15ème législature

Question N° 1618
de Mme Valérie Bazin-Malgras (Les Républicains - Aube )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Agriculture et alimentation
Ministère attributaire > Agriculture et alimentation

Rubrique > agriculture

Titre > Arrêté relatif à la protection des abeilles et autres insectes pollinisateurs

Question publiée au JO le : 04/01/2022
Réponse publiée au JO le : 12/01/2022 page : 491

Texte de la question

Mme Valérie Bazin-Malgras interroge M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur l'arrêté du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cet arrêté « abeille » remplace le précédent qui date du 28 novembre 2003. Il prévoit d'étendre la mention abeille aux fongicides et herbicides (actuellement prévue seulement pour les insecticides et acaricides) qui seraient désormais interdits d'usage pendant les périodes de floraison et de production d'exsudats. Outre la distorsion de concurrence que cette nouvelle réglementation créerait à l'égard des autres États membres de l'Union européenne et des pays tiers, la protection des cultures serait particulièrement fragilisée. La compétitivité des produits agricoles français s'en trouverait ainsi amoindrie. Cela favoriserait les productions agricoles d'autres pays avec des normes moins-disantes sur le plan environnemental. Des pertes de revenus importantes s'ensuivraient pour les agriculteurs alors que le monde agricole est déjà en crise. Les dérogations prévues apparaissent en outre inapplicables. La tranche horaire nocturne réduite pendant laquelle l'utilisation de produits phytosanitaires serait autorisée s'accompagne de nombreux écueils. Le travail de nuit qu'elle impose pose notamment des problèmes de sécurité pour les travailleurs et aura des conséquences inacceptables sur leur vie familiale. Outre ces difficultés sociales, les délais dérogatoires apparaissent trop courts pour pouvoir traiter l'ensemble des surfaces agricoles. Le matériel agricole actuel se révèle par ailleurs largement inadapté pour les travaux de nuit. La pulvérisation de produits phytosanitaires en soirée risque également d'accentuer les conflits de voisinage et de tendre les relations déjà difficiles entre la population et les agriculteurs. La pertinence de l'interdiction de l'utilisation de pesticides en période de floraison est enfin sujette à interrogation concernant les cultures non mellifères comme la vigne. Aussi, elle lui demande si le Gouvernement entend revenir sur les écueils de l'arrêté abeille afin de s'assurer que la nécessaire préservation des hyménoptères ne se fasse pas au détriment de l'activité des agriculteurs en leur imposant des conditions inacceptables.

Texte de la réponse

PROTECTION DES INSECTES POLLINISATEURS


M. le président. La parole est à Mme Valérie Bazin-Malgras, pour exposer sa question, n°  1618, relative à la protection des insectes pollinisateurs.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, je souhaite vous interroger sur l'arrêté du 20 novembre 2021 relatif à la protection des abeilles et des autres insectes pollinisateurs et à la préservation des services de pollinisation lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Cet arrêté « abeilles » remplace le précédent datant du 28 novembre 2003.

Il est essentiel de préserver les abeilles qui, en raison de leur rôle de pollinisateurs, rendent d’innombrables services aux cultures et à l’environnement. Or votre arrêté ne permet pas de répondre à cet impératif, alors qu'il crée des règles inapplicables pour nos agriculteurs. Il prévoit ainsi d'étendre la mention « abeilles » aux fongicides et herbicides, qui seraient désormais interdits d'usage pendant les périodes de floraison et de production d'exsudats.

Outre la distorsion de concurrence que cette nouvelle réglementation créerait vis-à-vis des autres États membres de l'Union européenne et des pays tiers, la protection des cultures serait particulièrement fragilisée. La compétitivité des produits agricoles français s'en trouverait amoindrie. Cela favoriserait les productions de pays ayant des normes moins-disantes sur le plan environnemental, ce qui entraînerait des pertes de revenus importantes pour nos agriculteurs alors que le monde agricole est déjà en crise.

En outre, les dérogations prévues apparaissent inapplicables. La tranche horaire nocturne réduite pendant laquelle l'utilisation de produits phytosanitaires serait autorisée s'accompagne de nombreux écueils.

