Question orale n° 1623 :
Protection et soutien à l'Arménie

15e Législature

Question de : M. Julien Ravier
Bouches-du-Rhône (1re circonscription) - Les Républicains

M. Julien Ravier attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur l'attitude de la France à l'égard des intrusions azerbaïdjanaises en territoire souverain arménien avec deux prises de position et de nouveaux prisonniers arméniens qui viennent s'ajouter à ceux qui n'ont pas été rendus à l'issue du cessez-le-feu et en violation des accords de paix suite à l'invasion d'une partie du Haut-Karabakh par l'Azerbaïdjan, le 27 septembre 2020. La région a connu, le lundi 15 novembre 2021, l'incident le plus grave entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan depuis la fin de la guerre dans le Haut-Karabakh, il y a un an. Ce fut une attaque des forces azerbaïdjanaises contre les positions des forces arméniennes qui a fait des morts et des blessés côté arménien. Il lui demande ce qu'entend faire la France pour libérer les prisonniers de guerre arméniens toujours illégalement retenus par Bakou, au mépris des conventions de Genève du droit de la guerre et de l'accord de cessez-le-feu et si la France va soutenir l'Arménie afin qu'elle puisse résister aux pressions de ses voisins belliqueux. Il lui demande également ce que compte faire la France pour protéger les frontières du territoire souverain de la république d'Arménie afin d'éviter que le projet « panturc » de conquête du sud de l'Arménie par l'alliance turco-azerie se réalise.

Réponse en séance, et publiée le 12 janvier 2022

SOUTIEN À L'ARMÉNIE
M. le président. La parole est à M. Julien Ravier, pour exposer sa question, n°  1623, relative à la protection et au soutien dus à l'Arménie.

M. Julien Ravier. Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur l'attitude de la France à l'égard des intrusions azerbaïdjanaises en territoire souverain arménien. La fin de l'année 2021 a vu éclater de nouveaux affrontements entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, avec une violation du territoire arménien par l'armée azerbaïdjanaise et de nouveaux prisonniers arméniens. Ces malheureux viennent s'ajouter à ceux toujours détenus par l'Azerbaïdjan en violation totale du cessez-le-feu et des accords de paix conclus à la suite du conflit du Haut-Karabakh de 2020, au cours duquel l'armée azerbaïdjanaise avait attaqué la République du Haut-Karabakh avec le soutien des forces turques et de mercenaires djihadistes aux ordres d'Ankara. Je ne reviendrai pas sur ce conflit qui a coûté la vie à près de 5 000 personnes dans le silence assourdissant de la communauté internationale, démontrant toute la faiblesse du groupe de Minsk dans sa mission d'encourager une résolution pacifique et négociée entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan concernant le territoire du Haut-Karabakh. Sans la force d'interposition pacifique de la Russie, les populations arméniennes du Haut-Karabakh auraient été totalement décimées. Une fois de plus, je ne peux que regretter que la France ne soit pas intervenue aux côtés de la Russie pour préserver la paix dans cette région.

