trois ans, soit une hausse de 10 %, sans augmentation des moyens. Les agents hospitaliers dépassent régulièrement le temps de travail qui est normalement le leur, ce qui conduit à l'épuisement professionnel, dont nous avons parlé récemment dans cet hémicycle, et donc à une augmentation des arrêts maladie, sans que le personnel absent puisse être remplacé.
Au-delà des heures supplémentaires, il existe aussi un souci d'un autre ordre : l'insécurité a passé la porte de l'hôpital public. Bien trop souvent, le personnel y est confronté, et des violences tout à fait nouvelles viennent nuire à la marche de ce service public ô combien important et nécessaire dans notre département comme partout ailleurs.
Certains pourraient être tentés de considérer que ce sont là des problématiques locales, limitées au Denaisis ou au Nord, mais il n'en est rien. Vous n'êtes pas sans savoir que cette situation n'est que le reflet de celle, plus globale, de l'hôpital public dans notre pays – il faudrait d'ailleurs également mentionner les pharmaciens. Nous devons nous poser sérieusement la question, en tant que parlementaires, du lien qui pourrait exister entre les conditions de travail que j'ai mentionnées et le malaise psychologique du personnel hospitalier. Nous ne pouvons pas faire l'économie de cette réflexion.
Dans ce cadre, nous devons réfléchir à l'impact de la loi HPST – Hôpital, patients, santé, territoires – de 2009, votée essentiellement pour des considérations d'ordre financier. Si le service public hospitalier doit être modernisé, ce que nous sommes tous prêts à croire, l'obsession financière ne peut être la finalité d'une politique publique.
Madame la secrétaire d'État, pour ce jeune homme du Denaisis, ainsi que pour tout le personnel des hôpitaux publics à qui nous devons tant, aurez-vous le courage d'analyser objectivement les résultats de la loi HPST afin que nous puissions ensemble en tirer toutes les conséquences et aborder la réforme de l'hôpital public en plaçant ses agents au centre de notre action, alors même que leur rôle crucial n'a pas été mentionné par la ministre de la santé lorsqu'elle a présenté ses premières pistes de réflexion ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées. Monsieur le député, vous avez raison, nous ne sommes pas nombreux… Vous abordez la question de la qualité de vie au travail et du mal-être de certains professionnels, un mal-être qui a conduit l'un d'entre eux, malgré un accompagnement par l'équipe encadrante, à attenter à ses jours. Cet incident a conduit l'établissement à procéder à une analyse systémique des faits. Un plan d'action sera transmis à l'agence régionale de santé – ARS. Nous pouvons déjà noter la mise en place d'une vidéosurveillance destinée à améliorer la sécurité dans le service et la présence supplémentaire d'un agent la nuit afin d'assurer l'accueil administratif vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Vous évoquez également le manque de moyens. Sachez que la direction du centre hospitalier de Denain est extrêmement attentive à pérenniser les contrats des professionnels, notamment dans les services de psychiatrie et de pneumologie ainsi que dans celui des urgences, et à prendre en charge les heures supplémentaires des agents qui prêteraient main-forte de façon volontaire.
Bien des difficultés en lien avec la surcharge de travail, le stress et la violence dans le service des urgences sont connues des établissements et ceux-ci s'engagent à explorer des pistes d'amélioration.
Monsieur le député, Mme la ministre ne mésestime absolument pas les difficultés des professionnels hospitaliers. Y ayant exercé elle-même durant vingt-cinq ans, Mme Buzyn est extrêmement attentive à la qualité de vie au travail à l'hôpital, sujet pour lequel elle s'implique fortement.
Le Gouvernement a confiance en l'hôpital et en tous ses acteurs pour soutenir les réformes nécessaires. Nous connaissons leur engagement au quotidien pour les patients. Aux côtés du Premier ministre, Mme Buzyn a lancé une période de réflexion et de concertation de trois mois sur cinq grands chantiers structurants afin d'améliorer l'investissement dans la prévention, l'accès aux soins dans certains territoires et le fonctionnement global de notre système de santé.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le député, nous sommes présents aux côtés des professionnels de santé et des patients. Pour améliorer l'offre de soins mais aussi les conditions de travail du personnel, notre système de santé doit être envisagé de façon globale.
M. le président. La parole est à M. Sébastien Chenu.
M. Sébastien Chenu. Je ne doute pas de l'existence de pistes d'amélioration locales : j'ai moi-même rencontré à deux reprises le directeur de l'hôpital de Denain. Mais je vous dirai, comme Pierre Reverdy, qu'il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ! Or, dans la réforme annoncée par la ministre, je ne les vois pas : pas de moyens supplémentaires, pas de considération particulière pour le personnel, dont la place est pourtant centrale, pas de réforme des urgences parmi les pistes présentées… Bref, nous sommes attentifs, mais sérieusement inquiets.
Auteur : M. Sébastien Chenu
Type de question : Question orale
Rubrique : Établissements de santé
Ministère interrogé : Solidarités et santé
Ministère répondant : Solidarités et santé
Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 13 février 2018