Le travail de nuit ainsi imposé induit des problèmes de sécurité pour les travailleurs et il aura des conséquences inacceptables sur leur vie familiale. La pulvérisation de produits phytosanitaires en soirée risque aussi d'accentuer les conflits de voisinage et de tendre les relations déjà difficiles entre la population et les agriculteurs.

Au lieu de créer des normes inapplicables et délétères sur le plan social, environnemental et sociétal, vous devriez soutenir la recherche pour nous permettre de trouver des produits de substitution à ceux qui sont les plus néfastes pour l'environnement.

Les agriculteurs ne demandent qu'à ce qu'on leur offre la possibilité de changer leurs pratiques tout en conservant le même niveau de rendement, nécessaire pour tous nous nourrir. Cependant, force est de constater qu’aucune solution de rechange ne leur est proposée.

Comment justifiez-vous votre incapacité à proposer une solution alternative, fruit de la recherche, permettant d'assurer la nécessaire préservation des abeilles, ce qui vous conduit à imposer de nouvelles normes au détriment de l'activité des agriculteurs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation.

M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Excusez-moi de vous le dire comme cela, madame la députée, mais votre question comporte un nombre d'erreurs assez colossal.

Premièrement, contrairement à ce que vous prétendez, l'arrêté « abeilles » n'impose en aucun cas le travail de nuit : c'était même la ligne rouge que j'avais résolument tracée d'emblée.

Deuxièmement, cet arrêté est le fruit d'une très large concertation, car il faut trouver un équilibre parfois compliqué entre des intérêts divers. Votre intervention en apporte d'ailleurs un témoignage criant : vous commencez par vous poser en défenseure des abeilles avant de conclure que tout ce que nous avons entrepris est bon à jeter à la poubelle.

C'est parce que la réalité est complexe que nous avons prévu des dérogations destinées à trouver de justes équilibres. C'est pour cela que nous avons adopté une approche pragmatique et défini des conditions d'application pour cet arrêté. Quant au cadre familial, il a été au centre de mes préoccupations et à l'origine de mon choix de ne jamais imposer de travail de nuit. Ce n'est pas ma vision d'une société de progrès !

Si votre énumération ne correspond pas à l'arrêté pris, vous avez raison sur deux points sur lesquels je voudrais insister.

Premier point : ces débats sur les produits utilisés dans l'agriculture doivent avoir lieu au niveau européen ; quand ils sont traités à un niveau national, les décisions prises entraînent des distorsions de concurrence. Aussi ai-je décidé d'en faire un objectif prioritaire de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

Deuxième point : l'importance de la recherche. À cet égard, je vous ferais observer que nous avons investi massivement dans ce domaine, comme peu de gouvernements l'ont fait, notamment en saisissant les occasions offertes par de nouveaux plans tels que le plan France 2030.

Néanmoins, la recherche peut prendre beaucoup de temps quand elle doit résoudre des problèmes compliqués – ce n'est pas le ministre, mais l'ingénieur agronome qui vous le dit. À juste titre, on dit souvent qu'en agriculture, on a l'année culturale pour tester une recherche. Ce seul considérant donne une idée du temps nécessaire.

Il nous faut rattraper des retards dus à des années de sous-investissement dans la recherche, même si nos instituts, qu'ils soient publics ou privés, font partie des meilleurs au monde. J'ai appelé « troisième révolution agricole » celle qui a lieu autour du vivant et de la connaissance, et qui passe par le numérique, l'agrorobotique, la génétique, le biocontrôle.

Trois mots résument donc notre action : pragmatisme, équilibre, investissements. Les transitions nécessaires ne se feront pas sur injonction mais grâce à des investissements, et c'est pourquoi nous investissons 2,4 milliards d'euros dans cette révolution agricole.

Mme Valérie Bazin-Malgras. Je voudrais répondre, monsieur le président.

M. le président. Votre temps de parole est épuisé, chère collègue : vous connaissez les règles et il me semble que vous y êtes attachée.