Comme je le disais au début de mon propos, les choses sont encore plus graves aujourd'hui. J'étais en Arménie le 15 novembre dernier, quand la région a connu l'incident le plus grave entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan depuis la fin de la guerre au Haut-Karabakh il y a un an. Les forces azerbaïdjanaises ont attaqué le territoire souverain de la République d'Arménie, prenant deux positions militaires arméniennes et faisant de nouveaux morts et blessés, ainsi que douze nouveaux prisonniers arméniens selon le ministère arménien de la défense. Cette situation est parfaitement inacceptable. Or la réponse de la France, par voie de communiqué de presse du Quai d'Orsay, est arrivée bien tardivement par rapport à la communauté internationale. Pire encore, elle ne condamnait pas ces attaques, ce qui suscite l'incompréhension, pour ne pas dire l'indignation, de la part d'un certain nombre d'élus dont je fais partie et de toute la diaspora arménienne de France. Nous sommes face à une véritable guerre de civilisation aux portes de l'Europe. Le peuple arménien a plus de 2 000 ans d'histoire, l'Arménie est l'un des berceaux de notre humanité et de la chrétienté. Allons-nous attendre passivement que nos frères arméniens soient rayés de la carte sans réagir ? Mes questions sont simples. Qu'entend faire la France pour libérer les prisonniers de guerre arméniens toujours illégalement retenus à Bakou ? Que compte faire la France pour protéger les frontières du territoire souverain de la République d'Arménie, afin d'éviter que le projet panturc de conquête du sud de l'Arménie par l'alliance turco-azérie se réalise ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée . Plus d'un an après le conflit qui a frappé le Haut-Karabakh, le Caucase du Sud demeure en proie à des tensions qui freinent l'établissement d'une paix durable dans la région. L'accord de cessez-le-feu du 9 novembre 2020, qui a mis fin au conflit de l'automne 2020, reste imparfaitement mis en œuvre et ses angles morts laissent plusieurs questions sans réponse. La France, coprésidente du groupe de Minsk avec la Russie et les États-Unis, reste déterminée et travaille à l'établissement d'une paix durable entre les deux parties. C'est le sens des échanges que le Président de la République a eus avec le Premier ministre arménien et le président de l'Azerbaïdjan à Bruxelles le 15 décembre dernier. C'est aussi le sens de l'effort de Jean-Yves Le Drian : le 10 novembre 2021, il a réuni à Paris ses deux homologues pour la première fois depuis la fin de la guerre. Nous devons traiter plusieurs enjeux clés pour parvenir à stabiliser la situation et discuter des paramètres d'une solution durable. Je pense par exemple à la délimitation de la frontière entre les deux pays, qui reste inachevée et suscite des tensions importantes. L'incursion en mai 2021 des forces armées azerbaïdjanaises en territoire arménien, que le Président de la République a été le premier à dénoncer, est un héritage du passé des deux anciennes républiques voisines de l'URSS. La France a toujours insisté sur l'importance de mener ce travail par le biais d'une négociation, loin de tout fait accompli sur le terrain. Je pense aussi, en second lieu, aux discussions que nous poursuivons sur l'ensemble des problèmes humanitaires liés au conflit de l'automne 2020 qui restent à résoudre, à commencer par la libération des prisonniers de guerre et le déminage. Les développements de ces dernières semaines sont encourageants, puisque vingt prisonniers ont été libérés par l'Azerbaïdjan au mois de décembre et que l'Arménie a remis toutes les cartes des champs de mines qui étaient en sa possession.

Vous connaissez notre engagement sur le plan de l'aide humanitaire. En 2021, nous avons consacré 2 millions d'euros au financement des activités du Comité international de la Croix-Rouge, le CICR, qui est aujourd'hui l'unique organisation internationale active au Haut-Karabakh et qui rend visite aux détenus arméniens et continue les recherches des personnes portées disparues. Nous sommes donc au rendez-vous de la responsabilité, sur la base de notre mandat de coprésident du groupe de Minsk, en recherchant avec les deux parties des solutions pragmatiques aptes à établir la paix. Par ailleurs, et ce n'est évidemment pas exclusif, nous restons au rendez-vous de la solidarité avec le peuple arménien, eu égard aux liens historiques et culturels qui nous lient à lui. Dans ce cadre, nous travaillons au renforcement de nos liens de coopération avec l'Arménie, avec laquelle nous avons récemment conclu une feuille de route bilatérale. Je peux vous l'assurer : en sa qualité de coprésident du groupe de Minsk de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la France ne ménagera aucun effort pour favoriser la paix dans le Caucase du Sud, et nous continuerons à œuvrer sans relâche dans ce sens.

Données clés

Auteur : M. Julien Ravier

Type de question : Question orale

Rubrique : Politique extérieure

Ministère interrogé : Europe et affaires étrangères

Ministère répondant : Europe et affaires étrangères

Date de la séance : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue dans le journal officiel le 4 janvier 2022

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